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Citations sur Le bruit du temps (17)

Musique à Pavlovsk
Je me souviens bien des années sourdes de la Russie-les années quatre-vingt-dix au lent mouvement rampant, au calme maladif, au provincialisme profond-une anse d'eau stagnante, silencieuse : le dernier refuge du siècle mourant. Pendant le thé du matin, les conversations au sujet de Dreyfus, les noms des colonels Esterhazy et Picquart, les discussions embrumées autour d'un certaine "Sonate à Kreutzer" et, chose qui me faisait penser à un changement de dynastie, la succession des chefs d'orchestre au pupitre réhaussé, sous la verrière de la gare de Pavlosk. Vendeurs de journaux dans leur recoin, massives et statiques excroissances du trottoir, qui ne crient pas, ne bougent pas ; étroites calèches avec leur petit banc escamotable pour une tierce personne : détail après détail, je me représente ces années quatre-vingt-dix comme une suite de tableaux intérieurement liés par une médiocrité discrète, par une provincialité morbide et condamnée : les fragments d'une vie en train de mourir.
(incipit)
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La bibliothèque de la prime enfance est un compagnon de route pour la vie entière. La disposition des étagères, les collections d’ouvrage, la couleur des dos, on les perçoit comme la teinte, la hauteur et la structure même de la littérature universelle. Si bien que les volumes absents de la première bibliothèque n’alimenteront jamais ce vaste édifice livresque où se reflète l’image du mode. Là, qu’on le veuille ou non, chaque œuvre est classique, et aucun dos de livre n’en peut être soustrait
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En me privant des mers, de l'élan, de l'envol,
Pour donner à mon pied l'appui forcé du sol :
Quel brillant résultat avez-vous obtenu ?
Vous ne m'avez pas pris ces lèvres qui remuent !
(Préface p 8)
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Hargne littéraire ! Sans toi, avec quoi aurais-je mangé le sel de la terre ?

Tu es l’assaisonnement du pain fade de l’entendement, tu es la conscience joyeuse de l’erreur, tu es le sel de conspiration, transmis d’une décennie à l’autre avec un salut caustique, dans une salière à facettes, avec l’essuie-mains rituel ! Voilà pourquoi j’aime tant éteindre le feu de la littérature avec le froid et les étoiles piquantes. Fera-t-elle crisser la neige ? S’égaiera-t-elle dans la rue Nekrassov glacée ? Si elle est authentique, alors oui.

Au lieu des visages vivants, se souvenir des moulages des voix. Devenir aveugle. Toucher et reconnaître par l’ouïe. Triste sort ! C’est ainsi qu’on entre dans le présent, dans l’actualité, comme dans le lit d’une rivière tarie.

Et pourtant ce n’étaient pas des amis, des proches, c’étaient des étrangers, des gens lointains ! Malgré tout, seuls des masques de voix étrangères décorent les murs vides de la demeure. Se souvenir, c’est remonter tout seul le lit d’une rivière tarie !
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Je désire non point parler de moi, mais épier le siècle, le bruit et la germination du temps. Ma mémoire est hostile à tout ce qui est personnel. Si cela dépendait de moi, je ne ferais que grimace au souvenir du passé […]. Ma mémoire est non pas d’amour, mais d’hostilité, et elle travaille non à reproduire mais à écarter le passé […].
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Se souvenir, c'est remonter tout seul le lit d'une rivière tarie !
P 105
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Rage littéraire! Si tu n'existais pas, avec quoi d'autre aurais-je pu te manger, sel de la terre ? Tu sers d'assaisonnement au pain insipide de l'intellection, tu es la joyeuse conscience de l'injustice, un sel de conspiration qu'on se transmet de décennie en décennie, avec des courbettes de vipère, dans une salière en verre taillé présentée sur une serviette!
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La révolution est elle-même et vie et mort et elle ne peut souffrir qu’on potine devant elle sur la vie et sur la mort. Sa gorge est desséchée par la soif, mais elle n’acceptera pas une seule goutte d’eau de mains étrangères. La nature, ou la révolution, est une soif éternelle, un embrasement (peut-être envie-t-elle les siècles qui, humblement, simplement, étanchaient leur soif en se dirigeant vers l’abreuvoir des brebis. Pour la révolution, cette crainte, cette peur de recevoir quelque chose de mains étrangères est caractéristique, elle n’ose pas, elle craint de s’approcher des sources de l’être).

Mais qu’ont fait pour elle, ces « sources de l’être » ? Avec quelle indifférence ont coulé leurs vagues rondes ! Elles ont coulé pour elles-mêmes, elles se sont réunies en torrents pour elles-mêmes, elles ont jailli en source pour elles-mêmes ! (« Pour moi, pour moi, pour moi », dit la révolution. « Tout seul, tout seul, tout seul » répond le monde).
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Le parler du père et le parler de la mère - n'est-ce pas de leur fusion que se nourrit le nôtre tout au long de la vie, à eux qu'il doit son caractère ?
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Oui, j'entendais, avec la finesse d'une ouïe tendue par la batteuse lointaine dans la campagne, gonfler et s'alourdir non point l'orge dans les épis, non point la pomme du Nord, mais le monde, le monde capitaliste gonfler pour tomber !
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