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Critique de Cancie


Quand Christian invite Madeline pour un charmant dîner en tête à tête, c'est pour lui annoncer l'attribution d'un logement de fonction, rien moins qu'une maison de 180 m², et ce, rue de Charenton, à deux pas des écoles et de la caserne où Madeline est caporale cheffe sapeur-pompier. C'est la réalisation d'un rêve jusque-là rendu impossible par la réalité du marché parisien.
Christian attend néanmoins le dessert pour lui annoncer qu'il a obtenu le poste de conservateur du cimetière de Bercy et donc, qu'ils seront logés sur place, la maison étant dans le cimetière !
Qu'à cela ne tienne, La famille Mara avec ses trois enfants déménage et vient s'installer dans sa nouvelle demeure au début de l'été 2019, sans aucun regret pour le trois-pièces qu'ils ont quitté.
Et même si la plupart des pièces offrent une vue sur le cimetière et si de nouvelles règles s'imposent aux enfants, comme l'interdiction de faire du vélo et de la trottinette dans les allées ou d'inviter copains et copines pour l'anniversaire même en mettant la musique pas fort, « On ne fait pas n'importe quoi dans un cimetière, c'est un lieu de recueillement », les enfants s'adaptent.
Bien vite, cette maison va prendre une place importante dans le récit et devenir quasiment un personnage à part entière.
Le métier assez atypique des deux parents, l'une sauvant des vies et l'autre veillant les morts, cette ambivalence entre la vie et la mort aura une importance capitale dans la vie familiale.
La responsabilité qu'endosse Madeline en tant que caporale cheffe sapeur-pompier est immense et difficile à gérer avec son quotidien et elle souffre de plus en plus de ne pas être plus présente auprès de ses enfants, d'autant que Christian est moins disponible. Pour lui, passer d'agent d'entretien des espaces verts de la mairie du XIIe à gardien de cimetière, a de quoi le perturber. L'âpreté du métier va réveiller en lui le besoin d'extérioriser ses émotions par la peinture, peinture assez morbide qui le rend de plus en plus instable.
L'équilibre est donc fragile et l'atmosphère de plus en plus tendue. Petit à petit, insidieusement, une menace s'installe dont personne ne mesure l'ampleur. Une atmosphère anxiogène devient de plus en plus prégnante dans cette maison accentuée par le comportement du père complètement transformé. La tension va crescendo jusqu'à un véritable cyclone.
La combinaison de ces métiers singuliers et de ce lieu de vie également hors du commun va donner corps à un roman qui oscille entre le roman noir, le thriller psychologique et le roman fantastique.
De cendres et de larmes est également un roman ancré dans la réalité sociale et politique.
À l'histoire de cette famille, Sophie Loubière vient en effet entrecroiser la présence d'une enfant bosniaque arrachée à sa famille et balancée avec d'autres dans un camp à Paris où leur sont inculquées des techniques en bande pour, dans un premier temps, apprendre à voler.
Par le biais de Madeline et de ses interventions, celle-ci se gardant de ne porter aucun jugement, c'est aussi une véritable immersion dans la vie de familles touchées par la pauvreté, la violence conjugale, un aperçu de la misère sociale et parfois de la complète irresponsabilité de certains adultes. Ce sont aussi tous les risques encourus par ces sauveteurs au courage sans faille que l'auteure met magnifiquement en relief, rappelant dès le premier chapitre l'énergie et l'ardeur dont ils ont fait preuve lors de l'incendie de Notre Dame, au risque d'y laisser leur peau.
C'est aussi le ras-le-bol ressenti par les pompiers qui en ont marre de se faire caillasser ou d'être reçus avec le fusil rappelé avec cette manifestation à laquelle participe Madeline et qui se termine par le lancement de grenades lacrymogènes par la gendarmerie mobile puis par deux lances qui balayent les manifestants de leur flot, manière la plus déshonorante et avilissante qu'il soit pour un soldat du feu !
Psychologie avec des personnages auxquels le lecteur s'attache rapidement, mais aussi philosophie sur notre rapport à la mort, thème fondamental de l'histoire sont les principaux vecteurs de ce roman que j'ai bien apprécié même si je l'ai parfois trouvé un peu lugubre. Par chance, la lumière est au bout du tunnel.

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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