"Les désirs de l'homme sont insatiables : il est dans sa nature de vouloir et de pouvoir tout désirer, il n'est pas à sa portée de tout acquérir."
Dans toute République il y a deux partis : celui des grands et celui du peuple ; et toutes les lois favorables à la liberté ne naissent que de leur opposition.
Et quand le hasard fait que le peuple n'a plus confiance en personne, comme cela arrive parfois, ayant été trompé dans le passé par les choses ou par les hommes, on en vient nécessairement à la ruine.
On découvre aisément d'où naît cette passion d'un peuple pour la liberté. L'expérience prouve que jamais les peuples n'ont accru et leur richesse et leur puissance que sous un gouvernement libre. Et vraiment, peut-on voir sans admiration Athènes, délivrée de la tyrannie de Pisistrate, s'élever dans l'espace de cent ans à un si haut point de grandeur ? Mais ce qui est plus merveilleux encore, c'est celle à laquelle s'éleva Rome, après l'expulsion de ses rois. Ces progrès sont faciles à expliquer : c'est le bien général et non l'intérêt particulier qui fait la puissance d'un État; et, sans contredit, on a en vue le bien public que dans les républiques : on ne s'y détermine à faire que ce qui tourne à l'avantage commun et si, par hasard, on fait le malheur de quelques particuliers, tant de citoyens y trouvent de l'avantage qu'ils sont toujours assurés de l'emporter sur ce petit nombre d'individus dont les intérêts sont blessés.
Que les états faibles balancent toujours à prendre une décision et que les décisions tardives sont toujours nuisibles.
La guerre des latins en fournit encore un exemple. Les Laviniens, sollicités par eux de les secourir contre les romains, mirent tant de lenteur à se décider, qu'à peine sortis de leurs murs, on leur annonça la défaite des latins. Ce qui fit dire à Milonius, leur préteur : " que les romains leur feraient payer cher le peu de chemin qu'ils avaient fait."
... En sorte que le peuple, trompé ou contraint, en vint à ne plus délibérer que sur sa propre ruine.
Les hommes ne font le bien que par nécessité. Mais dès qu’ils ont le choix et la liberté de commettre le mal avec impunité, ils ne manquent jamais de porter partout la confusion et le désordre.
A l’époque de leur réunion en société, on commença à connaître ce qui est bon et honnête, et à le distinguer d’avec ce qui est vicieux et mauvais. On voit un homme nuire à son bienfaiteur. Deux sentiments s’élevèrent à l’instant dans tous les cœurs : la haine pour l’ingrat, l’amour pour l’homme bienfaisant.
On blâma le premier ; et on honora d’autant plus ceux qui, au contraire, se montrèrent reconnaissants que chacun d’eux sentit qu’il pouvait éprouver pareille injure.
Pour prévenir de tels maux, les hommes se déterminèrent à faire des lois, et à ordonner des punitions pour qui y contreviendrait. Telle fut l’origine de la justice.
Je pense et je penserai toujours que ce ne peut être un tort de défendre ses opinions quand on emploie d'autre autorité, d'autre force que celle de la raison.
Comme la souveraineté devient héréditaire et non élective, les enfants commencèrent à dégénérer de leurs pères. Loin de chercher à les égaler en vertus, ils ne firent consister l’état de prince qu’à se distinguer par le luxe, la mollesse et le raffinement de tous les plaisirs. Aussi, bientôt le prince s’attira la haine commune. Objet de haine, il éprouva de la crainte ; la crainte lui dicta les précautions et l’offense ; et l’on vit s’élever la tyrannie.