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Critique de Dandine


Je suis arrive a la conclusion qu'il faut avoir une grande PAL. C'est signe d'un certain optimisme. Et si la Grande Faucheuse vient visiter on peut toujours lui proposer et lui preter un livre depaysant et demoniaque qui l'entretiendra pour un certain temps. Je connais beaucoup de gens qui se sont laisses prendre a une lecture conseillee. Pourquoi pas elle?

Tout ca c'etait pour dire que j'ai mis Naguib Mahfouz dans ma PAL. Comme a mon (a ma mauvaise?) habitude j'ai commence par quelque chose de court et pas tres contraignant, histoire de voir s'il m'appate vraiement, le café karnak.

Ce livre ne m'a pas enthousiasme. Ce n'est pas a mon avis de la grande literature. C'est nonobstant une preuve de courage. Courage civique et politique. Mahfouz y denonce les derives du regime (socialiste?) Nasserien, fruit de la revolution, en fait du coup d'etat militaire de 1952. Mahfouz a ecrit ca fin des annees 60 et le livre a ete publie en Egypte dans les premieres 70. le regime a eu le temps d'assoir son pouvoir et de s'y complaire, jusqu'a justifier (comme partout ailleurs?) des moyens coercitifs (c'est un mot tendre) par une fin personnelle affichee comme ideologique.

Mahfouz nous entraine dans un café du Caire, tenu par une ancienne danseuse encore bien de sa personne. Pas un grand café. Mais un cafe par ou passe l'amitie, l'amour, la vie, la moralite, la societe et l'histoire d'un pays en temps de changements, de crise. Peu de clients, mais assidus, aiment s'y retrouver. Quelques vieux qui jouent au tric-trac en sirotant un narguile, quelques soupirants, amoureux de la tenanciere, un petit groupe de jeunes etudiants. Et Mahfouz ou son alter ego, qui sert a nous transmettre les pensees et les confessions de ces habitués. Pour les vieux, le passé, du temps des anglais et du roi Farouk, n'etait pas si mauvais que ca. Les jeunes, eux, s'affirment des "enfants de la revolution". Quand ceux-ci disparaissent pour des periodes plus ou moins longues, on commence a entrevoir le dur visage de cette revolution. L'inquietude, la peur, prennent place au café. On apprendra plus tard qu'accuses a tort et sans raison de faire partie de cellules contre-revolutionnaires ou d'accointances avec les "frères musulmans", ils ont ete arretes, emprisonnes, tortures. Un d'eux y trouvera la mort, assassine en torture.

L'auteur ne juge pas ses personnages ni leurs dires ni leurs actions. En fin de livre il donne la parole a un des sbires, peut-etre repenti, qui a lui meme ete en fin de compte arrete et emprisonne, et qui developpe une vision de la societe legerement fataliste. En fait chaque personnage developpe sa propre vision, ce qui donne quelque chose de caleidoscopique. Mais cette oeuvre reste un acte d'accusation clair et fort. Mahfouz n'en a pas pati. Il etait deja la figure qui dominait le paysage litteraire egyptien. Encense par tous, il etait pratiquement intouchable. Ce seront justement les Freres Musulmans qui le poursuivront plus tard, forcant le regime (ce sera deja l'ere Moubarak) a lui coller des gardes du corps.

Tout ca dit, j'ai pris ce livre en mains en tant qu'oeuvre litteraire, comme un roman et pas comme un ouvrage d'histoire ou de sociologie. de ce point de vue je n'ai pas ete transporte. Legere deception. Il faudra que je m'attaque a sa trilogie du Caire, qui de l'avis de tous est d'une autre qualite. Trois etoiles quand meme.
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