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Critique de berni_29


Ce livre, La naine, est-ce un roman ? Sans doute oui. Il est rempli d'étrangeté. À forte connotation autobiographique, l'auteur Pierre Magnan écrit en préambule de ce récit les mots suivants : " Tous les protagonistes de ce roman ont emprunté les traits physiques de personnages qui ont existé. Ces êtres étaient les meilleures gens du monde, absolument dénués de passion, de méchanceté comme d'imagination. Il ne leur est rien arrivé d'autre que de naître, prendre le soleil et mourir. L'histoire dont je les ai chargés, je l'ai forgée de toutes pièces. "
Ici l'auteur édifie une ville imaginaire ou qui fait semblant de l'être, aux apprentissages bien réels, sous le soleil de Provence, qui pourrait très bien être Manosque. Il invite le narrateur, un adolescent de quatorze ans à nous en approprier les rues, les coins, recoins, ses secrets, ses envoûtements et surtout ses personnages comme tout droit sortis d'un conte un peu gothique...
Nous sommes au début des années vingt, les cicatrices de la Grande Guerre sont encore dans les mémoires, à vif...
Jean, qui s'appelle en réalité Chrysostome, est embauché comme typographe dans l'imprimerie locale où il est exploité, se voyant confier les tâches les plus ingrates. Il est sale, voire crasseux, malchanceux et malhabile, un visage empli d'acné à faire peur aux filles. À ses heures perdues, il découvre la littérature, le Rouge et le Noir, Eugénie Grandet, l'Annonce faite à Marie... Il aime faire de la lecture un rempart contre le mépris, peut-être un peu comme certains d'entre nous ici...
Il découvre aussi l'érotisme en épiant quelques voisines d'âge déjà mûr qui prennent le soleil en tenue très légère derrière les paravents de leurs balcons ou de leurs jardins...
C'est l'été de ses quatorze ans, une saison brûlante à bien des égards...
Une jeune fille, naine, qu'on appelle La Naine ou bien encore Nène, laide et méchante, vendeuse de chapeaux dans une boutique qu'elle tient avec sa soeur, aime follement Jean. Mais la réciproque n'est pas vraie...
Nous découvrons cette ville mythique et mystique à travers les déambulations érotiques de Jean, sans cesse pourchassé par la naine, éperdument amoureuse, jalouse aussi de ses pérégrinations. C'est à la fois cocasse, coquin, mystérieux et douloureux à la fois..
Cette ville pleine de mystères est comme faite pour que les pas se perdent dans ses calades. Et puis tout là-haut sur la place principale, il y a les dames du Nord souvent en cercle, elles savent tout avant les autres, parfois mieux que les autres, elles semblent un peu tirer les ficelles des vies de cette ville, font, défont, refont l'histoire à coup de chuchotements... Parfois elles avancent en procession.
Il y a ici toute une galerie de portraits saisissants, à commencer par La Sanson, sorte de sorcière qui, un jour, intime au garçon l'ordre d'aimer la naine. Cette injonction est presque une menace...
Il y a l'Agassonne, il y a Germaine, il y a Gentiane, il y a l'avocate, il y a Victor et son père l'Orfeo Bellatroce et bien sûr il y a la naine, des personnages qu'ont croirait parfois possédés par une malédiction...
Ah! La naine... Tissant sa toile autour de Jean, le traquant comme un oiseau de proie. Son regard d'amour qu'elle jette parfois sur lui, implorant la pitié, mélange de douleur et de force maléfique...
Dès lors, cette ville est prête à voir se déverser sur elle tous les sortilèges possibles dans les méandres de ses rues et l'errance de ses habitants... Les vivants et les morts qui se côtoient, se frôlent sans cesse...
Et puis un jour, un cirque maudit, hanté par la tragédie, revient à cette ville...
J'ai aimé la langue, le style ample, riche de Pierre Magnan, son côté lyrique, truculent. Il y a ici une poésie du sublime et du tragique. Ce sont des mots gorgés de soleils, d'effluves et d'épines.
J'ai aimé ce roman d'apprentissage, conte cruel, fable d'une éducation sentimentale espiègle, tendre, triste, douloureuse, effleurant par moments le fantastique...
Jubilatoire !
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