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Rentrée littéraire 2021 #6

Ce roman pourrait se dérouler dans de nombreux pays subsahariens tant le tableau politique est tristement familier : régime ploutocrate, corruption généralisée, vieux dictateur népotique entourée d'un cour clientéliste, homophobie légalisée. Osvalde Lewat a préféré choisir un pays fictif, le Zambuena, afin de pouvoir déployer une réflexion fertile et profonde sur la société contemporaine africaine, en toute liberté.

Sans concession, dès le premier chapitre. L'enterrement bâclé d'une femme, dans un cercueil trop petit, par mesure d'économie car elle n'était pas mariée mais concubine d'un homme riche et puissant. Il est décrit avec un talent évident à maitriser le tragi-comique avec un humour froid très acide dont ne se départira jamais le récit, notamment lors du deuxième enterrement de la même femme qui tourne à la farce pour servir les ambitions de son beau-fils en pleine campagne électorale.

C'est sa fille, adulte que l'on suivra à l'heure des choix. Katmé ne veut plus vivre au rabais d'elle-même, elle ne veut plus vivre un ersatz de vie mais le faire à la hauteur de ce qu'elle est. Elle qui est écrasée par de lourds compromis qui ont envahi son quotidien de femme entretenue, épouse de préfet, empêtrée dans un patriarcat sournois mais profitant d'un confort de privilégiée largement financé par le gouvernement corrompu. le déclic a lieu lorsque son meilleur ami, Sammy le presque frère, un artiste, est dénoncé et arrêté pour homosexualité ostensible. C'est le déclic.

Ce bilan de vie suite à une prise de conscience ne pouvait fonctionner que grâce à un personnage fort. C'est le cas avec Katmé, pas nécessairement sympathique d'ailleurs, dont l'auteur brise habilement l'hermétisme en révélant progressivement, par touche, son passé, afin d'éclairer son choix de la convention, de compromis en renoncement, puis les germes de la révolte pour se libérer. L'introspection est sombre et énergique, portée par une écriture âpre et ciselée qui dit parfaitement toute l'urgence de cette quête de soi émancipatrice. le personnage de Samy, dont les oeuvres sont perçues par le gouvernement comme agressives car critiques à l'égard de l'ordre établi, est également très convaincant.

Un premier roman intelligent qui pose clairement l'univers affirmé d'une auteure à suivre.
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Du haut de ses treize ans, Katmé n'a pas versé une larme le jour lors de l'enterrement de sa mère, témoignant de la rancune envers cette femme qui l'avait abandonnée. Des années plus tard, dans ce pays imaginaire d'Afrique subsaharienne, elle quitte son poste de professeur « Bonne sauce », autrement dit enseignante d'économie ménagère au lycée, pour revêtir le costume de « Madame Préfète ». Son ambitieux mari envisage de procéder à une nouvelle cérémonie, avec le faste qui avait manqué la première fois aux funérailles bon marché. Derrière cette volonté de réhabilitation, se dessinent les tractations d'une campagne électorale qui pourrait le hisser au rang de gouverneur. Samuel, le frère de coeur de Katmé, l'artiste à la sensibilité exacerbée, pourrait représenter un obstacle sur le chemin de gloire du politicien : dans ce pays où l'homosexualité est sévèrement punie, les moeurs contre nature du jeune homme déchainent les passions.

Entre tradition et modernité, c'est un portrait de l'Afrique du vingt-et-unième siècle que nous propose Osvalde Lewat. A travers le portrait et les confidences d'une jeune femme qui choisit de rejeter toute forme de compromission, dût-elle pour cette raison subir l'opprobre de ses proches, c'est aussi un état de lieux du fonctionnement politique du pays, et la campagne électorale en exacerbe les aberrations.

Si le propos est parfois drôle, grâce aux dialogues qui mettent en valeur les expressions imagées et fleuries qui sont un vrai bonheur, le récit est loin d'être mièvre et la violence n'est pas occultée.

Le message est clair : il est une génération de femmes qui souhaitent se débarrasser du carcan des traditions qui relèguent les épouses au rang de faire-valoir de leur mari, avec une volonté réelle de vivre selon leurs aspirations personnelles.

Un premier roman au franc-parler remarquable.
Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Les Aquatiques : c'est une immersion intégrale au coeur de l'Afrique sub-saharienne contemporaine dans un pays imaginaire , le Zambuena ...

Le ton est donné , à la fois drôle et tragique , dès le prologue , avec le rappel du premier enterrement de Madeleine, à la hâte , avec un cercueil trop juste, une tombe trop petite pour cette femme non respectable car non mariée avec deux filles qu'elle a eu d'un homme riche et puissant . Katmé, 13 ans à l'époque n'a pas versé une larme , ne pardonnant pas à sa mère de les avoir abandonnées.

Vingt ans plus tard, Katmé est Maman Préfète, l'épouse de Tashun, un homme politique ambitieux et prêt à tout. Elle a une vie dorée , fréquentant la bonne société de la capitale , profitant des nombreux privilèges liés au statut de son mari . Elle est , pour tous, le modèle de la femme qui a réussi , ancienne enseignante , elle a un mari puissant et riche et deux enfants ...

L'édifice se craquelle lors de l'arrestation de son meilleur ami, Samuel , un artiste qui vient de réaliser la première exposition de ses oeuvres , osées et perturbantes , accusé d'homosexualité dans ce pays ancré dans ses croyances religieuses profondes et où l'homosexualité est impensable .

Cet événement survient au même moment où la tombe de Madeleine doit être déplacée pour construire une autoroute .
Mais pour Katmé, seule compte la libération de Samy alors que son mari voit dans ce nouvel enterrement qu'il veut grandiose ,une opportunité à saisir avant l'élection au poste de gouverneur .

Les questions existentielles qu'elle avait éludées jusqu'à présent la hantent . Cette rétrospection où elle sait bien qu'elle n'a fait que des choix par défaut , qu'elle a renoncé à ses rêves pour rester dans le moule , l'oblige à décider : continuer d'obéir à son mari et à la norme bien pensante ou bien sauver Samy par tous les moyens et pouvoir se regarder en face ...

Osvalde Lewat nous fait voyager dans une Afrique toujours gangrenée par des hommes politiques corrompus ,des élections truquées , des présidents qui s'accrochent à leur pouvoir et une société patriarcale guindée dans des principes moraux d'un autre temps avec également une violence qui ne demande qu'à s'exprimer.

Un roman qui secoue car l'auteur remue des sujets dérangeants sans compromis , pas de langue de bois, les choses sont dites avec franchise et écrites avec réalisme, humour et un brin de férocité , enrobées dans une prose imagée .

J'ai grandement apprécié cette lecture et je remercie beaucoup Masse Critique et les Editions Les Escales pour ce beau moment !
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***,*

Tout la ramène à Madeleine… À l'adolescence comme plus tard, alors qu'elle est épouse et mère, Katmé ne choisit pas la façon dont elle a rendez-vous avec cette femme qui lui a donné naissance mais dont elle refuse les attaches. Une fois encore, Katmé suit, subit, se soumet… Mais doucement, cette femme intelligente, indépendante, volontaire, se dévoile à elle-même. Veut-elle de cette vie ? Est-ce le seul avenir qui s'offre à elle ? Des choix s'imposent…

Premier roman d'Osvalde Lewat, les Aquatiques est un roman aussi coloré que sombre. A l'image de cette terre d'Afrique, les opposés se côtoient pour donner une lumière particulière à cette histoire.

D'origine camerounaise, l'auteur maîtrise son sujet et l'atmosphère du pays imaginaire dans lequel elle plante son récit.
Pauvreté, richesse, traditions, modernité, soumission et émancipation : les thèmes sont bien menés. Avec une pointe humour, toujours bien placé, l'écriture d'Osvalde Lewat est rythmée, colorée et très imagée.

Katmé est un personnage auquel on s'attache très vite. On la sent tiraillée entre ses souvenirs d'enfance, son avenir qui se dessine, ce qu'elle vit et ce qu'elle espère. On la sait en perpétuel mouvement, cherchant sa place, ménageant ses amours et ses amitiés.

Les Aquatiques est un premier roman foisonnant, aux sonorités dépaysantes et aux saveurs de révolution… Une histoire touchante qui nous raconte les femmes africaines, tournées vers la lumière, et leur courage à croire en un avenir plus égalitaire…
Lien : https://lire-et-vous.fr/2021..
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L'histoire se déroule au Zambuena, un pays africain imaginaire, mais qui n'est peut-être pas très éloigné de la réalité de certains pays.
Un pays gangrené par la corruption, dirigé d'une main de fer par « le Vieux », le « Père de la Nation » depuis des décennies.
Un pays où les homosexuels sont traités comme les pires criminels et sont sauvagement réprimés, où les femmes battues ne peuvent s'attendre à aucun soutien des autres femmes (« Toutes les femmes mariées passent par là au moins une fois dans leur vie, tu ne vas pas en faire un drame »), où les juges ne rendent une justice équitable que si « les deux parties leur donnent la même somme d'argent ».

Katmé, une jeune femme intelligente et d'une grande force de caractère, a abandonné sa carrière d'enseignante après son mariage pour endosser les rôles de femme de préfet et de mère au foyer. Malgré son statut privilégié et son aisance financière, elle ne dispose en réalité que d'une liberté limitée et toute relative.
Muselée et méprisée par son mari, véritable tyran domestique dévoré par ses ambitions politiques, la jeune femme doit ravaler sa fierté et encaisser jour après jour les coups bas et les tromperies.
Au fil des ans, elle étouffe dans cette vie, mais comme lui fait remarquer ironiquement l'une de ses amies, « quand on mange avec quatre couverts de chaque côté de l'assiette, on ne fait pas la révolution ! ».

Deux événements vont marquer un tournant dans sa vie : 20 ans après la mort de sa mère, l'organisation d'un nouvel enterrement en grande pompe, qui n'est autre qu'une manoeuvre politique de son mari, et l'arrestation de son meilleur ami.
Pour enfin cesser de « vivre au rabais d'elle-même », Katmé, dont le prénom signifie « l'évoluée », devra faire des choix courageux.

Avec une écriture pleine de vivacité et parfois crue, Osvalde Lewat dresse le remarquable portrait d'une femme se battant pour son émancipation, dans une société patriarcale qui peut se montrer d'une grande violence envers ceux qui refusent de se laisser enfermer dans les carcans.
Un premier roman prometteur et intelligent.
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Les aquatiques, c'est le quartier pauvre d'une ville imaginaire d'Afrique.
Katmé Abbia est femme du préfet et inspire le respect.
La tombe de sa mère doit être déplacée et son mari y voit l'occasion d'une grande cérémonie qui servira son ambition politique.
Parallèlement, Samy, son ami de toujours, son frère de coeur, artiste controversé organise une grande exposition, mais sera emprisonné pour homosexualité.
Je n'ai pas été particulièrement fan de l'histoire que j'ai trouvée assez longue.
Par contre l'écriture est très belle, puissante, et nous emporte.
C'est un beau portrait de femme que nous offre l'auteure.
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Vingt ans après la mort de sa mère, Katmé Abbia, enseignante, apprend que la tombe doit être déplacée. Son mari, Tashun, préfet de la capitale et avide de pouvoir voit dans ce nouvel enterrement l'occasion providentielle de réparer les erreurs du passé et surtout de donner un coup d'accélérateur à sa carrière politique.
Quand Samy, artiste tourmenté, ami et frère de toujours de Katmé, est arrêté et jeté en prison à la suite d'une exposition jugée choquante, les ambitions politiques de son mari entrent en collision avec sa vie et la placent devant un choix terrible.
D'autant plus que cet ami est gai et que c'est interdit danc ce pays. Katmé tente de faire jouer ses relations pour le faire sortir puis lui éviter les humiliations liées à son incarcération. Elle ira jusqu'à se déguiser pour lui rendre visite, pour ne pas impliquer son mari dans tout ça. Ce mariage est conventionnel, pas d'amour. Juste des intérêts. Elle sera aidée par un homme dont elle deviendra la maîtresse.
Le roman d'apprentissage d'une femme africaine au xxe siècle, entre ombre et lumière.
Ce texte est puissant et nous fait entrer dans les coulisses de la vie politique africaine contemporaine. La place des femmes dans la société…
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Les Aquatiques, c'est un tableau. Les Aquatiques, c'est aussi un quartier. Un quartier de la capitale d'un pays fictif, le Zambuena. Toute ressemblance avec un pays existant ou ayant existé ne serait absolument pas fortuite, cependant, je pense.

Au Zambuena règnent les trafics d'influence, l'entre-soi, la corruption. Et dans tout ça, Katmé, l'épouse du Préfet, carriériste aux dents longues, qui, pour servir sa carrière, à l'occasion de la création d'un autoroute qui passe sur la tombe de sa belle-mère, Madeleine, va organiser de somptueuses secondes funérailles à l'occasion du déplacement du corps. Ce qui contrarie beaucoup, Katmé, qui en veut, tant d'années après, toujours autant à sa mère d'être morte, et qui voit d'un mauvais oeil cette intrusion de la vie publique sur sa vie privée. Mais bon, son mari a décidé, c'est comme ça, et elle n'a qu'à se taire et obéir !

Heureusement pour Katmé, elle a dans sa vie, son ami Samy, artiste, sculpteur, qui, justement, est sur le point de faire sa première exposition. Sauf que… Ses oeuvres ont un peu tendance à taper sur le pouvoir en place, alors lorsqu'un journal révèle son homosexualité, on est en droit de se demander si ce ne sont pas des représailles, et même, on se demande le rôle du mari de Katmé… Car l'homosexualité est un crime au Zambuena. Samy emprisonné, Katmé n'aura de cesse de remuer ciel et terre pour le faire libérer, négligeant tous ses « devoirs ».

Les Aquatiques, c'est aussi le parcours initiatique d'une femme vers sa liberté. Katmé va ressortir transformée de cette période troublée. Adulte, enfin, et libre donc.

Ce roman m'a beaucoup perturbée. Certains passages sont juste insoutenables, violents, cruels. D'autant plus effroyable que ces exactions envers les homosexuels ont existé, existent encore. Même si le pays et les personnages sont fictifs, il y a du vrai dans ce roman, et c'est important que de telles oeuvres existent.
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Quand Katmé avait 13 ans, sa mère a été enterrée au rabais, presque à la sauvette, pour lui faire payer le crime aux yeux du monde de ne pas avoir été épousé par le père de Katmé.
Quand Katmé, adulte, mariée, mère, reçoit la nouvelle que le corps de sa mère va devoir être déplacée, car la pauvre tombe se trouve sur le tracé d'une future route, elle ne sait pas que ce sera le début d'une grande crise dans sa vie, et de bien des douleurs. Ses désirs se percurtent avec ceux de son mari, un homme dont les dents rayent le parquet, prêt à marcher sur autrui pour arriver, à laisser le meilleur ami de Katmé en prison pour homosexualité ou à organiser un cirque ridicule autour de la seconde inhumation de Belle-Maman, en se contrefichant de l'avis des filles de celle-ci....
La vision de cette partie de l'Afrique à l'ère contemporaine est loin d'être réjouissante: horrible traitement des populations LGBT, des femmes battues, royaume de la corruption à tous les niveaux, et les femmes d'ambassadeurs qui organisent leurs petites visites pour visiter la misère du pays, tout y est!
Un très bon roman, pas vraiment réjouissant, mais qui claironne le refus de Katmé de se laisser étouffer par le monde autour d'elle.
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Parfois le hasard fait bien les choses et met entre vos mains un livre que vous n'auriez jamais acheté et qui s'avère être un livre puissant.
Une écriture remarquable pour le portrait d'une femme qui se révèle.
Des phrases courtes percutantes et de nombreux dialogues ponctuent ce petit bijou littéraire.
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