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Critique de Rodin_Marcel


Leroy Jérôme, - "Le Bloc" - Gallimard "série noire", 2011 (ISBN 978-2070786428)

Ce livre a connu un certain succès médiatique, et fut dès sa parution l'objet de recensions plus ou moins élogieuses dans la presse, sans doute parce que son auteur en fait partie tout en ayant déjà publié deux ou trois autres romans, et qu'il traite d'autre part de l'un des fantasmes favoris de la "gauche" (toutes tendances confondues), à savoir l'arrivée au pouvoir de l'extrême-droite (sortie du néant en son temps par l'éminent François Mitterrand, machiavélique président de la République ayant décidé délibérément de jouer avec le feu pour ne pas perdre son pouvoir).

L'auteur, Jérôme Leroy, ne cache pas son appartenance au Parti Communiste Français, tout en gagnant sa vie grâce à des articles publiés principalement dans la presse que la gauche accuse d'être à droite, et en avouant être fasciné par l'extrême-droite, ce qui n'a rien de surprenant. En effet, les points communs entre ces deux mouvances politiques ne sont plus à démontrer : pour ne prendre que quelques leitmotive parmi tant d'autres toutes deux visent à prendre le pouvoir par la force à la faveur d'émeutes dénommées "révolution populaire", véritable mythe fondateur de ces gens-là, pour instaurer une dictature, laquelle ne manquera pas de faire le bonheur "du peuple", tout en changeant sa façon de penser. Ben voyons.

Ce qui relève de l'imposture la plus complète, c'est – comme dans ce roman – la manie de ces gens de gauche d'imputer à la seule droite parlementaire la montée de l'extrême-droite, alors qu'ils y participent activement : c'est François Mitterrand qui tira le Front National du néant (scrutin à la proportionnelle instauré en avril 1985) pour affaiblir la droite parlementaire, par ailleurs les partis de gauche tiennent la grande majorité des collectivités locales (municipalités, conseils généraux, conseils régionaux) depuis belle lurette, si bien que c'est bel et bien leur politique menée à cet échelon qui contribue à alimenter l'extrême-droite, au moins autant que la politique menée au niveau national.
L'auteur omet complètement d'aborder la raison principale de la montée de l'extrême-droite, qui résulte amplement de la déconnexion manifeste et dramatique de nos élites politiques (de droite comme de gauche) par rapport à la vie réelle de la population. C'est bien dommage.

Ce roman se déroule à l'instant imaginaire où le Bloc National (dénomination donnée ici au Front National) va accéder au gouvernement dans le contexte d'émeutes violentes et ininterrompues dans les banlieues (déclenchées bien entendu par le vilain gouvernement de droite classique, sans jamais mentionner la responsabilité des élus locaux, pour le coup majoritairement de gauche dans ces banlieues). Les allusions aux diverses étapes de la constitution et du succès du Front National sont à peine dissimulées derrière des noms tout à fait transparents (la dissidence mégrettiste, l'accident de Stirbois, les municipalités conquises en juin 1995 gérées de pitoyable façon etc). Comme dans la réalité de l'histoire du F.N., ce Bloc National fut fondé et développé par "le Vieux" (qui a toutes les caractéristiques de Jean-Marie le Pen), lequel a cédé sa place à sa fille (allusion à Marine le Pen), laquelle est donc en train de négocier l'entrée en force de son parti au gouvernement, en exigeant pas moins de dix portefeuilles ministériels.
Pour accepter cette demande, l'un des soutiens incontournables de la droite exige la liquidation physique du chef des milices secrètes du Bloc National, dénommé Stanko (un des militants inconditionnels de la première heure), et obtient que la milice du Bloc National se charge de cet assassinat. En contrepartie, le mari de la présidente du Bloc devrait se voir octroyer au moins un poste de secrétaire d'état si ce n'est de ministre.

A partir de cette situation, chaque chapitre alterne les réminiscences de l'un (le mari qui attend le résultat des négociations dans son somptueux appartement, apostrophé par un récit à la forme "tu") et de l'autre (le petit malfrat né à Denain, tôt pris en main et formé par les anciens du Bloc National, adepte de la violence extrême, qui parle à la forme "je") pour décrire l'inexorable montée du Bloc National.
En ce qui concerne les épisodes de violence entre diverses tendances de l'extrême-droite mises en scène dans ce roman, l'auteur a fort probablement puisé dans ses souvenirs de castagne soigneusement organisée entre les militants d'extrême-gauche et les caïds de la CGT ou/et du PCF, ça se ressemble comme deux gouttes d'eau.

Quelques pages fort intéressantes, surtout dans le chapitre neuf, des pages 170 à 178 : via son héros, l'auteur se livre à une variation sur le monde d'avant, le monde d'après, situé aux environs des années 1960-1970, en s'appuyant sur le film "Masculin-Féminin" réalisé par Jean-Luc Godard et sorti en mars 1966.

Un livre enlevé, bien ficelé, mais à lire avec beaucoup de circonspection. Il n'est pas interdit de le mettre en parallèle avec "Soumission" de Houellebecq, qui part, lui, de l'hypothèse de la victoire d'un parti islamiste…
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