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Critique de Sarindar


Ce long séjour au Sanatorium Berghof, à Davos, de Hans Castorp, héros principal de la Montagne Magique de Thomas Mann, roman qui fait comme une arche dans sa rédaction au-dessus de la Première Guerre mondiale, n'est-il marqué que par la réflexion de l'auteur sur la dilatation du temps en période et milieu de cure, où l'on se trouve tout à coup enfermé dans un espace confiné où l'air est si pur, au milieu de gens avec lesquels on finit par nouer de forts liens dus à la proximité, ou bien une autre façon de décliner le thème de la fin d'une époque, complémentaire au premier grand roman-fleuve de l'auteur, les Buddenbrook, avec sa description du déclin d'une grande famille bourgeoise comme le fut justement celle du père de Mann ?

Ici, pas d'échappatoire possible : êtes-vous bien portant et juste de passage, on vous trouve rapidement une pathologie dont vous ignoriez jusqu'ici l'existence ; Castorp qui ne devait faire ici qu'un court séjour pour voir son cousin, Joachim Ziemssen, se trouve lui-même rapidement absorbé par l'atmosphère qui règne dans le petit univers des "gens d'en haut" et happé par ce petit milieu où tout le monde connaît tout le monde, les travers, habitudes de vie et de pensée de chacun des patients ou des soignants.
Il plaît à Mann de recevoir le phénomène de radiographie comme un révélateur des maux dissimulés du corps comme la psychanalyse révèle les tendances lourdes et les caractéristiques d'une psychologie, dans le prolongement des romans d'analyse. Est-ce que l'on peut aussi décrypter la puissance du choc de l'amour devenu perceptible jusque dans les formes du corps de l'aimée observé cliniquement et découvert avec la force d'une apparition quand surgit dans le décor le personnage fascinant de Clawdia Chauchat, compagne de Peeperkorn, homme étrange et parfois inquiétant, tout autant que le sont le franc-maçon italien Settembrini et le jésuite coupeur de cheveux en quatre Naphta, qui ne craignent pas de se lancer le défi d'un duel ridicule où l'on voit passer l'ombre d'un Pouchkine, comme le point d'orgue d'une longue dispute d'intellectuels convaincus chacun de son côté d'avoir absolument raison.
C'est à cela, à ces jeux innocents que s'occupent des gens qui vivent là-haut les derniers instants d'une paix rendue précaire et compromise par le comportement suicidaire des sociétés occidentales, en bas dans la vallée.
Il faudra donc, pour Castorp quitter les cimes et le havre de paix illusoire des sommets pour rejoindre les rangs des hommes qui vont bientôt s'affronter au milieu de l'horrible dédale des tranchées, dans l'exposition aux terribles effets du gaz moutarde.

François Sarindar, auteur de : Lawrence d'Arabie. Thomas Edward, cet inconnu (2010)
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