AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de isabelledesage


La vie semble sourire aux jeunes héroïnes de ce roman qui se déroule à travers différentes époques : elles ont dix-sept ans et vont quitter leur univers familier pour aller travailler à Paris durant les deux mois d'été. Hébergées par des amis de la famille, elles vont être confrontées à la séduction et au viol. Cette situation vécue par les quatre jeunes filles génère une douloureuse mise en abyme qui laisse apparaître des actes et un manque de considération pour les femmes qui se répètent inlassablement : la femme est considérée comme une aguicheuse et sa parole est toujours mise en doute. le schéma récurrent de ce récit fait écho au roman de Vanessa Springora, le Consentement mais aussi, celui de Lola Lafon, Chavirer : des jeunes filles qui n'ont pas confiance en elle, en leurs capacités intellectuelles (peut-être parce que les filles ne font des études que depuis peu de temps, contrairement aux garçons) sont séduites par des personnes cultivées et occupant des postes parfois importants. Ces jeunes filles, heureuses de susciter l'intérêt ne se rendent pas compte que leur interlocuteur s'intéresse en réalité à tout autre chose qu'à la finesse de leur esprit ou à leur culture. de là, naît une confusion : la jeune fille ne dit jamais « non », elle « consent » à se laisser approcher par l'autre puisque celui-ci lui prodigue des conseils de lecture, d'écriture et même s'il s'est penché un peu trop lourdement sur elle, elle pense qu'il ne l'a pas fait exprès car il voulait lui montrer un texte intéressant, une ligne dans un livre. La jeune fille, sans expérience de la séduction, ne soupçonne pas que son sourire de « jeunes filles en fleur », certains mouvements de son corps, sa tenue vestimentaire sont décryptés par « l'ogre » comme une invitation : « Elle se revoit dans son bureau la dernière fois, et cet instant de bascule alors qu'elle se sentait considérée et appréciée. Il avait contourné son bureau et, en attrapant ce livre au-dessus de sa tête, il s'était attardé un peu contre elle. Il avait pressé son torse contre son dos, mais elle n'était pas sûre qu'il l'ait fait exprès. Peut-être était-ce le mouvement nécessaire pour atteindre l'ouvrage, une légère perte d'équilibre. Sûrement qu'il ne s'était même pas rendu compte. Amandine revoyait précisément ce moment. Elle était restée là, attendant qu'il s'éloigne pour se remettre à respirer. Elle aurait dû se reculer, s'éloigner franchement et marquer sa volonté de rester à distance. Elle a bien senti qu'il y avait un flottement, une incrédulité chez lui, chez elle, elle n'a pas su à cet instant-là évacuer cette confusion avec un éclat de rire léger. »
Dans La Bête en elles, les jeunes filles vont voir leur vie totalement transformée puisque le viol subi aura plusieurs graves conséquences physiques et psychologiques, laissant un lourd héritage à gérer après le rejet familial. Car comme dans les romans que j'ai cités, les parents refusent de voir l'évidence et sont incapables d'aider leur enfant qui est au désespoir. La plupart d'entre eux se soucient du « qu'en dira-t-on », des bonnes moeurs, de la religion. Les jeunes filles, habilement manipulées par le violeur se sentent coupables car l'homme leur a fait croire qu'elles l'avait séduit. Ainsi, les jeunes filles ne peuvent pas se confier, se libérer de ce qui leur est arrivé car les gens ne comprennent pas pourquoi elles « n'ont pas dit non », pourquoi elles n'ont pas porté plainte, pourquoi elles n'ont pas quitté l'appartement où le crime s'est passé, répété. Elles sont seules face aux insinuations, à l'incompréhension, à l'accusation.
Ce récit bouleversant expose la solitude des femmes face à la société. Il faut beaucoup de force à ces jeunes filles pour qu'elles continuent à vivre après de tels chocs, de tels rejets, de telles humiliations familiales. La « bête en elles » c'est toute la colère et la haine qui s'accumulent et les rongent de l'intérieur. Mais « la bête » peut aussi devenir, au fil du temps, une source d'énergie implacable pour avancer bâtir son avenir et gagner sa liberté, sans plus jamais se retourner.
Merci à Babelio et aux Editions Eyrolles pour m'avoir envoyé de bel ouvrage.
Commenter  J’apprécie          30



Ont apprécié cette critique (2)voir plus




{* *}