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Critique de Eve-Yeshe




Le journal imaginaire d'Euphrasie Artaud s'ouvre en 1920 lorsque son fils Antonin quitte Marseille pour aller conquérir Paris. Elle nous livre ses angoisses de mère devant les souffrances mentales et physique de son Nanaqui comme elle l'appelle.

Antonin a souffert de maux de tête très tôt dans sa vie, à l'âge de quatre pour être précise. On a évoqué alors le diagnostic de méningite. Donc très vite il a utilisé des « drogues » licites ou non, avec une consommation de laudanum impressionnante, avec la complicité de sa mère qui voulait éviter qu'il souffre.

C'est le début d'un parcours difficile pour notre poète, car très vite il est interné en milieu psychiatrique… on le suit en Afrique, au Mexique, ou quand il fait la manche dans les rues de Paris…

« Quelqu'un me dit que, s'il est parti au Mexique, c'est pour y renaître. Je ne comprends pas. Je suis indignée. Inquiète, mais surtout indignée. Cette histoire de renaître m'offense. »

A travers ce journal imaginaire, Justine Levy nous propose d'étudier le ressenti d'une mère devant une telle situation : l'amour qu'elle porte à son « petit » qu'elle considère toujours comme un bébé sur lequel elle doit veiller, sa culpabilité devant les décisions à prendre (et à assumer), et très vite elle endosse le rôle de mère toxique, hyper-protectrice, voire castratrice.

La manière dont elle parle des femmes, notamment Anaïs Nin, et de leur influence néfaste sur Nanaqui, se situant elle-même uniquement des mères, des génitrices et son aversion pour ce qu'elle appelle « la chose » sont parfois exaspérantes, on oscille entre l'empathie et le dégoût.

L'auteure aborde au passage, la consanguinité : Euphrasie et Antoine-Roi (difficile d'assumer de tels prénoms n'est-ce pas ?) sont en effet cousins germains, les grands-mères sont soeurs. Antonin a même été traité pour suspicion de syphilis congénitale avec les traitements qui vont avec.

On se demande quel rôle joue le père, Antoine-Roi, dans cette famille ! il a réagi un peu lors de la première prise de laudanum, mais s'est fait traiter de rétrograde alors c'est plus simple de rester en dehors…

Il faut retenir au passage qu'il a passé plusieurs années en asile psychiatrique, avec un nombre ahurissant d'électrochocs (58 !) à l'époque c'était fréquent, camisole, entrave, bains d'eau glacée, sondes à divers endroits, également étaient au programme !

Ce qui m'a frappé, c'est le côté ambivalent d'Euphrasie : elle surprotège son fils, lui trouve toutes sortes d'excuses au nom du génie, puis devient plus ou moins complice des soins prodigués qu'elle justifie, donnant l'impression d'un syndrome de Münchhausen…

Elle fustige ces « femmes » qui polluent son fils, mais aussi tous les amis surréalistes d'Antonin Artaud: Desnos, Breton, Balthus,Paulhan ou Picasso qui, pour elle, l'exploitent, profite de son nom, de sa notoriété des débuts pour attirer la lumière sur eux. Pour eux, tout s'expliquait parce qu'Antonin était un génie, donc un grain de folie, alors que pour elle la folie était la plus importante.

J'ai pris beaucoup de plaisir à lire ce roman, non seulement parce que l'idée du journal imaginaire me plaisait au départ, mais aussi parce que Justine Levy a réussi à me faire connaître davantage Antonin Artaud dont je n'ai jamais lu aucun poème et dont je savais très peu de choses. Elle réussit à modifier ce que l'on ressent envers cette mère abusive, car en refermant le livre, toute empathie avait presque disparu (ce qui est difficile à obtenir de moi !)

J'ai découvert ce roman grâce à la chronique enthousiaste de Matatoune, alors qu'au départ j'hésitais à me lancer… c'est le premier livre de Justine Levy que je lis et c'est une bonne surprise.

https://vagabondageautourdesoi.com/2021/09/10/justine-levy/

Un petit mot, également, sur la couverture du livre qui nous propose une magnifique photo d'Antonin Artaud.

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Stock qui m'ont permis de découvrir ce livre ainsi que son auteure.

#Sonfils #NetGalleyFrance
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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