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Citations sur Les Sauvages, tome 1 (16)

Il en va des pérégrinations sur Facebook comme du bon vieux zapping télévisuel: des heures peuvent passer sans qu'on s'en soit rendu compte.
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Salle des jetés, 15 h 30

Il allait bientôt falloir décider : qui resterait «tranquille» à la salle des fêtes et qui partirait pour la mairie. La famille de la mariée était trop nombreuse et tout le monde ne pourrait pas tenir dans l'hôtel de ville, surtout que monsieur le maire n'était pas réputé pour sa patience dans ce genre de situations. Son prédécesseur (divers gauche) avait tout bonnement interdit les mariages le samedi pour épargner aux paisibles habitants du centre-ville les klaxons, le raï et les bolides flanqués de drapeaux vert et blanc. Le maire Fayolle, quoique UMP, avait levé l'interdiction, mais il n'hésitait pas à en brandir la menace à chaque fois qu'une smala survoltée semait le boxon dans la maison de la République.
Parmi ceux qui ne comptaient plus bouger figurait en bonne place, assise sur sa couscoussière, la tante Zoulikha qui s'éventait avec le 20 minutes du jour, celui auquel Ferhat avait arraché la première page qui titrait : «L'ÉLECTION DU SIÈCLE». Le vieux Ferhat portait une invraisemblable ouchanka vert-de-gris qui le faisait suer des oreilles. Son petit-neveu Toufïk avait essayé de le ramener à la raison mais dès qu'on abordait le sujet, Ferhat esquivait d'un plissement de menton avant de baragouiner des analyses sur les derniers sondages, d'une voix douce et presque professorale qu'on ne lui connaissait pas.
Tout le monde était un peu bizarre cet après-midi-là : la rumeur courait que les invités de la famille de la mariée se comptaient par centaines, et puis il faisait trop chaud pour un 5 mai. Les résultats du premier tour avaient transformé le pays en cocotte-minute, et il semblait que le cousin Raouf était la seule vis qui empêchait son couvercle d'exploser. Il s'aspergeait au brumisateur en pianotant sur son iPhone. La mémé le regardait sans comprendre, sans comprendre cette nouvelle race d'hommes qui vivaient par écrans interposés. Branché sur le twitter d'une obsédée des sondages et sur le fil continu d'un site politique, Raouf allumait cigarette sur cigarette en commentant les pronostics électoraux qu'un collègue, gérant comme lui d'un restaurant halal à Londres, postait sur son Facebook.
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En public il apparaissait sûr de lui, conquérant : il n'était pas beau avec ses yeux jaunes, ses épaules trop larges et sa peau sombre et mal entretenue, mais avec le genre d'hommes dont il chassait le regard ça ne servait pas à grand-chose d'être beau, il suffisait d'être jeune, bien maquillé, d'avoir la taille fine et le torse imberbe et de dégager une chaleur de bête, une odeur d'étable et de péché.

Après avoir acheté des chewing-gums il se promena sur la place de la cathédrale où des enfants s'ébattaient sur un vieux tourniquet. Zoran crut soudain être suivi par un homme en blouson beige : il se dirigea au centre du parvis, là où rien ne pouvait lui arriver. Trois séries de quatre jets d'eau surgissaient d'une source invisible entre les dalles.
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Zoran erra dans le centre-ville en espérant y trouver l'homme qui devait le rendre riche. À peu près toutes les personnes qui le virent cet après-midi-là se retournèrent sur son passage et se fendirent d'un commentaire désobligeant, tantôt mimé tantôt dit à voix basse.

Il y eut aussi quelques personnes qui parlèrent suffisamment haut pour qu'il entende : un épicier barbichu, une mère de famille qui clopait sur sa poussette, des adolescents arabes en survêtement, deux ouvriers du bâtiment pendant leur pause, une petite bonne femme qui travaillait sans doute à la préfecture et un électricien qui avait du poil sur les épaules.

Tous le haïssaient instantanément en comprenant que ce n'était pas une fille, mais leur haine se nourrissait surtout de ce qu'il n'était pas une non-fille de façon sûre et définitive, de ce qu'il personnifiait l'ambiguïté sexuelle longtemps après la première impression, depuis son déhanchement provocateur et caricatural jusqu'à la plus insignifiante de ses mimiques
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Le père de la mariée, en nage après une danse effrénée de dix minutes avec sa fille, vint s'asseoir à côté de Raouf et Fouad qui s'affrontaient sur le rapport du candidat socialiste à l'identité nationale. Raouf approuvait Chaouch pour son "républicanisme forcené sans pour autant être brandi comme un étendard". Il admirait aussi son intransigeance en matière de laïcité mais par-dessus tout ce qu'il appelait son pragmatisme, mot sur lequel il retombait fatalement, comme un chat sur ses pattes, dès qu'il perdait le fil de son argumentation.
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Un samedi de mai, à Paris. Sur les affiches et les écrans, un visage souriant promet à la France que 'l' avenir, c'est maintenant'. Pour la première fois, le favori de la présidentielle est un candidat d'origine algérienne. Le même jour à Saint-Etienne. Dans la turbulente famille Nerrouche, c'est la fièvre des préparatifs de mariage. On court, on s'engueule, on s'embrasse... Mais le jeune Krim, témoin du marié, ne cesse d'aller et venir, en proie à une agitation croissante dont personne ne comprend la cause. Est-ce l'atmosphère de malaise entourant l'alliance entre un Kabyle et une Arabe ? La rumeur selon laquelle le jeune époux est homosexuel ? Ou bien est-ce le flot de SMS que Krim reçoit de son mystérieux cousin ? En vingt-quatre heures seulement, tous les fils se nouent et se dénouent : la collision entre le destin d'une famille et les espoirs d'un pays devient inévitable.
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Il avait l'air d'un chameau dans un escalier.
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Il allait bientôt falloir décider: qui resterait "tranquille" à la salle des fêtes et qui partirait pour la mairie. La famille de la mariée était trop nombreuse et tout le monde ne pourrait pas tenir dans l'hôtel de ville, surtout que monsieur le maire n'était pas réputé pour sa patience dans ce genre de situations. Son prédécesseur (divers gauche) avait tout bonnement interdit les mariages le samedi pour épargner aux paisibles habitants du centre-ville les klaxons, le raï et les bolides flanqués de drapeaux vert et blanc. Le maire avait levé l'interdiction, mais il n'hésitait pas à en brandir la menace à chaque fois qu'une smala survoltée semait le boxon dans la maison de la République.
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Pour la première fois Rabia ne répliqua pas immédiatement. Elle s'installa dans une sorte de silence qui lui coûtait sans doute beaucoup jusqu'au moment où il devint aussi confortable qu'un fauteuil d'où elle pouvait culpabiliser son fils sans avoir rien d'autre à faire qu'attendre.
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Original ! Il fallait y penser. Roman très rythmé qui se lit d'une traite. Ecriture fluide qui permet de se plonger dans le récit dès la première ligne. La fin de ce premier tome arrive trop vite ! on a vraiment envie de lire la suite sans interruption.
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