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Citations sur La massaia (105)

Au cours du même mois, la Massaia réorganisa toute sa vie autour des tâches ménagères et sociales : emplettes absurdes, admonestations, conversations ineptes, lectures sans intérêt et idées fixes, idées fixes, idées fixes. Maintenant qu’elle avait licencié bon nombre de domestiques et qu’elle devait se charger elle-même de certaines besognes, il lui arrivait souvent d’être taraudée par des pensées du genre « demain, je reçois dix notables pour un tournoi d’échec », ou bien « trente célébrités pour une partie de colin-maillard dans le parc » ou bien encore « les enfants de l’orphelinat pour une tasse de café au lait ».
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Mais où sont donc passés les jardins immaculés d’antan, enclos de haies d’aubépines et ornés de simples parterres de giroflées ? Quand a-t-elle désappris à se promener dans les sentiers tapissés de lierre, où les hautes branches des arbres forment un dôme qui masque le ciel ? Depuis qu’elle sait que transplanter un chêne coûte mille lires et qu’une graine de giroflée vaut deux lires et cinquante centimes.
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« La Massaia (en criant) – Et alors? Vous croyez qu’en agissant ainsi vous aidez leurs épouses, leurs filles et leurs soeurs? Elles sont toutes destinées à être louées, encensées en public et rabaissées dans le privé. Les allégez-vous du poids de leur vie quotidienne? Soulagez-vous leur esprit épuisé par la monotonie de leurs tâches triviales et par l’obligation de mettre au pas leur corps qui galopait, leur coeur qui avait appris à voler et leur âme qui s’amusait à des cabrioles? Or plus l’homme agit au gré de ses caprices, plus il est considéré, plus il nous écrase, plus il semble généreux. Et plus il court à sa perte, plus il conquiert. Les femmes, en revanche, doivent composer avec un corps qui porte depuis toujours inscrit en lui des échéances, des prescriptions et toutes sortes de mesures de précaution. En vous faisant payer, vous croyez vraiment les défendre? Vous ne faites que renforcer les barreaux de leur cage, vous leur assignez une valeur marchande et les réduisez à une réalité purement tangible et contrôlable. »
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De 1927 à 1928, le régime fasciste promulgue une série de décrets visant à limiter le travail des femmes : réduction de moitié de leurs salaires, exclusion de l’enseignement des lettres et de la philosophie dans les lycées, interdiction de les nommer à la tête des collèges et des lycées, redoublement des taxes scolaires et universitaires. Enfin, par le décret-loi de 1938, le pourcentage des femmes employées dans la fonction publique est ramené à 10%.

[préface de Marinella Mascia Galateria]
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Je voudrais tant renaître, retourner dans le ventre de ma mère ; me réfugier dans son antre, le parcourir, retrouver la semence de mon père, me confondre à nouveau avec lui et avec sa semence, être réabsorbée dans le sang de l'homme qui m'a conçue et, en devenant un homme, entrer dans sa mère et, ainsi, d'homme en femme, de femme en homme, pouvoir revivre la toute première naissance, originelle, primitive ; me sentir constituée d'une autre matière, immuable ; avoir la consistance d'une feuille, ou de la mer ; savoir si le péché nous était vraiment nécessaire.
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Fini les amoureux crasseux contemplant les étoiles du haut de leur donjon et les demoiselles, vêtues de la même sempiternelle robe, soupirant, le regard rivé sur un pot de basilic. Ces temps-là sont révolus, le monde a perdu toute sa poésie aux yeux des femmes depuis que vous les obligez à s'occuper de leur maison. Préparer un repas, c'est prévoir la quantité de nourriture que vous engloutirez le lendemain, savoir combien il coûtera, de quoi il sera composé, craindre de gaspiller et d'être volé. Dormir, c'est sentir, à chaque inspiration, l'odeur de l'eau de Javel sur la taie d'oreiller ; lire, c'est garder l'oreille à l'affût de la bonne qui surgira pour prévenir que la facture de gaz est arrivée ou que le robinet de la salle de bains s'est cassé ; regarder par la fenêtre, c'est voir les domestiques de la maison d'en face qui battent le tapis.
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Qui sait cela n’a pas à attendre la vieillesse comme temps des regrets ou de l’achèvement, qu’il anticipe plutôt sa mort pour la rencontrer sur le sentier des illusions fleuries. Qui sait cela peut embrasser tout le cours de son existence et de tous ses instants, qu’il se situe en amont ou en aval, sans en altérer la densité ou la profondeur.
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Le soir, lorsque son papa rentre à la maison et qu’il s’aperçoit que la maman est en train de crier dans la cuisine, il rouspète : « Quand je t’ai épousée, tu n’étais pas comme ça. » La maman devient blanche, bat des cils : le papa est très vilain. A dîner, il y a la soupe de légumes que les enfants détestent : « J’aime pas ça », dit le petit garçon. La maman remplit une cuillère de potage et l’avance vers l’enfant : il pince les lèvres et secoue la tête, il tache la nappe ; son papa le réprimande, mais la maman pose la main sur la tête de son fils, pour le défendre contre ce père qui gronde ; elle demande qu’on emporte la soupe, qu’on n’en parle plus, qu’on serve plutôt un bifteck pour son enfant, un peu de morue pour elle et pour son mari, agrémentée de beaucoup de pommes de terre pour le papa. Après quelques bouchées, le mari éloigne le plat, repousse le pain, sa serviette tombe par terre et, tandis qu’il boit, il murmure : « Ma mère faisait cuire la morue dans du lait. » Sa femme voit qu’il lorgne le bifteck de son fils : « Ma parole, il serait capable d’arracher la nourriture de la bouche de son fils », se dit-elle en lui lançant un regard méprisant. Elle aussi a envie de viande, elle aussi déteste la morue, mais avec ce qu’il gagne ! – comme il ne cesse de le lui répéter chaque fois qu’elle veut acheter une rose pour la placer dans un vase au milieu de la table ou deux bonbons pour le petit. Cependant, elle fait un effort ; elle coupe la moitié du bifteck dans l’assiette de son fils et, d’un ton tout à fait naturel, elle lance : « Donnes-en un peu à papa. » L’enfant ne bronche pas, son père rougit, la mère recoupe la viande très lentement au même endroit où elle l’a déjà coupée et, finalement, l’homme dit ce que tous s’attendaient qu’ils disent : « Non, non, ile n a plus besoin que moi. » Ce mari et cette femme s’aiment vraiment, et ils aiment vraiment leur enfant, c’est pour cela qu’ils se sont si souvent du mal : ils se mortifient, et ils s’imaginent qu’ils doivent faire des sacrifices, ils ont une fausse idée de l’amour et ne font qu’aggraver la situation.
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nous manque un endroit où stocker des soleils en réserve, au cas où nous voudrions nous promener lorsqu’il pleut, et des astres nocturnes pour les jours où le ciel est couvert et où nos invités voudraient voir un clair de lune.
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Encore que la fillette les ignorât, ces pensées, elle habitait en elles, tout comme les algues ignorent la mer et les oiseaux le ciel. Du reste, pas une seule fois elle ne s’était approprié une idée qui lui fut étrangère pour ourdir quelque machination contre la vie. Elle se tenait tranquille, ignorante d’elle-même, tel un pur agrégat de particules mentales, sans la moindre intelligence. En flânant ainsi dans cette forêt de fantaisies funestes qu’elle avait suscitées autour d’elle, elle avait inventé la violence, la torture, le suicide. Avec les incendies et les alluvions, dont elle avait eu vent on ne sait où, elle s’était forgé des extases et des enfants. Elle vivait désormais de ce sexe inconnu qui l’étourdissait. L’odeur capiteuse qui se dégageait d’elle la poussait à entonner des psaumes, on l’eût dite alors environnée d’un nuage d’encens ; elle chantait son propre imaginaire et s’ingéniait à suivre un système très raffiné de sensations qui lui vaudraient d’amères déceptions : sitôt qu’elle y renoncerait, comme il lui arriverait plus tard, on l’obligerait à faire preuve d’une idiotie héroïque.
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