Il arrive, plus souvent qu'on ne le pense, que des poètes d'égale stature aient en même temps ou à quelques années d'intervalle un même sujet de préoccupation et emploient des métaphores voisines pour le cerner. Leur dialogue, fût-il chronologiquement inversé, jette une vive lumière sur leurs ressemblances mais aussi leur spécificité.
Arthur Rimbaud ( mai 1872 )
" Elle est retrouvée. / Quoi ? - L'Eternité. / C'est la mer allée / Avec le soleil. "
Emily ( seconde moitié de 1863 )
" Comme si la Mer s'écartait / Pour révéler une Mer nouvelle - [...] et qu'Elles / Ne fussent que prémisses -
De cycles de Mers - / De Rivages ignorées - / Elles-mêmes Orées de Mers futures - / Telle est - l'Eternité - "
Ce duo par métaphore interposée, ces voix entrecroisées, expriment quelque chose de plus que chacune d'elles prise à part, quelque chose d'assez semblable malgré l'apparente différence.
Qui mieux qu'un poète connaît la valeur du silence d'où les paroles naissent et où elles retournent, où les paroles se fondent comme dans le blanc toutes les couleurs ?
Emily a écrit 1789 poèmes en trente ans d'activité, dont la moitié environ en moins de dix ans.
Elle a rassemblé plus de 800 de ces poèmes dans 40 Cahiers en six ans, de 1858 à 1865, avec une interruption d'un an en 1860. La production atteint un point culminant en 1863 : près d'un poème par jour, composé ou transcrit dans les Cahiers. [...]
Emily n'a rien publié de son vivant.
"Chaque être spirituel se construit une demeure, au-delà de sa demeure, un monde, et au-delà de son monde, un ciel"
R.W. Emerson