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Critique de Nomadisant


« Nous avons été je crois bien, à bord de la Rose de Mahé, les derniers aventuriers de ce coin du monde. Maintenant j'en ai fini avec la mer. Je lui ai tourné le dos, à jamais. »

Ainsi commence l'évocation des souvenirs du narrateur à bord de la Rose de Mahé. Nous sommes en 1904 et le navire de contrebande croise au large des Seychelles où sévit une épidémie de variole. A bord, 12 hommes dont le capitaine Eckardt, trafiquant d'armes, d'esclaves, d'alcool et d'opium, Maccaïbo, Barthélémy et surtout Bazire qui obsède tant le narrateur. Bazire qui aime et a toujours aimé les tortues, au contraire du narrateur qui en conserve un trauma d'enfance et les hait au point de prendre du plaisir à les tuer. C'est « Sisyphe pire, qui transporte son rocher et qui est son rocher. L'incarcéré qui est le prisonnier et sa geôle. » La tortue, animal fétiche, dont Bazire loue les pouvoirs protecteurs : « Elles sont gardiennes. Elles veillent sur notre fortune et sur nous. Elles nous protègent. Elles sont porte-bonheur… ».

Malgré l'épidémie dans l'archipel, le capitaine Eckardt descend à terre pour organiser un dernier coup : capturer son ancien complice Vahély pour le forcer à révéler l'endroit où se trouve le trésor perdu de l'Iman de Mascate, en pèlerinage vers La Mecque, « un véritable monceau d'offrandes, pierreries, or, ivoire et compagnie, afin de saluer dignement le souvenir du Prophète »… Pour masquer ses véritables intentions, Eckardt embarque une soixantaine de tortues géantes à destination d'Aden. Mais tout ne se passe pas aussi vite que prévu et chaque jour à terre augmente le risque de contracter la variole.

Enfin le navire appareille. Dès lors, on croit lire un roman d'aventure dans la veine de L'Île au trésor, c'est en fait une histoire trouble et enfiévrée où s'entrelacent la peur grandissante de la variole et les visions éthyliques du narrateur porté sur le rhum et obsédé par la présence des tortues comme une malédiction à bord du bateau. L'équipage sera confronté à un dilemme : relâcher à terre pour chercher un vaccin quitte à être arrêté par la police pour la capture de Vahély, perdre tout espoir de trésor, ou alors poursuivre la route et être riche ou mourir.

Originaire de l'île Maurice, Loys Masson, poète avant que d'être romancier a été nommé le « Melville français » par la critique. Son oeuvre phare, Les tortues, inspirée du livre Les Encantadas ou Iles Enchantées de l'écrivain américain, lui vaut consécration. Ceux qui ont lu et apprécié Au-dessous du volcan de Malcolm Lowry se retrouveront également dans ce roman parfumé de poésie, où la langue française fleurit de mots exotiques : palissandre, vanillier, fangourin, boulboul, oiseau-banane, badamier, bétel, varangue, mangue, citronnelle…

En conclusion, malgré d'indéniables qualités, Les Tortues n'est pas une lecture facile. C'est un roman qui résiste et qui nécessite du temps pour en mieux pénétrer la signification. Je le recommande à ceux qui cherchent des trésors oubliés et aiment déchiffrer les parchemins obscurs qui mènent à leur découverte. Je ne suis pas vraiment de ceux-là.
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