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La lecture de "Cette France qu'on oublie d'aimer" et la mémoire du Colonel Desazars de Montgailhard et du Capitaine Combaud de Roquebrune, tous deux morts pour la libération de la France, ont mis en relation Jean-Claude Servan-Schreiber et Andreï Makine.

Au fil de leurs rencontres une amitié est née et le romancier a suggéré à l'officier de cavalerie de publier ses mémoires pour rappeler le sacrifice de ses compagnons lors de la seconde guerre mondiale.

La notoriété des Servan-Schreiber, la carrière de Jean-Claude exclu de l'armée en 1941 par la législation antisémite et sa glorieuse campagne dans les rangs de l'armée du Général de Lattre, semblaient être des atouts pour les éditeurs … la réalité fut tout autre et, dans en 2008-2009, il fut ardu d'en trouver un.

Gérard Watelet, directeur de Pygmalion, prit le risque de publier « Tête haute : Souvenirs » en mai 2010 afin de profiter de la période entre le 8 mai et le 18 juin, entre la commémoration de l'armistice et de l'appel du Général de Gaulle, pour obtenir des échos dans les médias … un silence assourdissant entoura ce lancement et en septembre, l'éditeur dut pilonner les nombreux invendus.

Andreï Makine revient sur ce fiasco qui en dit long sur nos médias, nos librairies, les envies des lecteurs et sur « le pays du lieutenant Schreiber » qui se gargarise en évoquant le « devoir de mémoire » mais oublie d'honorer ses héros et ses saints et valorise des acteurs, des comédiens, des journalistes et des sportifs en élisant comme « personnalité préférée des français » des exilés fiscaux ayant fait fortune en profitant largement de subsides payés par nos impôts.

Hommage aux libérateurs de la France, évocation d'une famille de juifs allemands qui émigra en France en 1877, cet ouvrage est riche d'enseignements.

Un acte d'espérance dans le redressement de notre pays.
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En 2006, suite à la publication de son livre Cette France qu'on oublie d'aimer, Andreï Makine reçoit une lettre de Jean-Claude Servan-Schreiber.
Suite à cette lettre, Andreï Makine rencontrera cet homme qui lui racontera sa guerre de 39.40. Il parlera de son engagement dans l'armée française comme officier, de la remise de sa médaille militaire en même temps que son renvoi de l'armée parce qu'il est juif. Il s'engagera alors dans la résistance.
Andréï Makine l'encourage à écrire un livre sur son histoire.

J'aime beaucoup cet auteur, mais je n'ai pas retrouvé sa belle écriture. Ses répétitions m'ont dérangée , elles me semblent diminuer la force de ce livre.
Mais ça ne m'empêche d'attendre son prochain livre.
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Durant l'été 2010, Andreï Makine annonce à Jean-claude Schreiber, un homme de 91 ans, que son livre de souvenirs sur la seconde guerre mondiale est un échec, que les ventes n'ont pas décollé, que la presse ne s'y est pas intéressé, que les libraires rentrent leurs invendus et que bientôt l'ouvrage, pilonné, retournera à la poussière. Pourtant, qu'est-ce qu'ils y avaient cru à ce récit, une geste héroïque qui montrerait aux générations de l'après-guerre comment de jeunes gens avaient risqué leur vie, sans calcul et sans regrets pour mettre un terme à la barbarie nazie. Andreï avait dû convaincre le vieux soldat de l'intérêt de l'entreprise, aider la mémoire à émerger, courir les éditeurs pour trouver un partenaire, activer son carnet d'adresses pour faire aimer le livre. Durant trois mois, ces dérisoires quinze semaines qui décident de la vie ou de la mort d'un titre, Jean-Claude n'avait pas quitté son costume, persuadé qu'un journaliste pouvait, à tout moment, se présenter pour s'entretenir avec lui de cette époque et s'enquérir de tel ou tel détail relaté trop vite. Hélas personne ne se souciait des héros de 40.

A travers cet épisode malheureusement classique, Andreï Makine pose la question de la place que nous réservons à ceux qui ont servi leur pays, qui se sont battus pour des idées ou pour une certaine idée du bien collectif. Il évoque brièvement les faits d'armes de Jean-claude et essaye de démêler l'écheveau de la construction de l'indifférence.

Ce livre m'inspire des sentiments contradictoires, il m'a à la fois sincèrement touché et profondément énervé. Il y a chez Makine un côté réactionnaire souvent énervant. Avant c'était mieux, on savait aimer son pays. Depuis la montée en puissance des zazous et la chienlit qui s'en est naturellement suivie, la France est malade. C'est d'autant plus agaçant, que le lecteur a un peu l'impression que Makine instrumentalise Jean-Claude pour faire dire à son histoire ce qui sert sa démonstration. Ainsi en est-il du passage où l'auteur s'attaque à Sartre, Beauvoir et Camus, coupables d'avoir ripaillés durant la guerre, pendant que Jean-Claude risquait sa vie et d'avoir jeté, en pleine tourmente, les base d'une pensée "à deux sous" qu'ils imposeraient à la France dès la Libération. Un peu facile et tellement tendance de se payer la tête des existentialistes à ce sujet. C'est oublier que 95 pour cent de la population s'était réfugiée dans une posture attentiste et qu'au fond, les salauds s'appelaient Laval et Rebatet, Drieu et Déat.

Malgré ces réserves, j'ai aimé le propos. Les souvenirs d'un héros de guerre, ce n'est ni compétitif ni adapté au marché. Donc cela ne vaut rien dans notre société. le jugement de Makine sur la littérature française contemporaine, autocentrée et mièvre, ce qu'il appelle "cette littérature des petites névroses contemporaines" me semble tout à fait pertinent. Cette espèce de perte de repère qui fait de n'importe quel mal être existentiel un sujet de roman, ce culte du Moi, cette impossibilité à s'inscrire dans un projet collectif sont autant de faiblesse de la création d'aujourd'hui.

Evoquant les origines du lieutenant Schreiber, un juif Français, profondément attaché au pays qui avait accueilli sa famille, Makinne met le doigt sur une dimension magnifique d'une immigration qui s'intégrait et gagnait sa dignité par le travail . Cette reconnaissance absolue vis-à-vis des patries d'adoption qui conduit à une loyauté parfaite et souvent à des engagements impressionnants par leur abnégation. de ce point de vue, on peut comprendre, même sans l'admettre, l'allusion à Beauvoir et consorts, ces français de toujours attendant que les métèques les libèrent. Là où je ne peux suivre Makine, c'est lorsqu'il rappelle la conversion du père de Jean-Claude au catholicisme et s'en félicite au nom d'une intégration réussie, celle qu'il nomme lui-même assimilation, et qui vaut bien quelques renoncements. Illusion dont Jean-Claude fera la cruelle expérience lorsqu'il sera confronté à l'antisémitisme des officiers français. L'expérience de la communauté juive indique plutôt que c'est la conscience claire de son identité propre qui permet une intégration sans crainte ni arrières-pensée.

A plusieurs reprises Makine essaye de mettre en lumière l'état d'esprit du jeune Schreiber, soldat, résistant et libérateur, de reconstruire ses sentiments au départ de leurs conversations. C'est là qu'il est le plus touchant, comme lorsqu'il évoque le jeune homme échappant à l'emprise de l'histoire, à l'absurdité de la situation dans les bras d'une femme oui en s'échappant quelques minutes de son tank, face à l'ennemi, au mépris du danger, juste pour sentir qu'une autre vie est possible.

En refermant le livre, un étrange sentiment m'habitait. J'étais heureux pour Schreiber, heureux que son histoire ait pu survivre, que ces quelques pages lui rendent justice. Et pour cela je suis reconnaissant à Andreï Makine, ce type si énervant, d'avoir pris la peine de rédiger ce récit. Et je lirai sans doute le prochain bouquin d'Andreï Makine, ce type tellement attachant.
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Deux hommes, un huis-clos, ou presque : le narrateur rencontre le lieutenant Schreiber dans son appartement dans lequel le vieil homme le reçoit régulièrement. Il lui annonce une défaite, son livre n'a pas trouvé son public et partira bientôt pilon. Pourquoi, ou presque ? Parce que, depuis cet appartement, le lieutenant Schreiber emmène le lecteur sur les champs de bataille de France, de Russie, sans oublier l'Espagne où il fut prisonnier. Pourquoi ce livre à l'intérieur du livre n'a-t-il pas rencontré le succès ?

Je serai tenter de dire de prime abord que le narrateur a raison : l'époque n'est plus au récit guerrier, au devoir de mémoire, quoi qu'on dise. le combat qu'il a mené pour faire publier le texte du lieutenant Schreiber est à cet égard exemplaire de la logique économique qui régit l'édition. L'auto-fiction, oui: tant que l'on a quelque chose de croustillant à raconter. Pas le récit lancinant d'un jeune lieutenant qui guide de sa voix deux camarades blessés vers son tank, devenu lieu de survie.

Et pourtant, le livre est absolument magnifique, grâce à cette prose justement qui tient parfois de l'incantation, avec ces noms, ces phrases répétées, pour se fixer dans la mémoire du lecteur. Livre de souvenirs, oui, mais ce ne sont pas seulement les siens que Jean-Claude Servan-Schreiber nous livre à travers la plume d'Andreï Makine, c'est le souvenir de tous ceux dont la vie s'est interrompue en combattant pour la France. Nous voyons presque le livre en train de s'écrire, non dans une posture d'écrivain complaisant, mais dans un travail sur la manière la plus juste de raconter. Dans quelle mesure doit-on « séduire » le lecteur, par des anecdotes plaisantes – qui ne sont justement que des anecdotes, non la description d'une époque, d'un personnage ? Comment être le plus juste possible quand cela n'intéresse plus personne – ou quand tout dire semble devenu impossible ? le tour de force est aussi de ne pas asséner des vérités toutes faites, ou de donner un simple constat pessimiste. Il est d'amener le lecteur à s'interroger sur ce qu'on nomme aujourd'hui le « politiquement correct » et sur une forme de censure bien-pensante.

Le pays du lieutenant Schreiber – un livre que l'on peut difficilement refermer après l'avoir commencé.
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Un beau livre, mais malheureusement, à la fin, beaucoup de répétitions. C'est un peu le défaut de Makine..... Cependant, belle "biographie" d'un homme d'honneur oublié. Et surtout, ce que j'apprécie chez Makine, c'est qu'il n'a pas sa langue dans sa poche pour dénoncer les dérives commerciales du secteur de l'édition. On fait lire n'importe quoi.... mais on oublie la vraie littérature. Merci Monsieur Makine d'oser dire tout haut ce que, j'espère, beaucoup de lecteurs pensent tout bas.
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Cela vient comme cela, au détour d'une phrase, une petite remarque pas vraiment acerbe, seulement réaliste et un peu désolée : si le récit du lieutenant Jean-Claude Servan-Schreiber ne séduit pas les éditeurs, c'est parce que ceux-ci savent bien qu'il ne rencontrera pas son lectorat. Pourquoi ? Parce qu'on n'a pas envie de lire ça, c'est les vacances, on préfère ouvrir des livres qui nous font sourire ou rêver, mais pas cela. En plus, la plupart des lecteurs sont des femmes et les femmes n'aiment pas les récits de guerre, alors… Loin de se résigner, Andreï Makine décide de rompre le sort en faisant de l'histoire du lieutenant Schreiber non pas un livre sur la guerre mais un livre contre l'oubli.

C'est la lutte contre l'oubli qui d'un nom, celui d'un soldat sur une photo, qui ouvre et referme la collaboration des deux hommes :
« Pourtant, l'angoisse que j'intercepte dans ses yeux est bien plus profonde que celle que nous ressentons quand un mot nous échappe. Il doit deviner qu'il ne s'agit pas d'un oubli banal, tel que tout le monde peut se le permettre. Tout le monde, sauf lui. Car s'il ne parvenait pas à retrouver le nom de son camarade, celui-ci ne serait jamais que ce contour humain légèrement penché, un inconnu égaré sur un cliché grisâtre, un figurant dans une guerre, elle-même passablement oubliées. Plus de soixante ans après, les survivants de ce juin 40 sont rares. » (p.39)

A plus de 90 ans, la nouvelle guerre du lieutenant Schreiber est celle qu'il mène contre l'oubli et contre l'indifférence.
le récit d'Andreï Makine entremêle les destins du vieux soldat et celui de son bouquin dont personne ne veut, et on ne peut s'empêcher de noter d'étranges similitudes : l'éditeur qui acceptera de publier l'ouvrage fera oeuvre de résistance contre la dictature du marché de l'édition, et c'est finalement le débarquement d'un étranger qui sauvera Schreiber de l'oubli.
Nul doute qu'après la lecture d'un livre aussi bien construit, aussi finement rédigé (comme en témoigne la citation ci-dessus), nul n'oubliera le lieutenant Schreiber pas plus que le pays pour lequel il s'est battu. On se souviendra aussi de retourner, à l'occasion, vers la plume talentueuse d'Andreï Makine.
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le pays du lieutenant Schreiber
Je n'y avais pas prêté attention en prenant le livre, Schreiber...oui Andreï raconte les guerres d'un membre de la famille Servan-Schreiber: Jean-Claude, le cousin germain de Jean-Jaques.
Vous lirez le récit des guerres de Jean-Claude – sous les armes pendant la 2° guerre, puis cette guerre pour faire entendre son récit, celui d'un jeune lieutenant “qui a cent fois mérité la croix, mais jamais un Juif sous mes ordres n'aura la légion d'honneur.”

Beaucoup d'anecdotes intéressantes, parmi elles, ces fêtes des “écrivains engagés” dont, enfin, “idolâtres que nous sommes, nous découvrons, perplexes la pensée scolaire et brouillonne de leur oeuvre romanesque – mélange d'enflure humaniste et de posture nietzschéenne dans leur prose philosophique et morale.”

Très différent de ses romans,
ce récit dans lequel Andreï Makine nous fait part de ses difficultés pour faire éditer le témoignage d'un vieux monsieur (Jean-Claude a alors 92 ans) sur une période qui laisse tellement de zones d'ombre et de sujets de polémiques.

Témoignage extrêmement intéressant.
Lien : http://holophernes.over-blog..
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Ce que j'ai particulièrement apprécié dans ce livre c'est que Makine ne parle pas la langue de bois. Il ne rend pas seulement hommage à une personnalité hors du commun (Jean-Claude Servan-Scheiber — mais au fait, quand est donc apparu ce deuxième nom? le livre est muet sur ce point...), il écorche au passage certaines idoles (Sartre et consorts) dont l'intellectualisme brillant a éclipsé des valeurs plus concrètes et occulté la réalité de la guerre et même nié les horreurs du stalinisme. Il fustige aussi les éditeurs qui sont soumis aux lois de la rentabilité. Il s'insurge au passage contre le "politiquement correct" et autres pensées ramollies et bien-pensances qui frisent l'hypocrisie et embourbent les débats dans un magma édulcoré d'où rien de bon ne ressort. En somme, Makine n'hésite pas à écrire, au détour d'un témoignage touchant, ce que beaucoup pensent mais n'osent pas énoncer de vive voix. Makine a écrit là un livre très personnel, bien que hors des sentiers battus de la mode de l'auto-fiction. Il s'implique personnellement nous faisant entrer dans l'intimité de sa relation avec J-C Schreiber et nous le rend si sympathique qu'on aimerait avoir le privilège de partager cette amitié respectueuse entre les deux hommes.
Tout ça me donne le goût de m'attaquer à "Cette France qu'on oublie d'aimer", point de départ de cette rencontre entre Makine et Schreiber...
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Voici un récit écrit par un homme d'honneur pour un autre homme d'honneur.
La naissance de ce livre est émouvante. L'on se souvient du pamphlet écrit par Andreï Makine en 2006 (1), pamphlet qui avait suscité admiration mais aussi indignation d'une partie de l'intelligentsia germanopratine. Il était pourtant inscrit sur la quatrième de couverture : « Je n'écrirais pas ce livre si je ne croyais pas profondément à la vitalité de la France, à son avenir, à la capacité des Français de dire : « assez ! » ». Devant toutes ces critiques, l'écrivain s'était senti bien seul à l'époque.
Il se trouve qu'un vieil homme nommé Jean-Claude Servan-Schreiber a lu et aimé ce livre ; il l'a fait savoir à Andreï Makine par une lettre « qui ressemblait à une voix amicale qu'entendrait un homme cheminant au milieu d'un désert » (p.25).
Les deux hommes se rencontrent et deviennent amis car ils ont ce point commun qui est celui d'aimer la France dans ce qu'elle a de plus noble : son honneur, sa culture, sa langue …
Jean-Claude Servan-Schreiber, né en 1918, appartient à cette famille connue dans le monde des médias. Directeur général des Echos, il a également fondé la Régie Française de Publicité. Mais avant cette vie-là, il y eut une autre vie durant la deuxième guerre mondiale : entrée en Résistance, camp de concentration en Espagne, débarquement sur les côtes de Provence en août 1944 où il eut le grade de lieutenant dans la 1ère division blindée du maréchal de Lattre de Tassigny.
Fasciné par l'héroïsme de cet homme et son parcours, Andreï Makine lui suggère d'écrire ses Souvenirs. Cette proposition n'est pas advenue par hasard : « Un jour, on le sait, Jean-Claude s'était mis à énumérer ses camarades de régiment, présents sur une vieille photo. Une silhouette est restée innommée – un homme de grande taille, au sourire triste. « Attendez, son nom va me revenir. C'est un gars qui a été tué à Dunkerque. Il s'appelait … Ah ! ». L'idée du livre est venue de ce bref silence de la mémoire. le soldat, oublié sur un cliché de guerre, devait absolument retrouver son nom » (p.123).
Jean-Jacques Servan-Schreiber écrit ses Souvenirs (2), trouve un éditeur aidé par son ami mais ce livre rencontre « l'indifférence totale, plus efficace que la censure totalitaire » (p.16).
Fortement culpabilisé par cet échec, Andreï Makine décide d'écrire le pays du lieutenant Schreiber pour relater l'héroïsme de son ami et de leur rencontre à tous deux.
Car il s'agit d'une véritable rencontre, d'une entraide mutuelle. L'histoire du héros de la deuxième guerre mondiale sauvera Piotr, un ami d'Andreï Makine. Et ce dernier permettra le retour de la mémoire chez le vieil homme (aujourd'hui âgé de 95 ans) avec une transmission écrite pour les générations futures.
Ce livre relate l'histoire de Jean-Claude Servan-Schreiber mais également une amitié rare, transcendante, qui donne du sens à la vie.
On devine, par ses interventions toujours très fines, une grande intelligence et une sensibilité hors norme chez Andreï Makine.
Par ailleurs, sont évoqués la défectuosité de la parole, la nécessité de trouver une langue qui puisse dire l'ineffable, ces moments hors temps et hors espace qui font l'essentiel d'une vie, ces instants d'Alternaissance décrits dans l'oeuvre osmondienne (3), ce « théâtre d'ombres où les humains mettent en scène leurs vies » (p.84).


(1)Andreï Makine, Cette France qu'on oublie d'aimer, Ed. Flammarion Café Voltaire, 2006.
(2)Jean-Claude Servan-Schreiber, Tête haute, Souvenirs, Ed. Pygmalion, 2010
(3)Andreï Makine a écrit quatre romans sous le nom de Gabriel Osmonde

Lien : http://liresortiraparisetail..
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« Ce livre n'a d'autre but que d'aider la parole du lieutenant Schreiber à vaincre l'oubli. » A.Makine

À travers ce roman, c'est un double portrait que trace en réalité Andreï Makine, d'une part le portrait du lieutenant Schreiber, sa vie, son engagement et son amour pour la France mais aussi son caractère, sa façon d'être et de raconter cet engagement et cet amour. De l'autre, le portrait de cette France pour qui il a tout donné, mais qui ne le lui a pas toujours rendu : au retour de la guerre, c'est un soldat perdu qui ne reconnaît pas son pays, qui se sent exclu, de trop. Un pays qui n'entend pas, qui ne veut pas entendre le témoignage d'un soldat de cette drôle de guerre. Un pays qui ira jusqu'à ignorer cette voix qu'est celle du lieutenant Schreiber, laissant ses mémoires tomber aux oubliettes. Ce livre, c'est donc un moyen pour Makine de se racheter auprès du lieutenant Schreiber, Jean-Claude, à qui il avait si vivement suggéré de faire de son expérience un livre, le menant ainsi vers une déception, une désillusion de plus. Enfin, c'est aussi un moyen pour lui de porter le témoignage de Schreiber sur le devant de la scène, de « l'aider à vaincre l'oubli », de permettre à un personnage, un Homme qu'il admire d'accéder à la postérité, afin que les générations futures sachent ce qu'a été la vie d'un soldat français juif dans les années 40.

Et ce témoignage, Andreï Makine le porte avec son style, son écriture. Plusieurs fois primé, notamment par le Prix Goncourt pour le Testament français, Makine est dans ce roman encore, fidèle à lui même : une écriture classique qui sait toujours trouver le bon mot, la bonne tournure pour énoncer à la fois la beauté et la complexité du personnage, de la situation. On appréciera également ce jeu sur les répétitions qui permettent à la fois d'ancrer la mémoire du lieutenant Schreiber dans notre esprit, mais aussi de voir de nos yeux ce nonagénaire nous conter et reconter ses histoires, comme un grand-père le ferait avec ses petits-enfants. Enfin, l'écriture à la première personne nous permet d'embrasser à la fois le regard extérieur, critique et objectif de Makine ainsi que le jugement rétrospectif du principal intéressé. Une analyse double qui permet d'entrevoir le problème en long et en large et de pousser soi-même plus loin sa propre réflexion... et qui donne envie de lire ces mémoires dont personne n'a voulu !



Le livre est à conseiller, car court et savamment écrit, il n'en est pas moins dense et la réflexion qu'il fait naître se prolonge bien au-delà de la lecture...
Lien : http://liliavernalia.canalbl..
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