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Critique de gruz


Quand vous visitez les maisons de Dominique, pas une ne ressemble à l'autre. Cet homme a un talent incroyable pour créer de l'espace, pour dépeindre l'environnement avec détail, et l'habiter comme s'il y avait toujours vécu.

Passées ou présentes, ses maisons sont des attractions, mais il faut se méfier des pièges qu'il y tend, car elles sont dangereuses. Nid intérieur, foyer enflammé, baraque lubrique, gourbi vieillot, il sait tout brosser. Et si ça sonne si vrai, c'est bien parce qu'il sait tout autant dessiner qu'exposer les occupants. Mention spéciale au Paris de 1900 dans On se souvient du nom des assassins, merveille sortie en 2016.

L'univers d'Hollywood semble le fasciner. Point de départ de son précédent roman, Tout le monde aime Bruce Willis, qui ne ressemblait pourtant pas à ce qu'il semblait être.

Il nous emmène, cette fois-ci, dans les coulisses de l'industrie de ce cinéma américain, et pas à n'importe quelle période : en 1953. Des acteurs et des réalisateurs devenus depuis mythes, qui se révèlent parasites, se nourrissent des autres en les suçant jusqu'à la moelle. de vrais vers luisants qui détruisent tout sur leur passage telles des mites, y compris eux-mêmes, par la quête d'une célébrité qui consume et rend fou.

Avant les diamants est une fiction avec de gros morceaux de réalité dedans. Parce que dans ce milieu-là, la réalité dépasse allègrement tout ce qu'on pourrait imaginer.

L'écrivain utilise donc de belles parts de ces personnalités, certaines en lambeau et à l'état de débris derrière leurs chatoyants habits de scène. Flynn, Gable, Monroe, et tant d'autres, traversent ces pages un peu comme des fantômes, leurs auras bien présentes.

Mais les coulisses d'Hollywood dans les années 50 sentent le sang, la crasse, le vice. Les vertus supposées du cinéma sont plutôt des verrues.

Un producteur de série B qui veut sa part du gâteau, des ligues de vertus (justement) qui gomment tout ce qui n'est pas de l'ordre des « bonnes moeurs » (alors que leurs membres sont loin de se soustraire à la tentation), des militaires qui ne pensent qu'à ce que l'image serve de propagande, des jeunes qui veulent devenir acteurs à n'importe quel prix (et le ticket d'entrée leur coûte très cher). le tout arrosé au vitriol par la mafia dont il faut se méfier à chaque seconde. Sous les projecteurs du maccarthysme qui fait ruer l'Amérique et ses citoyens comme des taureaux sur tout ce qui porte du rouge.

En pleine chasse aux sorcières, les apprentis sorciers du cinéma de la « grande » époque sont plus doués pour la débauche et le stupre que pour produire des chefs-d'oeuvre. le public n'est là que pour cracher au bassinet et être manipulé.

Avec Dominique Maisons, le mythe hollywoodien n'est pas écorné, il est déchiré en mille morceaux à coups de dents. Un bouge qui grouille d'histrions, dans une pantomime où le doigt d'honneur est bien plus fréquent que la main tendue.

Et pourtant, on sent la fascination que ce monde et ses acteurs produisent sur l'auteur. Les strass et les paillettes, même couvertes de substances visqueuses, font toujours leur effet.

Une fiction pleine de réalité, donc. Très documentée, où l'écrivain gratte la surface pour mettre à nu la vraie nature de cet univers (et ça fait froid dans le dos). C'est laid, mais c'est humain. Difficile de s'attacher à ces protagonistes, et pourtant certains deviennent touchants par leurs failles (même s'ils sont minoritaires).

Je vais vous avouer un secret. Alors que je suis admiratif des livres de l'auteur, le pari n'était pas gagné avec moi. Cette terre du milieu cinématographique ne fait pas partie de mes centres d'intérêts, et cette période historique pas davantage. Il partait donc avec un réel handicap, d'autant plus que c'est un pavé.

Je me suis pourtant immergé dans ce marécage, la pierre au cou, sans chercher à me débattre, les yeux grands ouverts. le spectacle en devient vite fascinant, avec un sale goût de vomi en bouche.

Parce que son talent lui a permis de construire un roman qui a la texture du vrai tout en étant une histoire. Et un roman noir ! Inclassable, sans aucun doute (comme souvent avec lui), mais noir assurément (à l'image de sa fin).

Avant les diamants est un livre à part, un solitaire souillé, qui désacralise une époque, dans ce cosmos d'étoiles noircies par les excès et la quête de pouvoir. Dominique Maisons est orfèvre en la matière, pour rendre infâme le glorieux. Il ne respecte donc rien, à part le lecteur, et c'est là aussi un de ses innombrables talents de conteur de l'ombre.
Lien : https://gruznamur.com/2020/0..
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