AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de CeluiQuiBaille


C'est une première Masse Critique Babelio pour moi ! J'ai eu le plaisir de recevoir La Dimension Heisenberg d'Eric Lysøe, sortit en janvier 2022 aux éditions le Chant du Cygne, allons-y pour la critique !

« Qui peut se targuer d'être vraiment libre ? » La phrase d'accroche de la quatrième de couverture a du cachet. Tout comme l'ambition affichée de l'auteur de nous livrer une uchronie SF sur fond de second guerre mondiale. Rajoutez à cela le fait que l'ouvrage que vous tenez entre les mains soit beau : une couverture sombre et mystérieuse avec des écritures au format paysage, une mise en page sympathique... Atypie et sobriété dans la présentation, Histoire, philosophie, SF... Que de promesses ! À la lecture du résumé, j'imaginais une histoire à cheval entre La Brigade Chimérique (Serge Lehman et co.) et L'Enjomineur (Pierre Bordage). Tout pour (me) plaire ! Et pourtant, quelle déception...

Nous avons donc entre les mains un récit inspiré de faits réel (la rencontre de Niels Bohr et Werner Heisenberg, la disparition d'Ettore Majorana et l'usine de Dora) mais raconté via le journal de Jakob. Ce monsieur, un majordome danois au service de Niels Bohr, a consigné tout ce qui lui est arrivé depuis la rencontre de son maître avec Heisenberg. Dans le but de conquérir la jolie Carlotta, notre narrateur va se retrouver à faire un saut dans une autre dimension dont l'entrée leur a été montrée par Heisenberg. Cette dernière est occupée par les nazis afin de réaliser un prototype de la société du IIIe Reich. Fort heureusement, lors de son passage, Jakob a pu investir la peau d'un chercheur allemand et va donc pouvoir espérer mener à bien les missions dont il s'est lui-même investit : retrouver le fiancé de Carlotta pour le renvoyer auprès d'elle et sauver les innocents de la base.

« L'enfer est pavé de bonnes intentions ». À l'instar de ce dicton, l'histoire accumule les concepts intéressants, mais les noient sous une narration fluide certes, mais en cruel manque de reliefs et ornée de ressorts scénaristiques grossiers. Que dire de la chance insensée de personnage principal ? Son allemand parlé sans défauts aucun, ses connaissances en physiques poussées à un niveau exceptionnel en trois jours, sa servante membre d'un réseau de résistance, un de ses collaborateurs qui se trouve être le fiancé qu'il doit renvoyer sur Terre etc. Lui-même s'en étonne et pas une seule piste d'explication ne nous est donnée. C'est dommage.

Les ressorts philosophies alléchants promis sont grossièrement mis en scène sous couvert de la possession de l'esprit de Jakob par celui de l'officier allemand. N'aurait-il pas été plus pertinent et efficace de décrire les dilemmes et auto-flagellations mentales d'un simple résistant infiltré ? La SF fait perdre ici le côté puissant et viscéral que la réflexion aurait pu avoir.

Le livre se veut également assez descriptif sur le plan scientifique. Pari risqué de l'auteur : le néophyte peut être rebuté par des descriptions trop poussées et le scientifique par des approximations et des erreurs. La seule partie de cet acabit que j'ai apprécié concerne les temps des deux dimensions. Des dimensions perpendiculaires s'opposant aux dimensions parallèles classiques, voilà un concept qui change en SF ! Par contre. Au chapitre 37 se cache en pleine lumière une aberration qui a horrifié le biologiste en moi. le graphique présenté dans ce chapitre est doublement inutile : il n'apporte rien au récit et il est faux. Un graph' doit avoir un titre, ses axes doivent être annotés que ce soit en texte ET en unités. Une figure doit se comprendre indépendamment du texte. Et là, clairement, on nous présente un pauvre graph' type OpenOffice avec des chiffres qui ne veulent rien dire et qui en plus ne correspondent pas à ce qui est décrit dans le texte ! Bref. Ça, c'était à ne pas faire.

Comme je le disais : « Pavé de bonnes intentions ». On sent que l'auteur a voulu en mettre beaucoup, seulement il en a trop mis ! J'ai eu l'impression d'être devant un texte ayant besoin d'une épuration, ça manque de concision, même pour un texte narratif. L'auteur navigue avec difficulté entre réalisme et fantastique, ça nuit aux deux camps. Un exemple concret ? L'usine de Dora est magnifiquement représentée : c'est glauque, abominable, ça pue la misère et l'inhumanité, on y croit. En revanche, si l'on se dirige vers le département de génétique animale : on tombe dans un stéréotype de savant fou dont les expériences se veulent horribles sur le plan narratif, mais sont pétries d'incohérences et de ridicules. À trop vouloir décrire le pourquoi du comment on perd l'espace nécessaire à l'interprétation personnelle du lecteur qui ferait prendre toute sa dimension au côté SF.

Quel dommage d'avoir fait de ce récit juste celui de Jakob ! Outre le fait que je n'ai eu strictement aucune affinité pour le personnage (seule l'histoire de Sonia a réussi à me toucher), on a l'impression que tous les personnages sont de simples figurants. Ils manquent de profondeur ! Pourquoi ne pas avoir donné la parole aux autres personnages ? Quitte à rester au point de vue interne, naviguer dans les têtes des différents personnages aurait apporté plus de paranoïa quant à « qui est qui » et « pourquoi il fait ceci ou cela ». Les considérations promises sur les faux-semblants auraient trouvé un mode d'expression à leur hauteur.

Autres défauts en vrac. le stress des faux-semblants n'ayant pas réussi à faire monter de tension tout au long de l'histoire, la tombée des masques finale tombe à plat. On a encore une fois cette impression de facilité qui tue le suspense. Les créatures indigènes de la dimension Heisenberg avaient tout pour mettre juste la touche de SF nécessaire à l'émerveillement. Malgré ce potentiel, on retombe dans la facilité scénaristique avec un interprète qui tombe à point nommé et une description très froide du journal de Majorana qui au final n'apporte rien au récit car déconnecté du reste. C'est dommage, elles sont vraiment chouettes ces créatures ! Les épisodes de Schöndorfite sont pour la plupart intéressants. En revanche, les flash-back de Jakob et de Rudy soulignent avec lourdeur un pseudo-Freudisme maladroit dont on se serait bien passé. Ah et puis la faute de frappe sur la quatrième de couverture... C'est assez moyen, j'espère que c'est juste un défaut d'impression.

Ça sera tout pour moi. Malgré cette lecture décevante, j'ai particulièrement apprécié l'expérience ! Merci donc à Babelio et aux éditions du Chant du Cygne, j'ai hâte de participer à une autre Masse Critique !
Commenter  J’apprécie          34



Ont apprécié cette critique (3)voir plus




{* *}