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Citations sur La mer Noire dans les Grands Lacs (123)

«  Ce n’est pas ma personne qui compte, c’est le Congo, c’est notre pauvre peuple dont on a transformé l’indépendance en une cage d’où on nous regarde du dehors… »

Dernière lettre de Patrice Lumumba à sa femme Pauline, décembre 1960 
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Et que le nom de mon père est aussi le mien, ou plutôt le nom que je porte est aussi celui de mon père, et des milliers de papillons amphibies ont réveillé le fond de ciels à facettes maussades de mon cerveau d’orpheline.
(page 47)
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Quand tu as grandi dans un pays [la Roumanie] qui a aboli l’esclavage des Rroms – c’est-à-dire des Tsiganes – sur son propre sol il y a à peine cent soixante ans, où la majorité des gens, élevés sous la dictature, n’a jamais vu un étranger de sa vie, et que ton père était un étudiant privilégié, doté d’une bourse du gouvernement, venu de très loin [le Congo], qu’il mangeait au restaurant tous les jours au moment où les autochtones vivaient aux tickets de rationnement et n’avaient jamais connu la saveur d’une orange, on te fait souvent savoir qu’on t’en veut. D’être différente, pour parler sans colère. Tu peux te détester assez vite. C’est difficile à t’expliquer ici et maintenant, mais aux yeux des petits-enfants de la Garde de fer, les petits-enfants des membres de ce parti fasciste bien de chez moi, les héritiers des déporteurs, des pourvoyeurs de mort lente à tous ceux qui en 1941 n’étaient pas décrétés aryens, dans la ville où je suis née, je n’étais qu’une moitié de primate, ou bien un être surnaturel pour les plus niais d’entre eux, pas une personne normale en tout cas. C’est ça mon pays. 
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Aujourd'hui, il y a un « desert blues » dans ma tête et je n'ai plus vraiment de pays. Je pensais que venir ici au Congo, baigner dans la lave incendiaire du lignage raffermi par la certitude de n'être plus jamais exilée me guérirait de ses diables bleus de l'ignorance de soi. Ces diables bleus qui me faisaient boire lentement et longtemps à la brasserie à Bucarest, m'imbiber beaucoup à Paris. En traversant le monde pour rencontrer mon père, le « blues » des Carpates s'est métamorphosé en « spleen kongo ».
(p. 103 édition POCKET)
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Elena, c’est une intellectuelle, avant même que j’aie la moindre idée de ce que les études signifiaient, elle m’a obligée à lire des livres. Un jour où tu lis pas, c’est un jour merdique que t’as gâché pour rien. Et tu crois que t’en vivras combien des jours en tout dans ta vie, Nili ? Tu veux gâcher ta vie, c’est ça ? Elle s’arrangeait toujours pour me trouver des livres en français, puis en anglais, des livres de poésie et des romans comme ceux d’Aimé Césaire ou de Peter Abrahams, qu’elle ne lisait jamais mais choisissait soigneusement pour moi, en se documentant dans des bibliographies de revues étrangères, pour que plus tard, je sois une spécialiste, de quelque chose que les autres n’ont pas, ne connaissent pas, pour que ma différence soit à la fois acceptable et justifiée, grâce à la littérature, elle se les faisait envoyer de Paris, par d’anciennes étudiantes qu’elle avait connues avant qu’elles émigrent, quittent Bucarest pour une vie plus riche à l’ouest de notre modeste sort.
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Ma mère me regardait fixement depuis la table haute qui sépare la cuisine de la pièce principale, son verre de Cotnari à la main. Elle m'a dit : "Nili, je m'en fous que tu deviennes jolie, tu feras ce que tu veux à te trémousser partout, mais tu feras ta thèse, je peux pas être la mère d'une conne", elle m'a toujours parlé durement. Alors j'ai fait ce qu'elle m'a dit. Je me suis convaincue sans peine qu'il fallait faire ce que cette femme qui m'avait portée et supportée seule, la nuit sans pleurer, dans une piaule compromise aux quatre murs faisandés puis dans cet appartement de ruines centrales, sans amis, sans famille et sans aucune espèce de soutien pour nous faire manger si ce n'est sa propre personne, me disait de faire.
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Ma mère, elle voulait que je n’aie jamais à me battre un jour avec une Roumaine diplômée pour avoir un travail, que la mêlée majeure de la moyenne des gens normaux ne m’absorbe jamais à sa périphérie figée, alors elle m’a offert la chose la plus précieuse qu’elle avait, ce à quoi elle attachait le plus de valeur et qui pouvait ouvrir la seule porte possible pour une fille comme moi à cette époque, des bouquins. Elle m’a dit : Au pire, un jour tu pourras aller en Amérique, ils enseignent ça, là-bas, la littérature noire, ils sont pas arriérés comme ici. 
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Ma mère était persuadée qu’être une femme non seulement intelligente, mais érudite, comme elle me le répétait, permettait d’échapper au vide, à ses chimères hideuses, à une condition sociale misérable, au jugement des salopards qui pensaient très fort qu’elle avait vendu ses fesses à un gosse de diplomate africain […]
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Ceux qui nous précèdent, ils attendent de nous que nous continuions quelque chose d’eux pour pouvoir revenir. Toi aussi, mon fils, quand tu auras des enfants, tu les verras comme une articulation d’étoiles au segment de ta vie, tu attendras d’eux qu’ils miroitent qui tu as été. 
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J’aurais dû te noyer quand t’es née, j’aurais dû t’écraser avec une brique. Cette phrase entendue enfant me revient sans cesse en tête. C’est ainsi qu’a commencé cette histoire de parias, parce que, d’une façon ou d’une autre, elles nous ont détruites, nos mères. Elles nous ont donné tout ce qui les consume, la haine qu’elles nourrissent pour leur propre désir, elles nous ont refourgué le paquet en nous disant : Démerde-toi. Mais moi, avec toi, mon fils, je ne pourrai pas, je ne pourrai pas faire autre chose que te faire grandir, sans te mentir, sans t’effacer.

(Incipit)
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