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Critique de ChB62


La fin d'un mythe.

Le livre de Simon Liberati nous propose d'accompagner la Famille fondée par Charles Manson, gourou hippie à la fin des années 60 en Californie dans les heures qui ont entouré l'assassinat de Sharon Tate en août 1969.

Mon intérêt pour ce récit, dont je n'attendais, en fait, pas grand-chose avait été quelque peu piqué par le film de Quentin Tarentino One upon a time in Hollywood (2019) qui revisite le Hollywood de cette époque et dont les personnages fréquentent les mêmes lieux que Charles Manson et ses âmes damnées.

J'ai lu ce récit d'une traite. Comment Simon Liberati parvient-il à captiver le lecteur en faisant le récit d'un « fait divers » qui a fait le tour du monde? D'abord Simon Liberati nous délivre une prose qui accroche sans être racoleuse ; certes il ne nous épargnera rien du supplice des victimes de ces équipées sauvages mais par souci du réalisme des gestes et des pensées. Réalisme sans pathos. La froideur et la retenue de ces descriptions en accentue l'horreur.
evacuer l'affaire en déshumanisant les membres De La Famille et Charles Manson, trop facile ! Les protagonistes ne sont pas des monstres ; leurs actes sont monstrueux mais ils ne sont pas des monstres. Les membres De La Famille sont des gens ordinaires mais qui ont perdu toute boussole ; ils sont tombés – non la forme passive ne convient pas, elle pourrait laisser croire qu'ils sont des victimes, que ce n'est pas de leur faute, qu'ils ne sont pas responsables. Pour être plus précis ils se sont laissés prendre, ils ont accepté de se soumettre au gourou, au chamane, à la drogue. La drogue, omniprésente ; prison qui décérèbre. Ils y ont trouvé leur compte, peut-être provisoirement, mais ils y ont trouvé leur compte (un bénéfice secondaire dirait le psychanalyste). Leur compte c'est une sorte de chaleur grégaire, la fourniture de plaisir sexuel et la sécurité de la soumission.

Simon Liberati complète ce récit apocalyptique, satanique de ces 36 heures durant lesquelles une violence inouïe, littéralement folle s'est abattue sur des innocents pour le seul plaisir par nous proposer, nous suggérer quelques grilles de lecture, certaines qui s'enfoncent dans le tréfonds de l'âme et des ressorts de la nature humaine, d'autres plus prosaïques qui d'abord suscitent le doute et l'étonnement et, ensuite, eu égard aux moeurs politiques américaines, trouvent une certaine crédibilité.

C'est plutôt une vision différente de cette période qui s'impose après la lecture de l'ouvrage de Simon Liberati. le mouvement hippie enveloppé dans une ambiance New Age, a été souvent regardé, en tout cas en Europe avec sympathie et bienveillance, comme on regarde des adolescents un peu turbulents mais qui au fond sont de bons enfants au grand coeur, désarmés devant le tragique de la vie. L'utopie est en fait une dystopie. La réalité n'est pas tout à fait celle-là. C'est la fête de toutes les élucubrations irrationnelles, eschatologiques. La Croix gammée est un emblème revendiqué. le racisme anti-Noirs le plus abject y a sa place, voire est un des moteurs de leur pulsion criminelle.

Avec ce récit de la Famille de Charles Manson dans le paroxysme de son délire, Simon Liberati nous donne à repenser la réalité de ce mouvement hippie, certes multiforme, mais où est à l'oeuvre non pas une société en lutte pour son progrès mais un retour aux plus archétypales des pratiques. Seule voie que des personnalités fragilisées par l'angoisse et le malaise liés aux frustrations de la société américaine de l'époque ont pu identifier sans parvenir à les dépasser.

A lire absolument.
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