A trente-six ans, Anne d’Autriche n’était plus dans la plénitude de la beauté qui avait, autrefois, affolé le Duc de Buckingham. Mais ses yeux jetaient encore des éclairs couleur d’émeraude et sa bouche, fine et délicat, s’avançait dans une moue charmante.
Louis éprouvait de la fierté. Il était son chevalier servant, elle était sa princesse. Elle n’avait aucun quartier de noblesse ? Quelle importance ! Il se sentait seul, et pour partager sa solitude, il n’avait trouvé que cette fillette du peuple vite effarouchée mais qui, pour l’essentiel, lui ressemblait. Comme lui, elle était une enfant, ce qui l’emportait encore sur le reste.
Le peuple s'était habitué à voir, clouée sur les poteaux de la ville, les satires les plus insultantes envers le roi, la reine, le cardinal, cette Trinité que l'on avait rebaptisée la "Très Mitée".
- Savez-vous quel nom ces rebelles se sont donné ? demanda-t-il.
La reine, qui l'ignorait, se tourna vers Mazarin.
- Les frondeurs, répondit celui-ci. En hommage à ces gamins de Paris qui tirent à la fronde sur les fossés de la ville en provoquant nos gens de police.
- Des enfants qui contestent le pouvoir d'un enfant, conclut la reine.
Mazarin avait la science du terrain, qui exigeait, comme les champs, des labours répétés et patients.
Séguier, Mazarin, Condé, Le duc d'Orléans. Tous se suspectaient mutuellement. Mais un même sentiment les dominait, l'ambition secrète de surveiller la reine…
Danser lui procurait un plaisir intense. Son corps turbulent y découvrait les joies de la grâce et de la majesté.