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Critique de kikenbook


Autant le dire tout de suite, résumer une enquête de près de 5 ans aboutissant à un document de 960 pages est mission impossible. Aussi je ne vais pas m'évertuer à en dire le plus possible pour montrer à quel point Frederic Martel m'a embarqué.
Sodoma n'est ni un brûlot contre l'Eglise, ni un livre militant pro-LGBT. C'est même peut-être tout le contraire. Il ne s'agit pas ici d'attaquer des croyances, mais plutôt l'hypocrisie d'un milieu homosexuel particulier, celui du clergé catholique. Soit, apprendre qu'il y a des ecclésiastiques homosexuels n'est pas la surprise du siècle mais découvrir l'ampleur de ce qui se trame dans les coulisses du Vatican m'a littéralement scotché.
Amis qui ouvrez ce pavé, prenez garde, vous vous apprêtez à entrer dans une série de guerres intestines que se livrent avec acharnement différents clans gays au sein de l'Eglise Catholique.
Construite en quatre parties s'attardant chacune sur une époque pontificale (François, Paul, Jean-Paul et Benoît), l'enquête de Frédéric Martel est une plongée extrêmement documentée dans la schizophrénie vaticane, grande adepte du « faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais ». Ici, plus un prélat inonde foules et médias de toute sa hargne contre ces dangereux homos dont les pratiques ou les unions ne sont que péchés et perversions, plus il y a de chance que dans le secret des alcôves catholiques, il inonde quelques torses virils de ses immaculées projections ou au moins qu'il en est le si puissant (et parfois détesté) désir qu'à défaut de décharger ses pulsions sexuelles auprès du nombre phénoménal de jeunes migrants prostitués qui sillonnent les rues adjacentes au Vatican, il décharge toute sa haine sur ces homos qui assument et pratiquent leur sexualité au grand jour. Quel meilleur moyen pour cacher cette homosexualité qui suinte des pores de l'Eglise que de clamer haut et fort qu'elle est une abomination ?
Le raisonnement pourrait paraître simpliste mais les langues qui se délient et les documents découverts sont révélateurs. Oui, il y a historiquement beaucoup d'homos au séminaire : il y a quelques dizaines d'années, en Italie et ailleurs, être homosexuel était, dans l'interprétation traditionnelle des Saintes Ecritures, péché, alors se découvrir gay était se confronter à une famille qui vous imaginait déjà mari et père et vous rejetterait si elle découvrait que vous préfériez les sucettes à l'Annie. le seul moyen d'échapper à la vindicte familiale était d'entrer au séminaire, de se retrouver dans ce milieu d'hommes dans lequel on ne vous reprocherait ni votre célibat, ni votre désintérêt pour la gent féminine. Mais il fallait, hors des murs, conserver le secret de ces attirances, de ces élans du coeur. Et c'est ce culte du secret qui ronge l'Eglise depuis si longtemps.
Les Papes n'ont jamais fait le distingo entre tout ce que l'Eglise considère comme péchés, d'un côté les relations sexuelles entre adultes consentants (légales) et de l'autre les relations avec mineurs ou sous la contrainte de l'autorité (pédophilie, viol de séminariste… évidemment illégales). A force de tout mettre dans le même panier pour le recouvrir du voile opaque du secret, l'Eglise a créé ses propres amalgames et n'arrivent plus à s'en dépêtrer. Il faut tout cacher, de peur que soulever un coin du voile ne dévoile tout le contenu du panier.
Et tout cela n'est qu'une petite part de l'enquête. On découvrira les fouilles archéologiques de la Sodome Biblique et l'analyse du texte qui n'a en réalité jamais condamné l'homosexualité ; on verra que les plus ouverts sur l'homosexualité sont souvent les plus hétéros ; on sera effaré devant les relations particulières de certains prélats haut placés au Vatican avec Pinochet, devant l'aveuglement de Jean-Paul II, qui obsédé par sa lutte contre le communisme, couvrira les horreurs commises par le Père Marcial Maciel ou écoutera ses conseillers en faisant campagne contre le préservatif, permettant ainsi au VIH de faire des millions de morts partout dans le monde et surtout en Afrique ; on ne sera guère étonné de réaliser que c'est dans l'Evêché de Lyon et de son Barbarin que sont nées les premières idées de manifestations contre le mariage pour tous. Tout cela est tellement d'autres choses encore...
J'en dis déjà trop, j'avais dit que j'en dirai peu. On l'a compris, l'ouvrage, qui ne donne qu'une des clés pour mieux comprendre ce qui se passe dans les coulisses du pouvoir vaticanais, est long, certes, mais passionnant, étayé, bien écrit et surtout jamais dans le jugement. le journaliste livre des faits, rien que des faits en faisant entendre les voix de ses témoins dont la grande diversité apporte les nuances. L'Eglise n'a jamais attaqué ce qui y est écrit, le pape François a dit, après l'avoir lu qu'il « savait tout ça ».
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