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sur 151 notes
Je n'aime pas me cantonner au seul roman, premier, second ou multiple, français ou pas ; je n'aime pas être rangée dans une petite boite, lire comme tout le monde, ce que tout le monde lit. Et parfois, j'aime bien sortir vraiment des rails, et m'engager sur un terrain qui pourrait s'avérer glissant voire polémique.
Cet essai sur l'homosexualité au Vatican en avait tous les ingrédients. A l'inverse ce fut un ouvrage dénué de jugement, sans effet racoleur, teinté d'humour, parfois, mais surtout très éclairant sur un phénomène qui au fond ne m'a guère surprise sur le fond, mais effarée sur son ampleur annoncée par son auteur.

Pourquoi me direz-vous consacrer plus de 600 pages à l'homosexualité au Vatican, et plus généralement au sein de l'Eglise catholique ? Après tout, chacun est bien libre de faire ce qu'il veut de ses fesses, entre adultes consentants ; ce qui se passe sous la soutane ne nous regarde pas. Sauf que la sexualité est depuis 50 ans une obsession de l'Eglise catholique, qui n'a de cesse de nous prescrire ceci ou cela, nous interdire tel ou tel comportement, et nous promettre les enfers dans certains cas. Charité bien ordonnée commence par soi- même… Dans ce domaine, l'hypocrisie règne en maître.

« Plus un prélat est homophobe, plus il a de chance d'être lui-même homosexuel. Ces conservateurs, ces « tradi », ces « dubia » sont bien les fameux « rigides qui mènent une double vie » dont parle si souvent François. »

Dans cette grande enquête menée sur tous les continents et s'appuyant sur de nombreuses ressources et d'innombrables entretiens, Frédéric Martel a cherché à comprendre « la psychologie collective et l'homosociabilité généralisée », et à expliquer les comportements, les discours homophobes , l'hystérie autour de l'usage du préservatif en pleine pandémie de Sida, les « affaires » qui ont éclaboussé l'Institution, jusqu'à la démission surprise de Ratzinger et la prise de conscience du Pape François qui n'a pas les coudées franches pour réformer, si ce n'est un peu, les choses.

Martel avance également une des raisons de la baisse des vocations sacerdotales que l'on observe depuis les années70. Avant la libération sexuelle, un adolescent gay ou qui doutait s'engageait dans le sacerdoce ; de paria dans la société civile, il devenait initié dans l'Eglise. Tout était caché, restait « à l'intérieur de la paroisse » ,la question de a chasteté vis-à-vis des femmes ne se posait ainsi pas !Le tout était de rester dans » le placard », pourvu que l'on soit discret, et l'homosexualité si décriée au dehors était tolérée voir mise en valeur quand il s'agissait de promotion au sein de la hiérarchie.

Martel ne dénonce en rien le fait d'être ou pas homosexuel, mais l'hypocrisie qui règne à son sujet, et à propos de ses dérives de la part de certains prélats qui se sont révélés être ou supposés être de véritables prédateurs sexuels, et/ou à propos de ceux qui ont fermé les yeux en raison de leur propre homosexualité de peur que celle- ci soit révélée.

« En stigmatisant les homosexuels en Afrique, l'Eglise les contraint à se cacher. Ils se réfugient dans les séminaires pour se protéger et ne pas avoir à se marier. »

« L'homosexualité fut l'un des ressorts de ma vocation. le sacerdoce célibataire est un problème pour un prêtre hétérosexuel ; c'était une aubaine pour le jeune gay que j'étais. C'était une libération. » Parole de prêtre italien.

Cet essai est judicieusement construit. D'abord, il traite du pontificat actuel sous la forme d'un état des lieux, et en dressant une sorte de feuille de route pour le pape François. Puis, il reprend successivement et chronologiquement les trois avant -derniers pontificats (à savoir ceux de Paul VI, Jean-Paul II (le pire selon l'auteur) et Benoît XVI plus mystique d'administrateur et vite dépassé par les évènements) en expliquant comment s'est installé le double langage et le durcissement de la morale sexuelle dans l'Eglise en même temps que s'installaient les affaires, les prélats et autres dignitaires dans une sorte de bulle d'impunité.

De tout cela, on constate la grande misère affective du clergé catholique, sa solitude ; Et parce qu'un homme reste un homme, avec ses sentiments, ses désirs, son corps, et que l'institution s'arque boute sur des principes d'un autre âge, une morale archaïque, on en arrive à des situations invraisemblables, des comportements abjectes. Cette morale d'un autre temps éloigne l'institution des fidèles.

Il y aurait tant à dire sur ce livre qui m'a passionné d'un bout à l'autre. le travail de l'auteur est remarquable, fouillé, précis, abondamment documenté.

Je laisse l'auteur conclure en l'approuvant mille fois…

« Et même si personne n'ose encore l'avouer publiquement dans l'Eglise, tout le monde sait qu'on ne pourra pas mettre fin aux abus sexuels des prêtres tant qu'on n'abolira pas le célibat, tant que l'homosexualité ne sera pas reconnue dans l'Eglise pour permettre aux prêtres de dénoncer les abus, et tant que les femmes ne seront pas ordonnées. »

Lien : https://leblogdemimipinson.b..
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"Secret", "secrets", "le secret le mieux gardé du Vatican", "obscur", "inexploré", "la face sombre des nuits sombres", "interdite", "au coeur du Vatican", "la nuit", "des organisations", "des réseaux", "clandestins", "les clefs pour comprendre"... blablabla. Rien à f* du Vatican dont je ne pense aucun bien personnellement, mais je constate que la gauche fait du conspirationnisme décomplexé à fond les ballons. Ce qu'elle reproche à "l'extrême droite", en fait... ce n'est pas vraiment le conspirationnisme en soi; c'est plutôt d'empiéter sur son monopole. Et puis, quel scoop, cette histoire d'homosexualité au Vatican! Il y a beaucoup de pékins à être restés enfermés dans un placard pendant 55 ans et à ignorer qu'un pape nommé Paul VI a été élu en 1963? Enfin, c'est marrant cet acharnement contre les catholiques seuls... Je note que les cibles autorisées - voire obligatoires - sont étroitement sélectionnées par les médias en 2019: les "mâles blancs", les "catholiques", etc. Tout le reste, pas touche! Un livre médiocre qui s'adresse à la paresse intellectuelle et au ronronnement du politiquement correct. J'ajoute que je trouve la couverture ignoble. Ignoble. On n'imagine pas le scandale public, avec l'équivalent, s'il s'était agi d'une autre religion...
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On ne peut qu'admirer la richesse et la profondeur de cette enquête tragiquement sidérante, qui permet de comprendre bien des énigmes vaticanes, fournissant « la » clé de lecture indispensable. Il est important que les catholiques la lisent sans préjugés, car comprendre ce qui y est décrit est la seule chance pour cette religion de se sauver et de perdurer. On peut regretter – mais ce sont des détails – les multiples et inutiles anglicismes, une certaine auto-complaisance et des redites et des décalages sans doute dus au fait que les chapitres n'ont pas été écrits dans l'ordre de leur lecture. Un ouvrage impressionnant et capital.
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Ce livre était à écrire. Frédéric Martel l'a fait.
Fruit de quatre années d'enquêtes, d'interviews, d'études, ce livre présente sans jugements ni à-prioris les faits, rien que les faits.
Résultats de ceux qui ont accepté de parler, ceux qui ont osé dire et ceux qui, par leur silence, n'en n'ont pas moins exprimé.
Aucune concession, aucune hypocrisie dans ce qui nous est révélé : la réalité certes brutale mais ô combien nécessaire.
Les clans homosexuels (et non le « lobby ») sortent des pénombres vaticanesques et l'homosexualité assumée ou pas, pratiquante ou pas, en « amour d'amitié » ou plus se révèle à travers pays, diocèse, simple curie…
Que les choses soient claires et répétées, il s'agit ici d'homosexualité et non de pédophilie : confusion parfois entretenue par certains protagonistes et non des moindres. Le scandale de la pédophilie est évoqué et malheureusement y sont montrées les dérives du sacro-saint silence et de la protection des coupables jusqu'à Benoît XVI, allant jusqu'à oublier les victimes.
Le propos du livre dénonce l'hypocrisie entourant cette homosexualité non assumée à l'extérieur, allant jusqu'à la condamnation violente tout en étant (souvent) vécue et/ou pratiquée (parfois jusqu'à l'excès) derrière les murs du Saint-Siège ou dans les quartiers, bars, hôtels et autres lieux de la prostitution. Un schéma presqu'identique se retrouve dans beaucoup de grandes villes des pays évoqués dont l'Amérique latine constitue le fleuron.
Les nombreux motifs qui tentent de justifier ce refus de la vérité sont développés : hiérarchie, jalousie, argent, peur de s'assumer, etc…
Se dressent rivalités, magouilles, injustices, mépris, compétitions qui transparaissent dans les témoignages et la logorrhée de certains cardinaux, évêques, nonces, monsignori, prêtres… qui contribuent à ternir l'image sacrée maintenue à regret depuis des siècles.
Protections liées parfois à la politique, souvent à l'argent (luxe effréné), guerres entre clans homosexuels, caricatures (ex. la capa magna du cardinal Burke), manipulations et j'en passe sont le lot de ce monde cloisonné dont on ne peut que se réjouir de son éclatement.
Un fil rouge dans ce livre, celui du « Poète », Arthur Rimbaud, l' « extra-lucide »dont les citations montrent à quel point, plus d'un siècle plus tard, la difficulté de révéler et de mettre à mal ce système qui brisa tant d'existences est difficile.
Un livre qui permet de comprendre les positions, les déclarations alambiquées de l'église catholique.
Un livre qui peut déranger car il rappelle que :

1. le pis est non seulement l'hypocrisie mais aussi le combat que ces religieux mènent contre ce qu'ils sont et les interdictions et condamnations qui en découlent.
2. ce combat de façade contre l'homosexualité masque la lutte contre la pédophilie avec une évolution positive depuis l'arrivée de François.
3. le refus de reconnaître l'évolution de la société (famille recomposée, mariage des prêtres, ordination des femmes, contraception…)

Une des conséquences est que l'église catholique en perte de vitesse depuis quelques décennies continue de perdre du crédit (il suffit de voir les derniers scandales depuis la parution du livre pourtant récent) et comme dit l'auteur, bien des choses restent à écrire !!!
Tous ces problèmes conduisent à des problèmes de corruption (politique, financière…) et aboutissent à un affaiblissement de la croyance pratiquante en cette église.
Ce livre me renforce dans l'idée qu'il m'est difficile d'accepter qu'un poids culpabilisateur puisse encore peser sur la conduite morale à adopter.
Que ce livre soit un révélateur, une prise de conscience, une réflexion donnant lieu à une « parole habitée » et Frédéric Martel aura gagné la récompense suprême de ces années de recherches sociologiques intenses.




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629 pages de verbiage et de digressions pour n'apprendre que très peu par rapport à ce que l'on sait déjà. Comme pour Orpea, il faut quand même dire que ces ouvrages ne doivent leur existence que de par la stricte volonté des structures qu'ils sont supposés salir. le pape actuel n'est-il pas en train de vouloir autoriser le mariage des prêtres, de vouloir permettre l'union de couples homosexuels? Quant à Orpéa qui vu des maltraitances et qui dit qu'il n'y en a plus? Par contre l'action a plus de 100 euros ne vaut plus que 0,30 euro aujourd'hui. Pour qu'il y ait des gagnants, il faut des perdants. (simple opinion) A quand un livre sur les dérives de l'Islam????????
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Autant le dire tout de suite, résumer une enquête de près de 5 ans aboutissant à un document de 960 pages est mission impossible. Aussi je ne vais pas m'évertuer à en dire le plus possible pour montrer à quel point Frederic Martel m'a embarqué.
Sodoma n'est ni un brûlot contre l'Eglise, ni un livre militant pro-LGBT. C'est même peut-être tout le contraire. Il ne s'agit pas ici d'attaquer des croyances, mais plutôt l'hypocrisie d'un milieu homosexuel particulier, celui du clergé catholique. Soit, apprendre qu'il y a des ecclésiastiques homosexuels n'est pas la surprise du siècle mais découvrir l'ampleur de ce qui se trame dans les coulisses du Vatican m'a littéralement scotché.
Amis qui ouvrez ce pavé, prenez garde, vous vous apprêtez à entrer dans une série de guerres intestines que se livrent avec acharnement différents clans gays au sein de l'Eglise Catholique.
Construite en quatre parties s'attardant chacune sur une époque pontificale (François, Paul, Jean-Paul et Benoît), l'enquête de Frédéric Martel est une plongée extrêmement documentée dans la schizophrénie vaticane, grande adepte du « faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais ». Ici, plus un prélat inonde foules et médias de toute sa hargne contre ces dangereux homos dont les pratiques ou les unions ne sont que péchés et perversions, plus il y a de chance que dans le secret des alcôves catholiques, il inonde quelques torses virils de ses immaculées projections ou au moins qu'il en est le si puissant (et parfois détesté) désir qu'à défaut de décharger ses pulsions sexuelles auprès du nombre phénoménal de jeunes migrants prostitués qui sillonnent les rues adjacentes au Vatican, il décharge toute sa haine sur ces homos qui assument et pratiquent leur sexualité au grand jour. Quel meilleur moyen pour cacher cette homosexualité qui suinte des pores de l'Eglise que de clamer haut et fort qu'elle est une abomination ?
Le raisonnement pourrait paraître simpliste mais les langues qui se délient et les documents découverts sont révélateurs. Oui, il y a historiquement beaucoup d'homos au séminaire : il y a quelques dizaines d'années, en Italie et ailleurs, être homosexuel était, dans l'interprétation traditionnelle des Saintes Ecritures, péché, alors se découvrir gay était se confronter à une famille qui vous imaginait déjà mari et père et vous rejetterait si elle découvrait que vous préfériez les sucettes à l'Annie. le seul moyen d'échapper à la vindicte familiale était d'entrer au séminaire, de se retrouver dans ce milieu d'hommes dans lequel on ne vous reprocherait ni votre célibat, ni votre désintérêt pour la gent féminine. Mais il fallait, hors des murs, conserver le secret de ces attirances, de ces élans du coeur. Et c'est ce culte du secret qui ronge l'Eglise depuis si longtemps.
Les Papes n'ont jamais fait le distingo entre tout ce que l'Eglise considère comme péchés, d'un côté les relations sexuelles entre adultes consentants (légales) et de l'autre les relations avec mineurs ou sous la contrainte de l'autorité (pédophilie, viol de séminariste… évidemment illégales). A force de tout mettre dans le même panier pour le recouvrir du voile opaque du secret, l'Eglise a créé ses propres amalgames et n'arrivent plus à s'en dépêtrer. Il faut tout cacher, de peur que soulever un coin du voile ne dévoile tout le contenu du panier.
Et tout cela n'est qu'une petite part de l'enquête. On découvrira les fouilles archéologiques de la Sodome Biblique et l'analyse du texte qui n'a en réalité jamais condamné l'homosexualité ; on verra que les plus ouverts sur l'homosexualité sont souvent les plus hétéros ; on sera effaré devant les relations particulières de certains prélats haut placés au Vatican avec Pinochet, devant l'aveuglement de Jean-Paul II, qui obsédé par sa lutte contre le communisme, couvrira les horreurs commises par le Père Marcial Maciel ou écoutera ses conseillers en faisant campagne contre le préservatif, permettant ainsi au VIH de faire des millions de morts partout dans le monde et surtout en Afrique ; on ne sera guère étonné de réaliser que c'est dans l'Evêché de Lyon et de son Barbarin que sont nées les premières idées de manifestations contre le mariage pour tous. Tout cela est tellement d'autres choses encore...
J'en dis déjà trop, j'avais dit que j'en dirai peu. On l'a compris, l'ouvrage, qui ne donne qu'une des clés pour mieux comprendre ce qui se passe dans les coulisses du pouvoir vaticanais, est long, certes, mais passionnant, étayé, bien écrit et surtout jamais dans le jugement. le journaliste livre des faits, rien que des faits en faisant entendre les voix de ses témoins dont la grande diversité apporte les nuances. L'Eglise n'a jamais attaqué ce qui y est écrit, le pape François a dit, après l'avoir lu qu'il « savait tout ça ».
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Quelles que soient les intentions de l'Auteur, quel que son passif puisse être, son livre est solidement étayé et m'a appris des choses très neuves, alors que j'étais - je le constate à ma surprise et à mon intérêt dans la lecture - inconsciemment persuadé d'à peu près tout connaître sur certains sujets. J'avais tort.

Je ne citerai que le cas de Montini, alias Paul VI (très officiellement "saint de l'Église catholique" depuis Bergoglio!) Paul VI, l'artisan résolu du désastre de Vatican II dont les statistiques nous montrent qu'il a provoqué, dès les dix premières années de la "réforme", un effondrement suicidaire de la pratique – laquelle pratique passait en France de 57 pour cent à 21 pour cent (rapport Marty) pour dégringoler aujourd'hui à... 1 pour cent! Effondrement conscient, et contre lequel non seulement le Vatican ne prit aucune mesure de redressement doctrinal, mais qu'il chercha très visiblement à accélérer, ce qui en dit long - les alibis invoqués en 1962-1968 ne tenant plus du tout - sur la volonté destructrice des instigateurs.

Avec ce livre, j'ai découvert un certain nombre d'éléments, dont j'ai personnellement vérifié l'exactitude, et qui étaient pour moi tout à fait nouveaux. Ainsi, concernant Paul VI, je n'ignorais pas les archives de l'Ispettorato speciale di Polizia, dépendante de la Direzione Generale della Pubblica Sicurezza, la "GESTAPO" ("OVRA") du Duce sur les frasques de Montini, à l'époque "Primo Minutante" à Rome, qu'on raflait en plein ébat dans les bordels. Je n'ignorais pas les dossiers déclassifiés du C.I.A. sur Paul VI, où visiblement, les Américains se réjouissent d'avoir sur Paul VI un puissant moyen de pression: ses turpitudes sexuelles avec de jeunes et beaux garçons (grasses plaisanteries, au passage, de salle de police: après son élévation au pontificat, en 1963, le nom "Paolo Sex" émaille les rapports du CIA. le SDECE - prononcer "sdeck" - quant à lui, l'appelait... "Popaul"!) Toutes choses qui sont brutalement remontées à la surface quand le scandale des réseaux pédophiles du diocèse de Cloyne a éclaté en 2010-2011, et que la très courageuse juge d'instruction Yvonne Murphy a établi le Cloyne Report.

Je n'ignorais pas les rapports de Paul Hoffmann, le très respecté journaliste du New York Times, correspondant à Rome de l'organe de presse américain, sur la sexualité active de Montini. Ni les révélations de Franco Bellegrandi, chambellan du Vatican et correspondant de l'Osservatore romano, révélations prouvées par la suite, et dont il n'est pas permis de douter. Ni l'autobiographie de l'écrivain anglo-irlandais Robin Bryans. Ni, évidemment, les scoops à sensation de Roger Peyrefitte qui, le premier, s'était délecté, conformément à sa triste habitude, à dévoiler les moeurs de Montini et l'identité de ses amants les plus célèbres: l'acteur Paolo Carlini, d'abord, qui joue le rôle du coiffeur dans les Vacances romaines avec Gregory Peck (Carlini, décédé en 1979, n'a jamais démenti), et Hugh Montgomery ensuite.

Ce qui j'ignorais complètement, en revanche, c'était tout ce qu'explique M. Martel relativement au langage codé du "catéchisme de l'amour". Il est vrai que l'Église ne parlait jamais d'amour avant Vatican II, elle parlait de Charité (caritas, agapé). le mot très "malaisant" d'amour dans la bouche des curés post-conciliaires, mis à toute les sauces, et rabâché constamment, m'était seulement apparu, pendant cinquante ans, comme une ridicule adaptation de l'Église, via son aggiornamento, au vocabulaire des hippies californiens, ce que semblaient confirmer le statut de Jésus Christ superstar (opéra rock très Vatican II) – sottise dont Jean Yanne s'amusait au cinéma – et l'encouragement par Paul VI du courant soi-disant charismatique qui est en fait du pentecôtisme californien (ce que Jean Raspail, dans ses articles du Figaro, appelait la "religion vaudoue"). le mot "charismatique" dans ce sens était d'ailleurs une invention de Paul VI en personne.

Sans doute, il y avait du vrai dans ce que je croyais savoir. Cependant, mes observations restaient très superficielles. le livre de M. Martel brise les tabous et dévoile le fond de l'affaire. On apprend ainsi que Paul VI entretenait une correspondance avec deux théologiens homosexuels français, Jean Guitton et Jacques Maritain, usant de langage codé pour évoquer "l'amour-amitié entre hommes". Naturellement, avec cet "amour"-là, nous ne sommes plus DU TOUT dans le registre de la Caritas! Or, c'est au cours de tels échanges, nous explique M. Martel, qu'on fait allusion à Pierre et Jésus comme à un couple tout ce qu'il y a de physique. le livre m'a tellement ouvert les yeux que j'ai interprété de façon totalement neuve, dernièrement, la diffusion d'un documentaire absolument lamentable de Bern – comme tous les documentaires de Bern à mon goût, mais celui-ci était particulièrement gratiné – où Marie-Madeleine est présentée comme étant jalouse du lien qui unit Jésus à Pierre! Ai-je surinterprété? Eh bien, si je m'en tiens aux révélations de M. Martel, je ne le crois pas. Autrement dit, pour moi, il y aura eu un avant et un après la lecture de Sodoma, ce que je peux dire de bien peu de livres.

En somme, le livre de M. Martel m'a donné à réviser une foule de notions et d'objets que je connaissais superficiellement: les dédicaces à saint Pierre dans les lieux de débauche de Jean Cocteau, l'étrange catéchisme Pierres Vivantes des évêques de France publié au début du premier septennat de Mitterrand, puis rejeté par le Vatican lui-même pour impudicité. Bref, je conçois désormais les choses sous un autre angle absolument. En épilogue de cette critique, un paradoxe. Peu de temps avant ce livre, j'avais lu les mémoires de Henri Guillemin dont la malhonnêteté intellectuelle est proverbiale. C'était une époque où la gauche bourgeoise, dont il était un pilier de bien-pensance malgré ses protestations d'esprit révolutionnaire (prononcées du fond de sa villa suisse), était volontiers homophobe, comme on dit aujourd'hui. Approuvant, on s'en doute, Vatican II, Guillemin ironise implicitement contre les résistants à ce bouleversement et lâche un de ces sarcasmes venimeux et gratuits qui étaient sa marque de fabrique contre deux catholiques notoirement homosexuels, Julien Green et Jacques Maritain, supposés se plaindre que le nihilisme de Vatican II fasse table rase de l'essentiel. Or la lecture de Sodoma prouve que l'ironie n'est certainement pas dans le camp de Guillemin, et que c'est plutôt ce dernier qu'on serait en droit d'accabler de ses sarcasmes!

Ce livre m'a indigné. Il ne m'a pas indigné à cause de sa démarche que je trouve au contraire salutaire. Il ne m'a pas indigné parce que je serais homophobe. L'homosexualité ne m'a jamais posé de problème. Non, ce qui est indigne et révoltant n'est absolument pas à ce niveau. Comme pour M. Christian Combaz qui, lui non plus n'a aucune raison d'être homophobe – Combaz, dont j'écoutais récemment une émission intéressante, le scandale est pour moi celui de l'imposture. de l'immense, de la colossale imposture de Paul VI et de Vatican II: voilà l'infamie.
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Le livre est une véritable somme.
On ne peut que saluer l'extraordinaire travail de l'auteur, qui par ailleurs démontre page après page son objectivité et son travail de fond.
Toutefois je n'ai pas été séduit par les éléments suivants :
- Je n'ai pas bien compris la problématisation du propos.
Qu'il y ait de nombreux homosexuels au Vatican, ce n'est pas une grande nouveauté. Que ces homosexuels au plus haut niveau aient pu influer sur la doctrine récente de l'Eglise, notamment de par le contenu des Encycliques très clairement homophobes, ce n'est pas nouveau non plus.
- Un name droppring qui confine à de l'outing, alors bien qu'on sait que nombre de ces prélats sont très évidemment de pratique homosexuelle tout en crachant sur le principe de l'homosexualité, cela depuis longtemps aussi.
Bref : à quoi sert ce livre ?

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Frédéric Martel nous livre une somme remarqauable de travail et d'enquêtes à travers le monde (1500 entretiens, 30 pays) menée avec une équipe de plus de 80 collaborateurs pendant plusieurs années.
L'auteur ne juge pas mais pose les faits. Il éclaire comment et pourquoi l'église s'est fourvoyée et hystérisée dans une dénonciation artificielle de l'homosexualité, s'est éloignée de nombre de chrétiens plus attentifs à l'évolution de la société et s'est repliée sur une hypocrisie un temps protectrice.
Mis à jour les méandres du Vatican et de la curie peuvent désespérer légitimement ceux pour qui la foi représente quelque chose d'important.




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Je trouve en Sodoma un portrait implacable de l'hypocrisie, du mensonge, de la décadence de l'Église de Rome. L'enquête de Frédéric Martel décrit l'inhumanité de la morale catholique imposée par les plus conservateurs des clercs du Vatican. Il étoffe ainsi l'hypocrisie et la perversion du Vatican.
Une hiérarchie vaticane où on pratique une double vie, assuré d'être protégé par la culture du secret qui y règne. L'auteur décrit des prélats qui le soir vont draguer de jeunes prostitués – souvent des réfugiés – à la gare de Rome-Termini.
On sort écoeuré et triste de notre lecture qui expose au grand jour les comportements de ces représentants du Christ à qui les catholiques confient leur âme. Non mais quelle imposture !
Il est par ailleurs très difficile de croire que Frédéric Martel a tout faux comme nous suggère la réaction de l'Église.
Est-ce que l'avenir est sombre pour l'Église de Rome? Je crois bien que oui … Tant et aussi longtemps que cette dernière pratiquera le goût du luxe et une immoralité de style « Renaissance ». Il faudrait avisé le Vatican que nous sommes maintenant au XXIe siècle!
Merci à Frédéric Martel pour cette enquête très pertinente.
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