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Citations sur Daroussia la Douce (44)

Lorsque Daroussia a mal à la tête, elle doit se rendre à la rivière et
s’y immerger jusqu’à la taille. Sinon la douleur va la mettre en mille
morceaux. Heureusement qu’on est en été et que l’eau est chaude. À
cette époque, personne n’empêche d’aller dans l’eau. À l’arrivée du
froid, elle n’entre que jusqu’aux genoux. Et plus l’eau est froide, plus
vite son mal recule.
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Tout de même, elles n’ont rien dans la caboche ni Dieu dans leur
cœur, ses voisines qui pensent qu’elle est simple d’esprit. Elle n’est
pas simple d’esprit, elle est douce.
Elle enveloppe les racines des dahlias dans une couverture, et
alors ? C’était justement au moment où la neige était déjà partie mais
le gel était encore là. Daroussia offrait les fleurs à tout le village car
elle en avait fait une telle récolte en automne qu’il y en avait plus que
de patates dans sa cave. Elle les a donc portées aux maisons qui ne
fleurissaient jamais. Mais comment porter les racines nues par un
froid aussi vif ? Est-ce que Vassuta porte son petit-fils dans le verger
vêtu d’un seul pantalon ? Elle l’emmaillote bien dans une couverture
et ce n’est qu’après qu’elle le prend dans ses bras pour le bercer en
traversant le village. La fleur vivante n’est-elle pas comme cet enfant ?
Daroussia est assise à même le sol, encore chaud des rayons d’été,
et caresse les joyeuses têtes d’asters, ébouriffe de sa main les boucles
odorantes. Elle leur parle, leur raconte tout et rit — qu’y a-t-il de mal
à cela ?
ventre pour me raccourcir la vie avec sa gnôle, qu’il brûle de mille feux,
Seigneur... Et que ma langue sèche de dire des choses pareilles !
... Et Daroussia la Douce, assise au milieu de ses fleurs, à trois pas
de Maria et de Vassylyna, fait et défait sa natte maigre et blanchie
depuis belle lurette, écoutant ce qu’on dit d’elle, et ne fait que sourire doucement.
Pourquoi dit-on qu’elle est douce alors qu’elle comprend tout et
qu’elle sait le nom de toute chose, quel jour on est et combien de
pommes a données le verger de Maria, combien de nouveau-nés il y a eu au village entre deux Noëls et combien il y a eu de morts ?!
Au conseil du village, on consulte le registre pour ce genre de
renseignements, alors que Daroussia tient tout dans sa tête. Elle parle
mieux aux poules qu’aux gens. Les arbres la comprennent, les chiens
la laissent tranquille, mais les gens — non. Ils n’arrivent pas à la
laisser seule.
Mais elle n’a pas envie de parler aux gens, car ils pourraient alors
lui donner un bonbon.
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— Oh, ma chère commère, ma Vassutka dorée... La vie, c’est comme
une rose à trois couleurs, disait autrefois ma belle-mère, que Dieu l’accueille
dans Son royaume. Et moi, j’étais jeune et stupide. Je me disais, elle doit
voir triple pour dire des choses pareilles. Et elle disait, ma belle-fille, tu crois
que la rose est rouge. Et non. C’est pour ça qu’elle s’appelle triple. La vie
aussi est pareille. Parfois noire, parfois jaune, et puis soudain elle devient
rouge. Personne ne sait quelle couleur sortira demain. Tu t’attends à une
chose, et c’est une autre qui se présente. Oh, le Seigneur a dû longuement
réfléchir pour inventer des punitions pour les gens. Il a dû bien songer et bien longtemps. Et nous, on ne sait même pas pourquoi...
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Cette fois, l’Allemand n’a pas organisé de danse sur la place, il a
juste défilé en direction de Vyjnytsia derrière les camions recouverts
de vert, et les habitants de Tcheremochné sont allés vaquer à leurs
occupations comme avant. Car personne n’avait annulé la
surveillance des animaux, les travaux dans les champs ou dans les
bois, la naissance des enfants et l’enterrement des défunts. Même
pendant la guerre.
Les mêmes postoly de peau de cochon épaisse qu’avant la guerre,
ou même, encore pires, de la nouvelle-ancienne administration
roumaine, étaient en dissonance avec les bottes cirées de l’Allemand
disparu, mais Tcheremochné en avait vu d’autres : plus d’un maître
hautain s’assurait le soutien de la misère uniquement pour avoir plus
de poids au village et, plus précisément, afin de disposer d’une force
de frappe. Les nouvelles anciennes règles étaient les mêmes, les coups
de bâton parfois encore plus douloureux et, désormais, on avait
l’interdiction absolue de toute politique.
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Et, en un instant, Mykhaïlo s’est aperçu que son village devenait
aussi silencieux que le Tcheremochné de l’autre côté de la rivière,
même si le village ne comptait pas davantage de morts et n’était pas
décimé par la peste. Comme par le passé, les gens célébraient les
mariages, les fêtes religieuses et les baptêmes, mais les réjouissances
étaient devenues plus courtes et moins lumineuses, et le village
semblait plus triste et peu causant, pareil à une femme qui a trop
pleuré les six premiers mois après la mort de son mari.
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L’ancienne école roumaine avait été transformée en salle de
lecture, mais personne n’y allait, car ceux qui voulaient lire se
rendaient toujours en cachette dans l’ancienne Prosvita 5, interdite
désormais par les Soviets comme elle l’était par les Roumains. Et la
salle de lecture était remplie de force, pour faire entendre de la
bouche du nouveau lecteur ce qui se passait dans le monde. On y
projetait aussi de temps à autre un film. Mais là, pas besoin de prier
les gens deux fois : ils y allaient tout seuls, ils couraient pour voir leurs
semblables parler depuis la toile blanche et se mouvoir comme des
vivants. Certaines femmes perdaient connaissance, les hommes
trituraient leur moustache, préférant garder le silence. Il ne se
produisait rien de bon dans le monde. À côté, en Pologne, la guerre
faisait rage. Et les vieillards antiques prédisaient grâce à leurs rêves
prémonitoires que le feu allait bientôt venir tout près, peut-être même
dans leur village.
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— Dites-moi, Matronka, pourquoi pleurez-vous ? Que me
cachez-vous ?
— Je pleure par avance, mon cher Mykhaïlo... mon cœur pleure à
l’avance...
— Matronka, ma mère, paix à son âme, m’a dit un jour qu’on ne
peut pas pleurer à l’avance, car on peut provoquer le malheur.
— On n’a pas besoin de provoquer le malheur. Le malheur nous
entoure. Seulement il est comme la mort, invisible...., énonçait
étrangement Matronka en se détournant contre le mur.
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— Eh-eh-eh..., disaient parfois les vieux, il n’est point permis de
s’aimer comme ces deux-là. Ils ne font même pas attention aux autres... car
personne, même Dieu, n’aime que l’homme ne vive que pour se réjouir. Tant que l’homme est sur terre, il doit souffrir. Il se réjouira au ciel.
— D’ici à ce que vous alliez au ciel, toute la réjouissance peut être déjà
prise par les autres. Il faut donc en profiter tant qu’on est vivant. Mais ce
que je veux vous dire... est-ce que ces deux-là ont fait du mal à quelqu’un ?!
Et puis ils sont encore très jeunes... ils ont encore le temps de goûter au
malheur. Trop tôt ils ont été frappés, trop tôt. Ou sont-ils en train d’expier
les péchés des autres ? Car c’est bien ainsi... le péché suit l’homme jusqu’à
la septième génération. Ne croyez donc pas, commère, que les choses soient aussi simples.
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— ... Je veux pas pécher, commère chérie, mais il me semble que
Matronka n’est pas très nette... Il se peut qu’elle soit une sorcière, très chère, même si elle a l’air gentille et travailleuse... Et si cette nuit-là elle s’était transformée de femme en sorcière, et que quelqu’un l’avait vue alors que c’est interdit, Dieu nous en garde, d’y assister... Et que c’est pour ça que
c’est arrivé... et si elle avait rôdé dans les forêts la nuit pour un sabbat des
sorcières comme elle. Nous ne savons pas qui sont ses père et mère. Et si elle est du mauvais sang ? Si on pouvait la regarder de dos le soir, peut-être
qu’on ne verrait que des viscères et des entrailles.
— C’est sans doute pour ça que Mykhaïlo était comme frappé. Vous
vous souvenez, Ivan de Kinachka avait tout autant perdu la tête. Mais il a
été frappé par du bois de prunier. Et il n’y a rien de pire que d’être enfumé
par le bois de prunier. Heureusement qu’il a été retrouvé par sa femme. Et si elle n’était pas revenue le matin de chez son chéri, elle aurait tout perdu, son mari comme son amant. Car c’est comme ça. L’amant aime sa maîtresse
tant qu’elle a un mari légitime. Sinon, il regarde ailleurs.
— Qu’est-ce que je vais vous dire, Paiutka... Vous en avez déballé trois
sacs de mystères et encore deux sacoches. Seulement on ne sait pas où est le mensonge et où est la vérité. J’ai déjà oublié par quoi vous avez
commencé... Vous dites vrai, tout est possible. Mais elle n’a pas l’air d’une
sorcière. Un point c’est tout. Qu’elle soit en bonne santé, mais je vous donne ma tête qu’elle n’est pas une sorcière. Elles ont toujours un visage rouge, alors que le sien est comme recouvert de crème par-dessus la cire. Elle manque de sang plutôt, on dirait...
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— Mais, dis-moi, est-ce qu’il y a feu et flammes quelque part
qu’ils courent comme cela et ne font que jouer avec les nerfs des
gens ? Lorsqu’un nouveau pouvoir arrive à prendre la tête aux gens,
Misko, il doit être respectable et serein, pour calmer la population s’il
veut que le bonheur règne là où il arrive. Et quand c’est comme ça, à
la va-vite et à la va-comme-je-te-pousse... On l’a déjà vu plus d’une
fois.
« Moi je dis, s’ils sont venus, eh bien, c’est comme ça. Alors
réunissez les gens. Expliquez-leur le pourquoi du comment. Car ils ne
sont pas encore arrivés, mais leur réputation est déjà là. Il y avait une
telle famine en Ukraine, est-ce qu’ils nous en ont parlé ? Non. On a
raconté qu’on a pris et puis expulsé tant de bons maîtres de Galicie
que même leur famille ne sait pas où et comment ils sont maintenant.
Qui va donc leur ouvrir les bras maintenant ? S’ils ne disent pas toute
la vérité, c’est qu’il y a quelque chose. Et regarde ce qui se passe dans
le monde de nos jours. Un incendie. Et là, ils en font un tel dans les
âmes qu’on ne sait même pas comment on va l’éteindre.
« Elle a donc bien raison, Vassylyna, il n’y a rien de bon à attendre,
cherche ta femme, car c’est ta compagne et un homme n’en a pas
d’autre dans ce monde.
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