Citations sur Apocalypse (8)
La Valeur-Travail, le travail comme valeur essentielle, le travail permettant la réalisation de soi et du monde. Voilà ce qui fut le pivot de la vie sociale s’élaborant à partir du xix e siècle. Il s’agissait d’un impératif catégorique (« tu dois ») incontournable, irriguant tous les discours éducatifs, politiques, sociaux et reposant sur ce présupposé productiviste fort bien symbolisé par la formule poétique de Goethe, corrigeant à sa manière le début de l’évangile de Saint-Jean : « au commencement était le faire ».
être une machine à produire et à consommer est loin d’être un idéal prévalent. Et à privilégier une telle « infrastructure », à négliger les forces du qualitatif, de l’hédonisme, tout cela témoigne d’une incapacité à penser les multiples révoltes contre une telle « machination » du monde. Révoltes parfois brutales et bris de vitrines, lors des manifestations en sont les symboles, ou révoltes en mezzo voce , que peuvent être l’absentéisme, le choix du travail intérimaire, l’engagement dans les organisations humanitaires ou d’autres formes de bénévolat.
L’esthétisation de l’existence, l’art se capillarisant dans l’ensemble de la vie quotidienne, l’accent mis sur le qualitatif, le refus du saccage productiviste, la rébellion contre la dévastation des esprits, voilà ce qui se résume dans la figure emblématique de Dionysos. Il y a dans tout cela quelque chose de mondain. C’est-à-dire un attachement à ce monde-ci. Une accordance, tant bien que mal, à cette terre, dont il s’agit de jouir sans en regretter, nostalgiquement et sans en attendre mélancoliquement, une autre.
la radicalité de la pensée, si elle veut s’accorder à ce qui est , doit, justement, repérer la perdurance des racines profondes de l’humaine nature : instincts, émotions, passions et affects divers, constituant le terreau à partir duquel vont croître les diverses cultures.
on ne peut pas, ce qui est le péché mignon de l’intellectuel, créer le monde à l’image de ce que l’on voudrait qu’il soit.
Projet prométhéen s’il en est, dont on ne redira jamais assez qu’il trouvait sa source dans l’injonction biblique de « soumettre la nature » (Genèse ch.1, v.28) en son aspect environnant : faune et flore, mais également maîtrise de l’individu et du social. C’est sur une telle logique de la domination que va s’élaborer le mythe du Progrès et de l’égalitarisme qui en est le corollaire direct. Pour le dire en termes plus familiers, les trois mamelles d’un tel projet étaient l’hygiénisme (ou le risque zéro), la morale et la société « Nickel ».
quand on observe la succession des histoires humaines, il n’y a pas d’autres options que la politique ou le jeu. Ainsi, au rythme d’un balancier cyclique, l’une cède la place à l’autre et vice-versa. Un tel balancement a pris des noms divers. La mythologie, la littérature, voire la pensée philosophique ou sociologique ont rappelé les rôles joués par Prométhée ou Dionysos. Peu importent les noms d’ailleurs. Il suffit de rappeler que ce sont des figures emblématiques, représentant des polarités inverses, mais non moins complémentaires. Un complexio oppositorum en quelque sorte.
À l’opposé des divers transcendantalismes qu’a sécrétés la tradition occidentale, qu’ils soient religieux (la Cité de Dieu) ou politiques (la société parfaite, lendemains qui chantent ), le souci païen de ce monde-ci traduit un profond immanentisme, l’importance donnée au fait d’être là avec toutes les conséquences que cela ne manque pas d’avoir. La plus importante certainement étant, bien entendu, la focalisation sur le présent. Présentéisme [...]