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Citations sur Daroussia la Douce (44)

Elle ne se rend chez papa qu'en marchant au beau milieu de la rue. Les voitures passent, les carrioles défilent, les gens se pressent, mais Daroussia n'en a cure : elle va chez son papa en princesse. Les futurs mariés qui se rendent à l'église ou un défunt qu'on porte au cimetière ne céderont le moindre pas du milieu de la rue et personne ne viendra contredire cette tradition. Pourquoi Daroussia ne pourrait-elle pas faire de même ?
Elle avait même demandé autrefois à papa pourquoi la future mariée se rend à l'église comme si toute la rue appartenait à elle seule.
-Car avant le mariage, elle est une princesse, répondit papa.
-Et après le mariage? demanda Daroussia.
Le papa a soupiré on ne sait pourquoi : - Une femme malheureuse.
Tant que Daroussia ne sera pas devenue malheureuse, elle ira toujours chez papa en princesse. Et personne n'a le droit de l'en empêcher.
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La vie, sans doute, comme les hommes se vengent du bonheur.
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Mais à peine les bons propriétaires ont-ils fait venir à Koniatyn,
loin de chez eux et dans les hameaux environnants, le gros bétail et les
cochons qu’il a fallu revenir : le front a traversé Tcheremochné
incroyablement vite, sans le toucher, et s’est dirigé à l’ouest vers
d’autres lieux.
Et les gardiens et les bergers de Tcheremochné ont rebroussé
chemin avec leur bétail, maudissant une nouvelle fois la guerre,
l’Allemand et leur destin.
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« Vous ne vous y connaissez pas tellement, car une femme à la
maison n’est pas forte pour ce qui est de la guerre et ne comprend pas
grand-chose aux affaires militaires. Mais regardez juste : les Roumains
ont pris les hommes pour la guerre-abattoir, et qui sait combien en
seraient revenus et si les corbeaux n’avaient pas déjà dispersé leurs os
blancs ? Et s’il y en a qui reviennent, qu’est-ce qui se passera ensuite ?
Mais écoutez bien ceci, ma bonne dame, cela veut bien dire quelque
chose si les Roumains ont déguerpi sur l’ordre allemand comme
autrefois les Moscovites : ni vu ni connu ?! Ils étaient là plus de vingt
ans et l’Allemand en une seule journée les a chassés comme la
poussière d’une remise. C’est pas pour rien si, au lieu des Roumains,
les Magyars aujourd’hui filent dans les villages et gâtent nos filles.
C’est que peut-être l’Allemand ne fait pas tellement confiance aux
Roumains et préfère tenir le front avec ce maudit Magyar. Onoufriy
Matios est descendu ces jours-ci d’Okolena et raconte que tout
Okolena a été creusé de tranchées, et qu’une autre ligne est en
préparation du côté de Sirouk. C’est que, d’ici un jour ou deux, il y
aura un grand massacre... Quelque chose a changé du côté du front,
vous l’entendez bien, les canons approchent. Et si les canons tirent du
côté de Berehomet, c’est que l’Allemand a pris la décision de fuir chez
lui. Et si l’Allemand se retire, c’est que le front approche et que le
village peut être évacué. L’Allemand est bien ordonné... Je ne dors
pas la nuit et écoute la terre bouger, et je ne fais que retourner les
choses dans ma tête. Je pense à tout, Maria...
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Les brebis blanches paissent sur un lijnyk de verdure, faisant tinter leurs clochettes comme si elles envoyaient un signe depuis le paradis.
Les chevaux tricotent avec leurs oreilles et chassent les parasites.
Les faucons argentés au soleil sont suspendus au-dessus de sa tête.
Le vent agile berce les tiges.
Les monts et les plaines sont dominés par le silence de l'univers.
Une envie de mourir ou de chanter.
Une béatitude.
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Donc, des deux côtés du Tcheremoche, peu profond au printemps
et débordant en été, mais, indépendamment de la saison, toujours
rapide et bavard, étaient nichés entre collines et monts boisés, comme
dans la gorge profonde d’une femme, deux villages de montagne au
nom identique : Tcheremochné. Si l’on pouvait les regarder à vol
d’oiseau ou au moins du milieu de la rivière, on s’apercevrait que les
deux villages se faisaient face, se reflétant comme un visage dans un
miroir. Depuis la nuit des temps, les habitants des deux
Tcheremochné parlaient presque la même langue maternelle,
joignaient les mains pour le même « notrepère », célébraient le même
jour Noël et Pâques, leurs vêtements aussi étaient identiques, leurs
serments et leurs remerciements, seules les salutations des gens des
deux côtés de la rivière différaient légèrement et c’était probablement
leur unique dissemblance.
Mais de temps en temps leurs terres ancestrales passaient d’un
État à l’autre, comme une femme sans volonté qui échouait à un
homme plus chanceux, c’est pourquoi de temps à autre, et pendant
de nombreuses années sédimentées parfois en siècles, ceux qui
habitaient au pied de deux montagnes jumelles étaient séparés par
une frontière qui passait au milieu de la rivière, non concernée par ce
genre de modification.
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Il portait sa guimbarde à ses lèvres, s’installait sur le seuil de la
maison et jouait un long moment, tout en regardant Daroussia les
bras croisés sous la poitrine. Il n’avait de cesse de penser, penser...
Quelle souffrance faut-il supporter pour vivre une telle vie : ne pas
connaître l’homme, ni les règles, n’entendre rien de bien des gens ni
n’en recevoir, excepté peut-être de Maria ?! Ne pas pouvoir pleurer-
sangloter, crier, rire, être une momie vivante, avoir dans la tête une
plaie béante comme provoquée par une balle et ne pouvoir en parler,
seulement penser, penser. Quelqu’un d’autre aurait oublié depuis
longtemps, et elle souffre, comme la martyre Catherine...
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Daroussia colle doucement son oreille contre terre mais, soudain,
saute sur ses pieds. Elle cherche frénétiquement autour d’elle, puis se
frappe le front, enlève de ses épaules la moitié de lijnyk 7 usé et en
recouvre le bas de la tombe, comme si elle enveloppait les pieds gelés
de papa. Lui, qui a tant souffert du froid, qui a tant travaillé sa vie
durant, pourrait-il avoir chaud juste avec de la terre et de l’herbe ?
Lorsque Daroussia entre dans l’eau jusqu’à la taille ou s’immerge
à moitié dans un trou creusé, elle ne cherche pas la chaleur, mais un
salut pour sa tête. Elle entre dans l’eau ou dans la terre, pas pour
longtemps, juste le temps que le feu quitte sa cervelle. Mais si elle
devait rester des années dans la terre glacée, comme papa, elle
chercherait peut-être aussi de la chaleur.
Et voilà, maintenant que la voix de papa a dit qu’il avait froid, elle
décide de le réchauffer un petit peu. Elle caresse à travers la glaise sa
poitrine émaciée, elle prend un à un ses doigts, coiffe ses cheveux. Et
puis elle fait la fête. Et l’église la plus peuplée du village n’est pas
aussi joyeuse que la fête de Daroussia avec papa en ce lieu.
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Elle n'allume jamais de cierge car il brûle toute présence humaine aux environs. La flamme ne fait pas que chasser les méchants esprits, mais aussi l'esprit de l'homme qui n'a pas toujours été mort. Et lorsque l'esprit s'évanouit, on languit de moins en moins de l'absence de la personne disparue, jusqu'à ce qu'on l'oublie définitivement.
C'est pourquoi Daruossia n'aime pas les gens qui brûlent des bougies sur les tombes. Ils cherchent à se débarrasser au plus vite de la douleur qui transpire de la triste glaise des tombes. Les gens cherchent à échapper la tristesse qui s'insinue dans les moindres recoins de l'âme dès l'instant où l’œil croise une croix. Les gens n'aiment pas la souffrance. Ils n'aiment rien, de toute façon.
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Il n'y a pire qu'un homme bon dont la raison se voile du soupçon d'infidélité. Ni le sang qui inonde le cerveau lors de la maladie, ni la douleur physique, ni la disparition d'une personne proche, ni la plus grande perte, ni le feu ni l'eau ne rongent un homme jaloux comme le fait une pensée, minuscule comme une puce et aiguë comme la pointe d'un poignard , qu'un autre homme -un étranger- connaisse sa femme.
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