Les drames d'une Afrique en décomposition et le millier de morts du sida n'intéressaient personne, sauf quand le virus touchait un artiste connu. p. 196
[…] il ne me fallut pas longtemps pour comprendre qu’un même continent pouvait réserver des surprises d’un pays à l’autre, surtout d’une zone désertique où tout se dessèche à une zone équatoriale où tout fermente. Et si la misère présente une face unie, elle a une palette plus étendue en nuances. Du gris au noir.
Mon père mourut cinq mois plus tard dans des douleurs extrêmes après avoir perdu une vingtaine de kilos. Son médecin ne lui donna pas de morphine, de peur qu’il ne s’y habitue ! Cette fin terrible fit définitivement de moi un ennemi personnel de la souffrance et un adepte de tout ce qui pouvait l’apaiser.
Dans le service, une religieuse française, petite sœur des pauvres, infirmière d'une cinquantaine d'années, parlant tous les dialectes locaux, organisait ce tri de main de maître. Elle incarnait la bonté, la vraie, pas celle de l'obole donnée aux mendiants.
Jusqu’alors, je ne savais pas à quel point j’appartenais à l’Afrique et à quel point aussi j’en étais éloigné.
Je n’étais pas gris mais bien blanc et noir.
Un curieux attelage.
Il y a des bouteilles dans le désert qui reviennent à dos de chameau !
Ne jamais désespérer.
Quand Rémi venait me voir à l’infirmerie, il était le seul enfant rondouillard à des kilomètres alentour et cela me troublait. Comme s’il était indécent qu’il se portât si bien et fût si blanc.
Contre l'envie et la mauvaise foi, on ne peut rien.
Les tyrans qui ont œuvré à éliminer leur opposition sont les meilleurs gardiens de leur propre vie. S'ils ne sont pas chiches de celle des autres, ils se révèlent soucieux de la leur, ce qui ne les grandit pas mais les préserve .
Du haut en bas de l'échelle, chacun essayait de conjurer le mal, avec son armure.
Cette anecdote montre à quel point on pouvait perdre pied dans une atmosphère où les virus occupaient les esprits. La communication anti-sida était balbutiante.