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Critique de ODP31


ODP31
20 septembre 2022
Un tortionnaire torturé.
Juste retour de bâton pour ce colonel qui excelle dans l'art de faire parler ceux qui n'ont rien à dire. Peu importe le régime en place, il met ses compétences macabres au service du pouvoir. Par temps de guerre, ses compétences sont recherchées. Il n'a pas suivi de cursus universitaire, pas de CAP de briseur d'os ou de BTS d'amputation. Il a appris sur le tas avec son CV de boucher. Un autodidacte qui a tellement fréquenté la mort durant sa carrière militaire que la souffrance des autres le laisse indifférent.
L'homme se décrit comme un simple exécutant, un artisan doué qui n'agit pas par conviction ou idéologie, qui ne fait qu'obéir aux ordres. Un alibi historique chez les criminels de guerre mais il ne trompe pas sa conscience. Ses victimes ont décidé de hanter ses nuits et de le rendre insomniaque. Les troubles du voisinage, il les a dans la tête. La revanche de ses « hommes-poissons » comme il les appelle.
Dans un pays sans nom et dans une ville sous la pluie, le court roman d'Emilienne Malfatto accompagne ce colonel dans son quotidien : auto, sale boulot, pas de dodo.
La romancière épargne au lecteur la description des sévices infligés aux ombres qui se succèdent dans la salle d'interrogatoire. de la pudeur dans l'horreur. le gore reste au garage. L'action est désincarnée, comme un cauchemar en tournage. Chaque phrase pèse une tonne d'émotions. Par contre, ne cherchez pas d'humour dans ce texte. le nez rouge, c'est un pif qui saigne.
Une ordonnance assiste aux interrogatoires du Colonel. Il n'intervient pas, condamne en silence mais ne dit rien pour préserver sa petite personne d'un engagement sur le terrain. Spectateur du premier rang, ne lui manque que le sac de pop-corn et les lunettes 3D. Insupportable de passivité.
Le troisième personnage de ce roman, c'est le Général, retiré dans son bureau et sombrant peu à peu dans la folie.
Photojournaliste, Emilienne Malfatto semble avoir écrit ce roman dans une certaine urgence comme si cette histoire lui brulait les doigts entre deux reportages. Un besoin de fiction pour évacuer certaines horreurs, rappeler que la guerre rend fou et tue les âmes autant que les corps. 120 pages, pas de superflu, la prose froide en surface, incandescente à l'intérieur.
Je ne peux pas dire que j'ai aimé ce roman car les personnages manquent du taux minimum d'humanité pour que l'on puisse s'intéresser à leur sort. Il n'existe pas de vitamines contre les carences du coeur.
Je suis resté trop spectateur du récit. Un spectateur impressionné par le style, sans doute. Un spectateur marqué par l'atmosphère, surement. Sensible à la poésie, tout autant. Mais il m'a manqué ces moments précieux où l'on s'oublie dans une lecture.
A croire que la froideur de l'histoire a aggravé ma presbytie.



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