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Critique de Slava


Slava
27 novembre 2020
Le roi Robert Baratheon est mort, vive le roi. Son fils Joffrey accède au trône et annonce son règne par un geste sanglant qui annonce la couleur : il fait décapiter Eddard Stark sans pitié. La mort de lord Stark ainsi que l'avènement sur le bien connu trône de fer de Joffrey lance le chaos : les frères du défunt jovial Robert contestent sa légitimité et se proclament à leurs tours rois des Sept Couronnes, Stannis le rigide avec l'appui d'une énigmatique prêtresse consacré à un dieu du feu, Mélisandre, et Renly le frivole soutenu par la puissante famille de son épouse, les Tyrell ; l'héritier d'Eddard, Robb, a décidé de venger son père et d'entrer en rebellion contre la couronne, comptant sur sa mère Catelyn et son meilleur ami Théon Greyjoy dont son propre père vient aussi de s'acclamer roi des îles de Fers. En tout cas cinq rois surgissent pour se disputer le pouvoir de Westeros et tous comptent bien évincer l'autre, déclenchant une guerre qui ravage le royaume. Pendant ce temps-là, au Mur, la Garde de Nuit parte en expédition pour retrouver certains d'entre eux portés disparus et enfin affronter les sauvageons dont la rumeur d'un roi leur est parvenu, et Jon Snow fait partie du voyage qui l'amène à dépasser la frontière connue et à l'autre coté du détroit, à Essos, Daenerys Targaryen a perdu son époux Khal Drogo mais a gagné en retour quelque chose d'inestimable : trois dragons surgi du bûcher funéraire dont elle est à présent mère, un prodige inouie dans un monde ou l'espèce draconique s'est éteinte depuis un siècle : pour Daenerys cela confirme le retour de sa maison sur le trône, les Targaryen jadis monteur de dragons, mais avant de poser pied, il faut qu'elle trouve un refuge pour son peuple qui n'a plus de khal et pourrait donc se trouver à la merci de n'importe quel ennemi, et aussi des bateaux et une armée... Dans tous les cas, cela chauffe pour tout le monde et une nouvelle ère s'amorce, celui de l'incertitude et du conflit...
Suite du premier tome dont le titre a donné le nom à la fameuse série adaptée à la télévision, la saga dont le nom véritable est la chanson de la glace et du feu, écrite par G.R.R Martin continue de nous entraîner dans les jeux de pouvoirs du royaume et nous fait suivre plusieurs destins individuels dont le sort est lié à ces machinations, complots et intrigues complexes. Ce second volet nous immisce toujours dans son univers et nous ne ménage pas car le temps des paix est terminé pour laisser place à la guerre civile démarré par le choc des rois.
De nouveaux personnages débarquent dans notre horizon et modifient les règles de manière fracassante : l'étrange rousse Melisandre qui fait introduire de plein fouet la magie et l'ésotérisme absent dans le premier tome, l'attachant Davos Mervault issue du commun et anobli par Stannis dont il est dévoué mais qui garde son honneur propre et se méfie des conseiller de son roi : Margaery la belle femme de Renly et soeur du preux chevalier Loras : la surprenante chevalière Brienne de Torth qui défie les conventions sociales par son poste et a la noblesse en l'âme : Edmure Tully frère de Catelyn qui ne trouve pas sa place : Balon Greyjoy le souverain des îles rancunier et salé comme la mer accompagné de sa tonitruante et malicieuse héritière l'impétueuse Yara soeur de Theon : les sauvageonne Vère la douce martyrisée de l'odieux paternel Craster mais assoiffée de liberté et la guerrière Ygritte... qu'ils interviennent directement ou non dans la guerre, tous sont témoins des événements qu'ils sont parfois instigateurs et nous préludent bien des choses. A leurs cotés on retrouve ceux qu'on a laissé dans le premier tome : Jon Snow découvre l'au-delà du mur et apprend davantage en maturité, Sansa prisonnière des Lannister doit assurer ses gardes, et résister à sa façon aux menaces qui l'accablent, faisant preuve d'une héroique résilience : Arya est jetée sur les routes, espérant retrouver sa maison et mettant en pratique ses leçons d'escrime, découvrant le monde des campagnes et des villages qui font les frais de la scission des Sept couronnes : Bran se retrouve malgré lui seigneur de Winterfell qu'il doit protéger malgré sa condition d'handicapé et les rêves troublants de lui volant avec un corbeau et doit affronter, avec sa fragilité tout comme sa sagesse, aux déconvenues qui l'attendent : Catelyn fraîchement veuve endolorie doit conseiller avec son coeur de mère meurtrie son fils qui se voit grand alors qu'il n'a pas encore dix-huit ans faire preuve de pragmatisme et se confronter malgré elles aux alliés potentiels de son fils qui sont loin d'être honorables et à Essos, les premières épreuves de Daenerys devant s'occuper et de son peuple et de ses dragons qui malgré leurs extraordinaires pouvoirs, sont encore chétifs et en proie des convoitises, qui la fortifient dans son ambition de reconquête. J'ai adoré retrouver Tyrion le nain qui devient la main droite de son insupportable neveu, braver les mesquineries de la cour dont sa soeur Cersei en première et jouer son tour de carte dans une ville lugubre ou le moindre étincelle peut flamber, en conservant son humour acide et son esprit affuté comme l'épée mais surtout j'ai suivie avec halètement et curiosité le parcours de Theon, qui se retrouve à choisir deux camps, lui ce fils de Fer-né ayant grandie chez les Stark, et dont les décisions qui au départ le favorisent vont malheureusement se retourner contre lui.
Parmi tous cette galerie, on a certaines figures qu'on adore détester tellement ils sont atroces en méchanceté et brisent des vies anonymes ou non dans l'indifférence ou le sadisme : Joffrey Baratheon a son trône supplémentaire dans ce domaine, celui de la vilenie, un épouvantable sadique qui méprise tout le monde au comportement tyrannique, mais aussi sa mère Cersei la cruelle peste prête à sacrifier n'importe qui pour ses propres intêrets : on est en effroi aussi devant les exactions de Gregor Clegane le bras-droit des Lannister la brute épaisse qui écrase tout sur son passage d'une violence affreuse mais déjà on entends parler d'autres personnages peu recommandables : déjà autour de Robb Stark on mentionne le comportement démoniaque d'un bâtard d'une famille noble, un certain Ramsay Snow... et qui va faire bien faire savoir sa réputation infâme lorsqu'il se révèle.
Le monde de GRR Martin s'ouvre davantage vers nous : on voyage davantage grâce aux marches multiples de nos héros. Théon nous fait découvrir les îles de fers, ces vikings rugueux qui privilégient leurs indépendances et rejettent toute autorité supérieure, prêts à envahir à le Nord pour signaler leur pouvoir, Arya nous fait traverser l'arrière-pays dans moult routes où on rencontre plus de gens du commun et d'ordinaires individus, les pérégrinations de Catelyn et Robb nous transportent dans le Conflans territoire fluvial et fief des Tully, la famille d'origine de Catelyn, avec ses lacs, le territoire sauvage nous est entrevu par Jon Snow et le désert ainsi que le cité prodigieuse de Qarth nous est emmené par l'errante Daenerys. D'autres lieux nous sont révélés : le sombre château de Stannis, Peyredragon, jadis lieu de résidence des Targaryens, la campagne fleurie du Bief ou encore le sordide fort réputé hanté Harrenhall brûlé par les dragons d'antan. Un panorama divers et varié qui nous enchante par leur richesse et le sentiment de grandeur. Même certains endroits connus dévoilent d'autres secrets, notamment Port-Real et ses rues crasseuses théâtre capital des manigances royales.
Cependant la guerre est là et ses effets se répercutent sur l'ensemble du royaume. Et ce n'est pas très joli. On avait déjà vu dans le précédent tome la noirceur de la société féodale de Westeros, entre aristocratie débauchée et belliqueuse, chevaliers brutaux, mariages arrangés se payant par le sang et mépris du faible, mais tout cela était tempéré par une accalmie certes de facade mais qui était là. le couvercle saute avec les bélligèrances et l'horreur se déchaîne. Les méfaits de la guerre s'affichent partout : à travers notamment le périple d'Arya qui se voit contrarié et séjourne malgré elle à Harrenhall, c'est les villages pillés et brûlés, les paysans torturés et tués, les femmes abusées. Port-Real fait face à un afflux de refugiés et la faim gronde dans les quartiers au point d'éclater en des émeutes horribles (un des pires moments du roman pour moi), Winterfell affronte les pénuries... les soldats se combattent parfois pour rien et les maladies et blessures foudroyantes sont légions. On voit surgir aussi la révolte envers ces exactions, avec la Fraternité sans Bannière des hors-la-loi de riche ou de basse condition qui tels les Robins des Bois détroussent (et pendent) les riches et défendent le peuple, amenant une justice certes arbitraire mais réparatrice dans un monde qui en est dénué. Quand ce n'est pas la guerre, c'est les sournois complots qui se trament dans les couloirs de palais, les courtisans de Port-Real étant des serpents prêt à mordre et ne sont d'aucune amitié qu'ils changent comme de chemise contre quelconque faveurs. L'horreur de la guerre et de l'homme y est illustré avec fracas mais se déploie aussi la solidarité, l'espoir et la bonté qui se préserve avec Brienne la chevalière respectueuse de ses serments, Bran et Daenerys tous deux soucieux de leurs peuples, Arya qui partage les traumas des petits gens et bien sûr la Fraternité qui émerge miraculeusement.
L'autre tournant de ce tome est l'arrivée du surnaturel qui apporte encore plus de désordre dans ce tourbillon de folie. Les dragons se sont reveillés : ils ne sont encore que des enfançons mais crachent déjà du feu et volent, on devine déjà leurs puissances dans leurs évolutions futures. Trois comme l'emblème des Targaryens, le dragon à trois têtes, ils symbolisent le retour de la famille et de la magie, qui apparait aussi par les truchements de la sinistre Melisandre, la rouge prêtresse de Rh'illor le dieu du feu qui propage sa foi. Est mentionné pour parler de spiritualité le Dieu Noyé, la divinité des Fer-nés qui touche au Lovecraft et ses croyants dont le motto " Ce qui est mort ne saurait mourir" ressemble dangereusement à la fameuse citation du Necromicon " N'est pas mort qui dort...". Et n'oublions pas ces fameux Autres qui rodent toujours dans l'ombre... La déraison se manifeste partout avec la guerre décidément.
Tout cela porté par la plume entraînante de GRR Martin qui nous emporte avec énergie et d'un sens de romancier prenant. S'adaptant au langage de ses interlocuteurs, le style est fluide et nous fait vivre ce monde.
Je pourrais critiquer cependant certaines lenteurs du récit mais ce serait pinailler. Ce tome-là est une véritable réussite, ou on entre dans le feu de l'action. La randonnée est périlleuse dans les sept royaumes en guerre mais vaut toujours le coup de s'y plonger. On frémit et on espère pour nos personnages, on souhaite qu'ils s'en sortent. Si le premier tome pouvait paraître pour certains confus, celui-ci est extrêmement engageant et nous jette, certes sans délicatesse, dans les recoins ténébreux de l'âme humaine mais nous fait entrevoir aussi quelques lumières. Avec ce second tome, on est définitivement paré à suivre la destinée de Westeros et d'Essos et d'y vivre les changements cruciaux. Et une fois qu'on a fini le bouquin, on ne peut que vouloir lire la suite, tant on est grisée de questions ! Ce second tome est le tournant de la saga et mérite d'être lu !
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