Citations sur La fille pas sympa (33)
Puisque je ne peux pas changer qui je suis, il me faut changer mon quotidien.
"Tu ne fais aucun effort" est la phrase que l'on m'a le plus répétée au cours de mon existence. Je pense que ce livre prouve largement le contraire. A votre tour, les non-autistes et les institutions, de faire des efforts. Et de nous le prouver.
Que nul ne s'y méprenne : ceci n'est pas le récit d'une autiste exceptionnelle qui, grâce à des aptitudes hors du commun, aurait réussi à vaincre les obstacles dressés sur son chemin. Ce qui est exceptionnel et hors du commun, ce sont les gens qui m'ont acceptée telle que j'étais, ceux qui m'ont aidée, ceux qui m'ont aimée. Ce qui est exceptionnel, c'est le système de solidarité sociale qui existe encore en France et qui, aujourd'hui, est attaqué de partout. On entend parler "d'assistanat", on stigmatise les personnes qui se retrouvent abandonnées sur le bas-côté, comme s'il s'agissait de leur choix de vie.
Toutes mes journées estivales se répétaient exactement de la même manière, programmées à la minute près, et je me réveillais chaque matin remplie d'une joie difficile à contenir en sachant qu'une autre journée identique m'attendait. Elles étaient identiques uniquement en apparence, car chaque nouveau livre m'apportait des frissons et des nouveaux questionnements. Je vivais intensément à l'intérieur et platement à l'extérieur.
On dit souvent que l'autisme est un handicap "invisible" ; il l'est car, depuis notre enfance, nous nous efforçons de nous fondre dans la masse, mais il y a toujours des moments maudits où notre différence devient visible, agaçante et motif d'exclusion - mais pour de mauvaises raisons. En de telles occasions où j'étais poussée à bout, je me sentais vulnérable et exposée, ne pouvant m'empêcher de redouter les répercussions de cette visibilité soudaine.
Oui, nous les autistes pouvons être menteurs, manipulateurs et méchants, car nous ne sommes pas les grands enfants un peu maladroits que vous voulez voir en nous. Nous sommes avant tout humains. Et non, nous ne sommes pas non plus tous des génies, et nous n'avons pas à être vos petits singes savants pour avoir le droit d'exister, merci beaucoup.
Je me souvenais encore avec angoisse de ce qui était arrivé lors de ma formation théorique : alors que nous étudiions les besoins de l'enfant, j'avais été frappée de constater à quel point je m'identifiais aux enfants âgés de 3 à 6 ans. La formatrice les décrivait comme étant autocentrés, ne sachant pas jouer en collectif, ayant besoin de repères stables aussi bien dans le temps que dans l'espace, facilement paniqués par les bruits et par le trop plein de monde, et s'attachant avec une ferveur excessive à ce qui leur était familier. J'avais ressenti un n profond malaise en l'entendant blaguer à leur sujet, car j'en avais l'assurance intime : je n'avais jamais dépassé ce stade de l'enfance ; j'y étais restée coincée. (p.243)
En France, j'ai toujours été surprise de constater que l'on parquait les enfants en situation de handicap dans des institutions spécialisées, sans qu'ils puissent jamais cohabiter avec les enfants valide de leur âge. Tout au long de ma scolarité primaire en Espagne, j'ai été assise dans la même classe que des enfants en fauteuil roulant ou ayant le syndrome de Down. Cela faisait partie du quotidien et n'avait rien d'exceptionnel.
Car oui, comme beaucoup d'enfants, j'avais des amis imaginaires qui incarnaient des rôles dans chacun de mes scénarios mieux que ne l'auraient fait des amis réels. J'avais à ma disposition ma sœur et une ribambelle d'enfants avides de jeux, mais je trouvais mes personnages imaginaires bien plus faciles à vivre. Nous n'étions pas toujours d'accord, mais, au moins, ils étaient bien moins turbulents.
Incapable d'exprimer verbalement le malaise que j'éprouvais de façon constante, je me mis, à mon tour, à composer des poèmes. Il me suffisait d'écrire pour que la tristesse, la colère et le désarroi s'envolent. Je me retrouvais apaisée et soulagée par la magie des mots.