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Critique de Gruizzli


John Fante est un auteur que j'aime car il arrive à caractériser les loosers comme personne. Chez John Fante, aucune grandeur d'âme n'est à attendre, aucune rédemption, aucun espoir d'amélioration. Comme souvent, son alter ego est un personnage détestable que l'on prend en pitié plus parce qu'il est pathétique que parce qu'il est émouvant. Mais rendre un tel personnage pathétique et pourtant donner envie de lire la suite est franchement une prouesse.

Si j'avais déjà lu l'histoire il y a longtemps, je n'en avais aucun souvenirs. Et pourtant à la relecture je me suis retrouvé très vite plongé dans l'ambiance et le récit. John Fante rend le récit prenant presque sans effort, et son Bandini (un alter-ego à peine voilé de l'auteur) est monstrueux de banalité ordinaire. C'est ce qui m'a frappé d'emblée : Bandini est ce monsieur tout-le-monde, insignifiant et oubliable, celui qu'on a croisé des centaines de fois dans sa vie et qu'on a oublié aussitôt. Ce monsieur qui s'invente une vie, aimerait vivre mieux, croire un instant qu'il vaut mieux que ce qu'il est. Et ce qu'il est reste un auteur raté, un petit écrivain de scénarios passables qui ne sait ni s'exprimer avec ses enfants et qui a souvent des soucis avec sa femme. Et arrive le chien.

Ce chien est génial, un des meilleurs éléments du livre. Symbole de tout ce que l'écrivain voudrait être, ce chien saute sur tout ce qui bouge par passion sexuelle, gagne tout ses combats et passe sa journée à dormir sans vouloir bouger. Et Bandini va l'adorer.
En fait, le récit se concentre sur la relation avec les enfants : quatre enfants, quatre façons d'être parent. Et aucune n'est bonne, d'ailleurs. Mais ce chien symbolise beaucoup de choses, jusqu'à une fin assez douce amère. le chien retrouve l'amour maternelle alors que la famille est définitivement rompue et que les parents sont seuls. Je trouve que l'image finale, de ce père seul pleurant devant un chien dont il n'arrivera jamais à gagner l'amour est assez parlante et triste.

Ce récit semble avoir été écrit plus tardivement par John Fante, on y sent le poids de la paternité, de la solitude après la parentalité mais aussi la fin de vie triste d'un homme qui se rend compte de sa propre petitesse dans un monde merveilleux mais factice. Ce roman est aussi une réflexion sur les banlieues américaines qui paraissent minables. Embourgeoisés dans leurs belle maison, tristement parents, hargneusement voisins, les personnages de Fante semblent évoluer dans la version cauchemardesque de la classe moyenne américaine, cette fameuse Amercan Way of Life vendue par la publicité et les séries de l'époque. John Fante la renverse et en montre le racisme, le sexisme, l'homophobie, la tristesse, la solitude, l'alcoolisme, la fracture générationnelle mais aussi la mesquinerie, les jeux de pouvoir ridicules et l'horreur banale du quotidien. Je pense que la tristesse de la fin du livre vient aussi de ce que le constat de ce chien ayant trouvé son bonheur s'oppose à Bandini, jamais heureux, mais aussi à ses enfants qui n'auront sans doute jamais la chance de le connaitre non plus. La faute à qui ? A tout, semble dire John Fante.

Un roman assez noir mais qui ne m'apparait pas non plus comme le meilleur de l'auteur. J'ai trouvé "Demande à la poussière" plus impactant notamment dans sa fin. Cela dit, ça reste un bon livre, prenant et drôle par moments, mais terriblement pathétique et un cruel constat amer sur le rêve américain et la réalité de la classe moyenne.
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