PLAIN-CHANT DE GUERRE
Si l'horizon est rouge on pense à sa bannière,
striée d'éclairs, et de triomphes, et de menaces
La pluie piétine la mer, trépigne sur place,
pour qu'une armée avance avec ses souffles d'ombres.
Vois-tu l'aube sanglée de noir, la délivrante,
qui marche en tête, et se contente d'effacer ?
La fraîcheur de l'abîme alors te désencombre,
quand le sang sur la pierre est couleur de rosée.
Il t'appartient de reconnaître l'Adversaire,
de le désarmer (la horde entière), et d'étreindre
ce tumulte de silence sorti du nombre.
Celui qui ne peut être vaincu sait les feintes
de la nuit. Il est nu dans l'amoureuse attente.
Nul visage, mais une bouche et son baiser.
L'ENGLOBANT
L'ovale d'une bouche dégorgeant l'esprit
scelle et consacre le visage en proie au dieu,
quand la forme du silence a gagné les yeux
et porté le poème au-delà de son cri,
là où commence à s'élargir un ciel nouveau,
façonnant le corps insaisissable du monde,
dans un langage où parle celui qui le fonde,
sans forme, sans visage, sans monde, sans mots.
(p.58)