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Critique de gerardmuller


Les trois roses de Marie-Anne et autres contes / Pierre Louÿs
Marie-Anne Colmaille était la fille du sonneur qui depuis plus de quarante ans avait appelé les Rouennais à l'office, à la méditation et à la prière au temps du roi François et des souverains suivants. Elle ne connaissait rien des hommes sinon qu'ils habitaient la terre tandis qu'elle vivait dans le ciel.
le père Colmaille prenant de l'âge, il ne put plus sonner la grande cloche et il fallut faire appel à Alain, un aide sonneur encore bien jeune et robuste. Il devint amoureux de la jeune fille qui se réfugiait souvent dans le clocher pour être plus près de la Sainte Vierge et voulut lui déposer trois roses au bord de sa fenêtre…
Dans ce bref conte, Pierre Louÿs fait montre d'une grande délicatesse et le côté merveilleux ravira les amateurs.
Dans le deuxième conte de ce recueil, « L'homme de pourpre », on se retrouve il y a bien longtemps, au temps de l'Antiquité, à Éphèse en Asie où un jeune apprenti du vieux Bryaxis raconte. le jeune homme et son ami respectent et admirent le vieillard, sculpteur de son état. Il a notamment sculpté les cinq colosses dressés devant la ville de Rhodes, les statues du tombeau de Mausole et le taureau de Pasiphaé. C'est alors que bondit vers eux le petit Ophélion qui apprend au vieillard que c'est un nommé Clésidès, venu exprès d'Athènes, qui fait le portrait de la reine ! Mais l'affaire n'est pas simple puisque la reine Stratonice veut qu'on la voie sous toutes les faces ; or Clésidès est peintre et non pas sculpteur ! Contrariée et fatiguée après la pose vue de dos, Stratonice se fait remplacer par une servante pour les poses suivantes. La suite est une vengeance de Clésidès inscrite dans deux petits tableaux injurieux à l'encontre de la reine qui sont fixés au mur du palais à la vue de tous…
C'est alors que Bryaxis raconte comment Parrhasios a peint le Prométhée de l'Acropole à Athènes, un tableau sorti dans le sang. C'était l'année où Platon mourut, l'année de la 107e olympiade, un demi siècle plus tôt. On découvre ainsi qu'à l'époque, au temps du roi Philippe, il pouvait y avoir à Khalkis un marché aux esclaves d'environ 80 000 têtes étalé sur trois mois. Parmi eux 3000 vierges à vendre ! Arrive dans une belle robe pourpre Parrhasios interpelant Bryaxis et l'invitant à une promenade tout en recherchant un modèle pour peindre son Prométhée. En chemin, Parrhasios achète pour un bon prix une toute jeune vierge de seize ans, exposée nue, Artémidora qui va lui servir de modèle pour quelques petits tableaux obscènes qui ne sont pas la partie la moins noble de son oeuvre. Parrhasios s'empresse de lui faire remettre sa tunique blanche, son voile bleuâtre et sa ceinture de vierge. Enfin après avoir erré longuement, il découvre l'homme idéal pour son modèle, une force de la nature qui a nom Nicostrate. Ensemble ils rentrent à Athènes et Brysaxis est reçu dans le palais de Parrhasios. Les jours passent avant que le maître de céans ne se décide à réaliser son Prométhée et quand Bryaxis arrive dans la salle des oeuvres, il ne peut retenir un cri d'effroi à la vue de Nicostrate …La suite confine à l'horreur…
Dans ce conte, Pierre Louÿs nous décline la mythologie antique ainsi que l'histoire grecque dans un style magnifique et teinté d'un érotisme léger attenant notamment à la vie et l'art de Parrhasios aux prises avec la plastique d'Artémidora pour réaliser la « Nymphe surprise ».
Dans « Dialogue au soleil couchant », l'auteur imagine un dialogue entre Arcas chevrier sans chèvre, coureur de chemins vagues et Melitta, jeune fille aux yeux noirs telle une soeur d'Aphrodite, gardienne de brebis, qui se refuse à écouter les douces paroles du garçon qui tente perfidement de la séduire, suivant en cela le conseil de sa mère, car elle est âgée d'à peine treize ans. Mais le garçon a plus d'un tour dans son sac…et le verbe enjôleur…pour lui faire découvrir la forêt en la protégeant des satyres qui rôdent et des hamadryades aux yeux verts qui scintillent. Un très beau texte très stylé.
« Une volupté nouvelle » m'a fait penser au début à l'essai de Nathan Devers « Espace fumeur » que j'ai commenté récemment puisque je lis : « … L'important est d'avoir toujours une cigarette à la main ; il faut envelopper les objets d'une nuée céleste et fine qui baigne les lumières et les ombres, efface les angles matériels, et, par un sortilège parfumé, impose à l'esprit qui s'agite un équilibre variable d'où il puisse tomber dans le songe. » L'auteur, un soir, songe à écrire de la poésie, et en même temps il ressent le désir de ne rien faire. Une soirée qui se terminera comme souvent devant une feuille de papier vierge et un cendrier plein de cadavres ! C'est alors que la sonnerie retentit… Une femme inconnue se tient sur le seuil, belle et sensuelle. Elle défait son manteau et « … Sa robe était de soie vert d'eau, ornée de gigantesques iris tissés dont les tiges montaient en fusées le long du corps jusqu'à un décolletage carré qui montrait nu le bout des seins. » Fantasme, fantôme ou réalité d'une lectrice extravagante ? Elle dit s'appeler Callistô…et se dévêt en un éclair pour laisser apparaître un corps d'une harmonie parfaite, « sa peau luisait comme au sortir du bain, brune d'un léger ton uniforme, presque noire au bout des seins, au bord allongé des paupières et dans la ligne courte du sexe. » … Elle raconte à notre poète comment est née la volupté dans les temps anciens, comment les lèvres d'un homme et d'une femme se sont unies pour la première fois et se savourèrent avant que chaque jour un plaisir nouveau n'inspirât les corps des amants, oubliant la barbarie héréditaire des accouplements bestiaux. C'était au temps de la splendeur de Babylone, Antioche et Alexandrie. Mais depuis, des siècles plus tard, quel plaisir inconnu en amour avez-vous conquis demande –t-elle à l'écrivain ? Quelles jouissances neuves avez-vous expérimenté que je puisse partager avec toi ? le narrateur tente d'expliquer que les siècles qui ont suivi furent destructeurs et que les hommes et les femmes perdirent peut-être l'essentiel, mais que l'humanité avait enfanté des découvertes remarquables. Et Callistô de se moquer de l'écrivain lui montrant que les siècles qui suivirent l'Antiquité n'ont fait que copier, Descartes Parménide, Kant également Parménide, les mathématiciens Euclide et Archimède copié par Leibnitz, Aristote par Newton, Démocrite par Kelvin. Et au terme de cette discussion savante, Callistô souhaiterait emporter avec elle le frisson d'une volupté nouvelle… La cigarette, songe alors l'écrivain, fera peut-être l'affaire…Une nouvelle très originale.
« Escale en rade de Nemours » raconte l'histoire de Mahmoud déjà mari de trois femmes qui soudain tombe fou amoureux d'une jeune fille errante. Djaouhera, la perle, parvint à faire divorcer Mahmoud de ses trois femmes. Puis elle voulut les autres hommes et ses amants ne se contèrent plus. Jusqu'au jour où elle –même tomba amoureuse d'Abdallah, un errant comme elle. Tout deux s'enfuirent et Mahmoud partit à leur recherche…
« La fausse Esther ». On se souvient peut-être de cette jeune femme, personnage de « Splendeurs et misères des courtisanes », roman De Balzac : Esther, surnommée la « Torpille », une ancienne hétaïre qui accompagne Lucien de Rubempré à l'Opéra. Un matin, son amie Mina arrive chez elle affolée, car elle a vu son nom dans le roman d'un certain Balzac. Esther ne vit plus, il lui faut absolument rencontrer De Balzac, car elle se sent observée par les passants et croit être reconnue. Elle finit par découvrir où habite l'écrivain qui va lui révéler peut-être son destin…
« La confession de Mlle X… ». L'abbé de Couézy était le confesseur de ces dames mondaines, mondain lui-même. Intelligent et perspicace, il savait de suite à qui il avait affaire et se gardait bien de dire ce qu'il savait des moeurs de son temps. Ce qui n'était pas le cas d'autres prêtres qui se risquaient à donner le ton des confessions. le sujet qui revenait concernait l'inceste, comme un retour aux Ptolémées. Interrogé sur le sujet par ses amis, l'abbé Couézy gardait le silence. Puis dans un souffle : « elles se vantent » en parlant des supposées victimes. Et l'abbé d'expliquer que chez certaines jeunes filles l'aveu sans péché devient une habitude agréable, les détails rendant l'aveu encore plus délicieux, s'attribuant des vices qu'elles n'osent pas commettre. Et d'apporter des preuves…en donnant l'exemple d'une confession qu'il lui est possible de révéler sans commettre le péché! La suite nous dit pourquoi…
« L'aventure extraordinaire de Mme Esquollier ». C'est l'histoire d'un enlèvement, celui de Madeleine et d'Armande, deux soeurs complices, alors qu'elle sorte de l'Opéra. Leur imagination les conduit à songer au pire qu'elles accepteraient à la limite sauf la mort. Elles sont loin d'imaginer ce qui les attend après qu'elles sont arrivées dans une propriété et qu'on leur a confisqué leurs magnifiques robes…
« Une ascension au Vénusberg ». le narrateur après un concert Wagner à Bayreuth décide de visiter le verdoyant Marienthal près de la vieille ville d'Eisenach, non loin du quel se dresse le célèbre Vénusberg de son vrai nom Mont Hoersel.
« le Vénusberg m'attirait à lui. Seul, de toutes les montagnes voisines qui, vêtues de sapins noirs ou de prairies mouillées, dessinaient une robe sur la terre, le Vénusberg était nu, et tout à fait semblable au sein gonflé d'une femme. Parfois les crépuscules rouges faisaient nager sur lui les pourpres de la chair. Il palpitait : vraiment il semblait vivre à certaines heures du soir, et alors on eût dit que la Thuringe, comme une divinité couchée dans une tunique verte et noire, laissait monter le sang de ses désirs jusqu'au sommet de sa poitrine nue. »
Magnifique style de Pierre Louÿs !
le narrateur a décidé de gravir le Vénusberg et se met en route un beau matin. Un petit refuge offre l'hospitalité au sommet ce qui désole un peu notre randonneur. Cependant la gentillesse des hôtesses l'incite à les écouter qui l'enjoignent à visiter la grotte, la Vénushoele (la grotte de Vénus) qui vite va s'avérer être plutôt une Hoellenberg (montagne de l'enfer) quand il entend les propos du gardien de ces lieux magiques dont on ressort pas indemne…
« La Persienne. » Mlle N. n'avait jamais voulu se marier, car disait-elle, elle avait été vieille trop tôt, un soir, à dix-sept ans. Spectatrice atterrée d'une scène atroce entre un homme indélicat et une toute jeune fille dans un coin sombre de la ruelle derrière la persienne de sa chambre, elle avait appris en quelques minutes les réalités et les secrets de la vie, de l'amour et du désir…
« L'In-Plano / Conte de Pâques ». Quand la solitude conjuguée à la curiosité peut conduire au désespoir chez une petite enfant venue en cachette dans la bibliothèque paternelle…
« La nuit de printemps. » Quand Néphélis se mesure au monstre qui veut boire le lait à son sein…
« La désespérée ». Berthe, quatorze ans, est amoureuse de Jean, un jeune travailleur. La mère intervient et met fin aux rencontres. le frère de Berthe, Julien, dix huit ans, se charge de dissuader Berthe de mettre a exécution sont désir de suicide…
« le Capitaine aux guides ». « J'ai toujours pensé que le véritable confident des femmes, c'est le médecin et non l'abbé », affirmait ce jour-là le Pr Chartelot après avoir prononcé son diagnostic. Et il raconte cette histoire d'une patiente protestante à l'article de la mort par pneumonie avouant ses fautes…
« Un cas juridique sans précédent. » La question est : « comment un mariage régulier, conclu avec le consentement des deux parties, peut-il entraîner, par des nécessités immédiates et inéluctables, de la part de l'un des conjoints et avec la complicité de l'autre, les crimes de rapt, de séquestration, de proxénétisme, d'attentat à la pudeur, de viol répété, d'inceste, d'adultère et de polygamie ? » Étonnant !

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