AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Cancie


Cancie
22 décembre 2020
Dans Les Grandes Occasions, son premier roman, Alexandra Matine nous dépeint Esther, l'épouse de Reza, qui par un jour de canicule, a dressé une grande table sur la terrasse de leur appartement et attend ses enfants pour le déjeuner. Cela fait des années qu'ils n'ont pas été rassemblés ici. Mais l'heure tourne et il paraît de plus en plus improbable que la famille soit réunie autour de la table.
On serait tenté de dire, mais qu'est-ce que je vais m'ennuyer à rester avec cette femme à attendre et encore attendre, avec une température et une atmosphère aussi étouffantes ? Que nenni, car Esther, tout en restant chez elle, se déplaçant seulement de la cuisine à la terrasse, va nous emmener dans sa mémoire, et alors quel voyage !
Elle repense à sa vie de jeune femme infirmière puis à sa rencontre avec Reza, ce jeune étudiant médecin venu d'Iran car dit-il « En Iran, il avait faim, en Iran, même les médecins ont faim.»
Elle évoque ensuite la naissance de leurs quatre enfants Carole, Alexandre, Bruno et Vanessa, Vanessa, la petite dernière, qui, lorsqu'elle part, laisse derrière elle le grand vide. Car, depuis son départ, s'ils reçoivent des voisins ou amis, ce ne sont en fait que les patients de Reza, dont celui-ci aime s'entourer pour les entendre le louer, l'admirer, le remercier. Esther aimerait bien aussi parler d'elle, ou parler des enfants. Mais quand elle en parle, « c'est comme si Reza disparaissait, il se soustrait.»
C'est un récit extraordinairement vivant et envoûtant qui nous est donné à lire. le récit d'une famille où l'on sait ni se parler ni s'écouter. Chacun des personnages, que ce soient les parents ou les enfants reste à distance et n'arrive pas à montrer ses sentiments.
Les trop nombreux silences et non-dits les ont conduits à une complète incompréhension, impossible à briser. Entre eux, une tension permanente persiste.
Le tyrannisme du père traumatisé par son enfance en Iran, le conflit entre les frères, l'angoisse pour la mère en voyant s'éloigner ses enfants nous montrent comment des liens familiaux que l'on dit souvent indéfectibles peuvent se briser. Cela fait également écho à cette belle chanson de Maxime le Forestier « Né quelque part » dont les premières paroles sont : « On choisit pas ses parents, on choisit pas sa famille. »
L'auteure démontre avec ce premier roman fort réussi que les relations familiales peuvent facilement se détériorer sur une accumulation de silences et de non-dits.
Si, à mon avis, l'écrivaine a peut-être un peu forcé la dose en dépeignant cette désunion et en choisissant des cas sans doute exagérés, néanmoins, elle met en avant ce qui est certainement commun au sein de nombreuses familles, à savoir les secrets et les incompréhensions.
Ce que j'ai particulièrement aimé dans ce roman, c'est la manière dont Esther conçoit la famille, la comparaison avec une tapisserie dont elle tisserait les fils de soie colorés année après année : « Des milliers de petits noeuds délicats dont parfois un, malgré elle, se brisait. » L'épouse d'Alexandre s'appelle curieusement Pénélope… L'auteure sous-entendrait-elle que ce sont principalement les femmes qui tissent les liens familiaux ?
Je remercie les éditions Les Avrils - Une nouvelle collection de littérature au sein du groupe Delcourt, ainsi que Babelio pour m'avoir donné l'opportunité de découvrir ce beau roman.

Lien : http://notre-jardin-des-livr..
Commenter  J’apprécie          880



Ont apprécié cette critique (82)voir plus




{* *}