J'ai 25 ans et je boite avec ma mère pour être en phase avec elle. Mes jambes sont ses jambes.
Rose est assise dans son fauteuil. Son dos est terrible à voir. Il est vulnérable. Les gens sont davantage eux-mêmes vus de dos. Ses cheveux étant attachés, je vois son cou. Elle perd ses cheveux. Quelques boucles tombent sur sa nuque, mais c’est le gilet qui lui enveloppe soigneusement les épaules malgré la chaleur du désert qui me fait dire qu’elle a hérité ce rituel de sa mère et l’a exporté à Almeria. C’est touchant, ce gilet. Mon amour pour ma mère est une hache. Il blesse gravement.
– Tu vas bien ?
D’aussi loin que je me souvienne, c’est toujours moi qui lui pose cette question. Quand je ne le demande pas tout haut, je le fais dans ma tête : est-ce que ma mère va bien ? Est-ce qu’elle va bien ? Le ton de Rose est énervé, peut-être un peu perplexe, et je me dis que si elle ne me pose pas la question, c’est qu’elle ne veut pas entendre la réponse.
J'enfourne un churro dans ma bouche. Il est croustillant, huileux et couvert de sucre. Pas étonnant que mon corps s'élargisse d'est en ouest depuis que je vis en Espagne.
Je veux une vie plus vaste.