Lui en noir, elle en blanc qui s'est mise à fumer, ils picolent depuis trop longtemps au comptoir du Droit, l'atmosphère est tendue. Christophe a fait un passage éclair à une fête de l'Ecole, il a repéré deux filles, il aurait besoin d'air. Avec l'une, il fume son premier joint, mais la fumette n'arrive pas à la cheville de l'alcool, ce n'est pas son truc, pas assez convivial, il faut se cacher, là où l'ivresse lui apporte le mouvement, la vitesse, les autres, le monde entier.
Les apparences, trompeuses, jouent en sa faveur. Sa minceur et sa manie de s'habiller en noir le font paraître plus grand qu'il n'est. On croit qu'il a lu des tonnes de livres et vu des films en pagaille, mais ses lacunes sont criantes, et Christophe a plus de superficie que de profondeur. Sa sensibilité souvent qualifiée de féminine, alliée à un rejet viscéral de toute la quincaillerie virile -argent, bagnolles, bagarres, vanités de basse-cour- dissimule en fait un noyau dur, un vrai cœur de solitaire.
L'âge n'y fait rien. Ils n'ont rien à dire aux adolescentes et tout à partager avec les parents, de satanés buveurs avec qui régler son compte à une 5è bouteille de blanc dans le jaccuzzi ou boire tout un dimanche, à Lagguna Beach puis dans les bars de Newport, du gin, de la bière , des pina coladas, en parlant de littérature américaine, d'amours, de ruptures et de vasectomie. Christophe est-il conscient qu'il ne retrouvera jamais plus une fille avec qui s'enivrer avec une telle désinvolture, une fille qui aime tout ce qui le passionne (... ) ?
Ce grand écart entre ivresse et fragilité finit par pousser Christophe à la faute.
(...)
François, qu'il a déçu à New York, sait avoir la dent dure, qui le décrit en " baba cool de droite", épinglant ce nonchalent qui, sous des allures libres, ne remet rien en cause.