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Critique de boudicca


« C'est en Espagne que ma génération a appris que l'on peut avoir raison et être vaincu, que la force peut détruire l'âme et que, parfois, le courage n'obtient pas de récompense. » La citation est d'Albert Camus et date bien sûr du début de la guerre d'Espagne. Nous sommes en 1936 et les répercussions du coup d'état initié par les nationalistes dans la partie hispanique du Maroc gagnent peu à peu l'ensemble du pays. En à peine quelques semaines c'est toute l'Espagne qui se retrouve coupée en deux : d'un côté les nationalistes soutenus par l'Allemagne nazie et dirigés par Franco, de l'autre les républicains qui entament un combat désespéré contre le fascisme. Trois ans plus tard l'affaire est pliée : les nationalistes ont gagné, Franco prend le pouvoir et le gardera jusqu'à sa mort en 1975. Que deviennent alors ceux qui se retrouvent dans le camp des vaincus ? Ceux qui ont survécu mais qui n'ont pas perdu espoir en le retour d'un régime démocratique ? C'est sur cette question que se penche Jaime Martin dans « Jamais je n'aurai 20 ans », bande dessinée touchante dans laquelle l'artiste revient sur l'histoire de ses grands-parents, Isabel et Jaime. La première est couturière et doit fuir le Maroc espagnol au moment du coup d'état en raison de ses liens trop étroits avec un groupe de jeunes anarchistes. le second est un jeune artilleur amateur de boxe combattant aux côtés de l'armée républicaine.

A travers l'histoire de sa famille, c'est aussi l'histoire de cette période particulièrement douloureuse pour l'Espagne que l'auteur cherche à revisiter. La première partie relatant la rencontre entre les deux amants lui permet ainsi de revenir sur le déclenchement du coup d'état et sur les premières batailles menées par l'armée républicaine tandis que la seconde partie consacrée à la vie de famille du couple se focalise davantage sur l'installation et de le durcissement de la dictature. Anciens sympathisants républicains arrêtés en pleine nuit pour être fusillés, jeunes idéalistes impitoyablement massacrés, conditions de vie de plus en plus précaires, emprise croissante de la religion catholique... : les scènes dépeintes sont éloquentes et offrent un portrait glaçant de ce que peut être le quotidien d'un peuple vivant sous un régime dictatorial. Régime qui, comme on le constate ici, peut s'imposer à une vitesse effrayante et laisser de nombreuses cicatrices qui, elles, ne s'effaceront pas aisément. L'ouvrage n'est malgré tout pas fait que d'épisodes tragiques puisqu'il nous raconte aussi et surtout le quotidien d'une famille qui, par sa détermination et son courage, parviendra à survivre à la tourmente fasciste. La grand-mère de l'auteur, notamment, forge le respect par sa débrouillardise et son tempérament qu'elle transmettra d'ailleurs à ses trois filles qui sont loin de se douter des épreuves endurées par leurs parents avant leur naissance.

Avec « Jamais je n'aurai 20 ans » Jaime Martin rend un émouvant hommage à ses grands-parents tout en brossant un portrait saisissant de la guerre d'Espagne et de la vie sous la dictature de Franco. Un ouvrage à mettre entre toutes les mains.
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