"Seul l'hiver est la saison de l'âme" affirmait
Césare Pavèse, et en cet hiver parisien, où le Jardin des plantes survolé par un corbeau noir, se couvre de blanc, les souvenirs d'Edith Arnaud (la narratrice d'
Un lac immense et blanc) s'égrènent comme de gros flocons sonnant à l'horloge de sa vie.
Gare d'Austerlitz. 8 heures 15.Le café Lunaire. L'italien, celui du mercredi, dont elle ne connait que la voix, la silhouette voutée et le statut de chargé de cours en fac,a-t-il raté son train?
Rue Buffon.Il
neige.Le ciel est pâle.Et sur les accents chantants, "la douceur rapeuse des mots" de l'inconnu de Ferrare, la mémoire émerge du brouillard pour écrire le passé sur une page blanche.
Antoine, l'étudiant fougueux de Nanterre lors des combats communs en 68, l' amant passionné du plateau d'Aubrac,le jeune révolutionnaire complice d'une guerre mélangée au bonheur et son lac immense et blanc s'est envolé sans laisser de traces.Le voilà, juste en filigrane.Fugace.
Madame Renée,celle de l'enfance,celle qui fermait les fenêtres qu'Edith s'empressait d'enjamber pour s'en aller courir dans la
neige, le visage mordu par le gel.Vivace.
Ferrare, ilot de silence et de paix dans un vieux couvent.Violence.
Ferrare, "mot magique entre lui et elle". Cet italien "personnage de Bassani" le reverra-t-elle?
"Ne penser qu'à la
neige comme un éternel éblouissement".
Moment d'intense poésie nostalgique d'une
neige qui en appelle une autre celle de
Maxence Fermine, avec sa funambule et son amour passé, mais l'on en vient à se demander si l' hiver de
Michèle Lesbre,lui blanc de blanc, retrouvera un jour ses couleurs printanières?
Un superbe roman d'une auteur qui a déjà publié une dizaine d'ouvrages, connue notamment pour
le Canapé rouge (prix Millepages 2007).