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Citations sur Le vol de l'aigle (3)

Joan avait proposé à Jérôme de faire route avec lui, et donc avec les deux autres et l'âne, cet animal pour lequel, en bon amuseur qu'il était, il avait conçu aussitôt compréhension et affection... Le pire, c'est que cela semblait être réciproque: malgré quelques lourdes plaisanteries et des tapes appuyées sur l'arrière-train, Morel n'avait toujours pas aplati le jongleur contre un mur.

Dominique, de son côté, avait pleuré et couiné tant de "aïe" déchirants que le Lombard, lui aussi en route pour Oloron, l'avait autorisé à user de l'une de ses mules. A l'étape de la veille, peu après la cité de Pau, le geignard n'avait donc pas trop gémi, en tous cas, il n'avait pas fait le siège des pèlerins et de leur âne, se contentant de ne point s'éloigner du marchand. Jérôme, pendant ce temps, creusait son idée de l'avant-veille, car le Lombard n'allait point en Espagne et il devait demeurer plusieurs journées à Oloron. C'était ce qu'il avait annoncé. En clair, cela signifiait que Dominique se remettrait en quête d'un moyen de transport moins pénible pour ses jambes dès le lendemain. Il faudrait être prêt à le satisfaire enfin. A cette seule pensée, un petit ricanement perfide échappa à Jérôme, mais pas à Joan:

"A quoi penses-tu ?" demanda ce dernier.

Jérôme regarda son nouveau compagnon et lui sourit avec amabilité.

"A mon égoïsme", répondit-il.
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[...] ... Morel était un âne. Et même l'Ane, le vrai, à quatre pattes et aux deux longues oreilles dont l'une, à la première contrariété - et il n'en manquait point - se couchait à l'horizontale, sur le côté. Morel était assez grand pour sa race, solide et d'un beau pelage gris clair. N'eussent été un caractère ombrageux, un goût prononcé pour le caprice et un penchant affirmé pour la fainéantise, l'animal se serait avéré un excellent compagnon de travail. Seulement, si les hommes se forçaient le plus souvent à l'oublier, lui, semblait-il, se souvenait fort bien que ce vilain mot de travail venait du trepalium des Romains, autrement dit signifiait instrument de torture ! De ce fait, il était difficile d'obtenir de lui qu'il participât à un quelconque ouvrage pénible. L'abbé se lamentait parfois parce que la plupart des moines refusaient de travailler avec l'âne. C'était inexact et injuste : l'âne refusait de travailler avec les moines, voilà qui était la vérité nue. Alors, à plusieurs reprises, et puisque nul ne se dévouait pour occire l'inutile bourricot, on avait essayé de le vendre - l'idée était, bien entendu, de frère Thomas - puis carrément de le donner. Mais chaque fois, le chaland, ou l'heureux bénéficiaire du don, ramenait le bestiau après avoir, selon les cas, reçu une bonne ruade, s'être brisé les reins à le tirer ou à le pousser, ou s'être rendu aphone à force de hurler ordres et insultes aussi efficaces qu'une gifle à un mort pour le réveiller. Donc, lorsqu'on croyait enfin s'en être débarrassé, Morel revenait, l'oeil toujours plus orgueilleux, inquiets de rejoindre au plus vite l'écurie pour y engloutir autant d'avoine qu'il pouvait en contenir. ... [...]
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[...] ... Frère Anselme, à temps perdu, avait sculpté dans une grosse racine de chêne une étrange silhouette d'aigle. Pour tout dire, le résultat était assez laid, mais l'herboriste était si fier de lui que nul ne se serait avisé de faire la fine bouche devant son oeuvre. Puis il avait fixé ce qui restait à tout prendre un simple morceau de bois au sommet d'une haute croix. L'ensemble, pensait-il, serait du meilleur effet sur la colline, à l'endroit précis où s'était produit le miracle - dont lui non plus ne doutait plus guère, sa capacité à s'auto-convaincre dépassant de très loin sa faculté de réfléchir.

Depuis l'esplanade de l'abbaye, il regardait la colline, sa croix tenue debout près de lui ... A peine l'office de vêpres terminé, en effet, il s'était empressé d'aller chercher l'ouvrage hasardeux, néanmoins considéré comme achevé et présentable. L'assemblée des moines, sortie de l'église, se tenait en rangs serrés derrière lui, à distance respectueuse, et ce désordre soudain ne manqua point d'attirer l'attention de l'abbé. Qui vint aux nouvelles, un oeil inquiet sur ce qui faisait songer assez vaguement à un aigle, et demanda :

- "Où avez-vous trouvé ça ?"

La question ainsi posée, sincère et curieuse, quelque peu méprisante aussi, en aurait offensé plus d'un. Point Anselme. "C'est moi qui l'ai fait !" dit-il, étonné qu'on pût en douter.

Du coup, l'abbé se sentit obligé de mieux regarder la chose.

- "Ah !" fit-il enfin, persuadé d'avoir compris. "Cela sera utile, sans doute, et fort efficace ... Toutefois, je ne trouve point de très bon goût d'avoir usé d'une croix, la croix de Notre-Seigneur, pour fabriquer un épouvantail à pigeons, si redoutable dût-il s'avérer pour cette engeance maudite !" ... [...]
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