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Critique de SophieB75


Voici un récit écrit par un homme d'honneur pour un autre homme d'honneur.
La naissance de ce livre est émouvante. L'on se souvient du pamphlet écrit par Andreï Makine en 2006 (1), pamphlet qui avait suscité admiration mais aussi indignation d'une partie de l'intelligentsia germanopratine. Il était pourtant inscrit sur la quatrième de couverture : « Je n'écrirais pas ce livre si je ne croyais pas profondément à la vitalité de la France, à son avenir, à la capacité des Français de dire : « assez ! » ». Devant toutes ces critiques, l'écrivain s'était senti bien seul à l'époque.
Il se trouve qu'un vieil homme nommé Jean-Claude Servan-Schreiber a lu et aimé ce livre ; il l'a fait savoir à Andreï Makine par une lettre « qui ressemblait à une voix amicale qu'entendrait un homme cheminant au milieu d'un désert » (p.25).
Les deux hommes se rencontrent et deviennent amis car ils ont ce point commun qui est celui d'aimer la France dans ce qu'elle a de plus noble : son honneur, sa culture, sa langue …
Jean-Claude Servan-Schreiber, né en 1918, appartient à cette famille connue dans le monde des médias. Directeur général des Echos, il a également fondé la Régie Française de Publicité. Mais avant cette vie-là, il y eut une autre vie durant la deuxième guerre mondiale : entrée en Résistance, camp de concentration en Espagne, débarquement sur les côtes de Provence en août 1944 où il eut le grade de lieutenant dans la 1ère division blindée du maréchal de Lattre de Tassigny.
Fasciné par l'héroïsme de cet homme et son parcours, Andreï Makine lui suggère d'écrire ses Souvenirs. Cette proposition n'est pas advenue par hasard : « Un jour, on le sait, Jean-Claude s'était mis à énumérer ses camarades de régiment, présents sur une vieille photo. Une silhouette est restée innommée – un homme de grande taille, au sourire triste. « Attendez, son nom va me revenir. C'est un gars qui a été tué à Dunkerque. Il s'appelait … Ah ! ». L'idée du livre est venue de ce bref silence de la mémoire. le soldat, oublié sur un cliché de guerre, devait absolument retrouver son nom » (p.123).
Jean-Jacques Servan-Schreiber écrit ses Souvenirs (2), trouve un éditeur aidé par son ami mais ce livre rencontre « l'indifférence totale, plus efficace que la censure totalitaire » (p.16).
Fortement culpabilisé par cet échec, Andreï Makine décide d'écrire le pays du lieutenant Schreiber pour relater l'héroïsme de son ami et de leur rencontre à tous deux.
Car il s'agit d'une véritable rencontre, d'une entraide mutuelle. L'histoire du héros de la deuxième guerre mondiale sauvera Piotr, un ami d'Andreï Makine. Et ce dernier permettra le retour de la mémoire chez le vieil homme (aujourd'hui âgé de 95 ans) avec une transmission écrite pour les générations futures.
Ce livre relate l'histoire de Jean-Claude Servan-Schreiber mais également une amitié rare, transcendante, qui donne du sens à la vie.
On devine, par ses interventions toujours très fines, une grande intelligence et une sensibilité hors norme chez Andreï Makine.
Par ailleurs, sont évoqués la défectuosité de la parole, la nécessité de trouver une langue qui puisse dire l'ineffable, ces moments hors temps et hors espace qui font l'essentiel d'une vie, ces instants d'Alternaissance décrits dans l'oeuvre osmondienne (3), ce « théâtre d'ombres où les humains mettent en scène leurs vies » (p.84).


(1)Andreï Makine, Cette France qu'on oublie d'aimer, Ed. Flammarion Café Voltaire, 2006.
(2)Jean-Claude Servan-Schreiber, Tête haute, Souvenirs, Ed. Pygmalion, 2010
(3)Andreï Makine a écrit quatre romans sous le nom de Gabriel Osmonde

Lien : http://liresortiraparisetail..
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