« Je me suis suicidé il y a seize ans ». Voici les premiers mots de ce roman. Intriguant, non ? J'ai accroché immédiatement. L'idée d'un décalage temporel, d'une machination, j'aime.
Corman raconte dans une longue lettre envoyée à son pire ennemi, Delmar, les seize années qu'il a imaginées pour lui avant son suicide. Ou plutôt après son suicide. Euh je crois que ce n'est peut-être pas très clair... Bref, « une sensation terrible, inexplicable à ce moment-là et dont je vais vous révéler l'origine », voilà qui est mieux dit.
Un plan machiavélique, réglé au millimètre pour que Delmar revoie ses dernières années sous un autre angle en découvrant cette lettre. « Delmar sentit avec horreur qu'il se reflétait dans un miroir maléfique. » Il y a cette sensation étrange non seulement de lire sa vie, mais en plus de s'apercevoir qu'elle a été écrite par un autre. « Delmar, mon bouffon... »
C'est là que j'ai dérapé un peu, juste un peu. Il est des rebondissements tellement énormes que parfois j'ai regretté que l'auteur s'engouffre dans cette voie. Comme
Fernando Marias le dit « les grandes idées sont dans le fond les plus simples ».
Mais reste malgré tout que j'ai plongé ! Ça a fonctionné. Sans doute parce que ce roman est très court, cela a l'avantage de pouvoir maintenir cette folie crescendo... et « la réalité s'est tortillée comme une vipère sur le point de mordre et (...) la nuit s'est mise à vibrer dans un bras de fer avec la folie » et je me suis régalée. « Cette fois le Pire allait prendre un raccourci. » J'ai lu ce livre comme une plongée en apnée dans la folie, et c'est ce qui m'a bien plu. Une folie double, celle de l'auteur de la lettre et celle de son lecteur.