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Critique de AugustineBarthelemy


Depuis le début de l'année, je retrouve le goût des romans gothiques et fantastiques. Après Invitation au crime de ce cher Le Fanu, une incursion dans le recueil Les Fantômes des Victoriens, je me suis attaquée à un grand classique du genre, à la frontière entre le gothique et le fantastique : Melmoth, l'homme errant, paru en 1820.

C'est sous une pluie battante que le jeune Melmoth se rend au domaine de son oncle, dernière famille qu'il lui reste, pour assister à son trépas. Il se souvient en chemin de la froideur et de l'indifférence que son oncle lui portait, ne voyant en lui qu'un enfant ennuyeux et une source bien embarrassante de dépenses pour un homme dont la seule passion fut l'avarice, le jeune Melmoth découvre à son arrivée un domaine en ruine où il est accueilli par des domestiques qui veillent leur maître. L'angoisse est palpable dans la cuisine miteuse où l'on s'active à préparer le repas : le bruit court que le domaine est hanté, que l'on voit un homme entrer et sortir à sa guise de la chambre du maître.

Au seuil de la mort, l'oncle se confie enfin à son neveu : dans le petit cabinet qui jouxte sa chambre, le jeune Melmoth trouvera un portrait accroché au-dessus d'un buffet. Dans un des tiroirs dudit meuble, il trouvera une lettre manuscrite. Il lui ordonne de jeter le portrait au feu, et lui laisse le choix pour la lettre : il devra la détruire, mais il peut la lire, bien qu'il lui conseille de la mettre au feu sans jamais la déplier. le portrait, c'est celui de son aïeul, et le jeune Melmoth est troublé par son regard pénétrant et glaçant, qui semble sonder votre âme et en connaître tous les secrets. Un trouble qui ne fera que s'accroître quand, au moment du trépas de son oncle, il apercevra à plusieurs reprises l'homme du portrait entrer et sortir de la chambre !

Ni tenant plus, le jeune Melmoth est bien décidé à percer le mystère de cet homme qui terrifie toute une région. Il pense trouver une réponse dans la longue lettre manuscrite : ce sont en fait les mémoires d'un Anglais, Stanton, ayant effectué un voyage dans l'Espagne des années 1670, une terre catholique bien dangereuse pour un Réformé… Au cours de ce voyage solitaire, il rencontrera un étrange cortège funèbre : une jeune fille et son amant ont été foudroyés ! Et si la vue de ces corps semble provoquer l'affliction de tous, seul un homme ose rire de ce triste spectacle. Un rire qui glace le pauvre Stanton. Il trouve refuge auprès d'une Espagnole qui lui raconte à son tour une funeste histoire : une mariée morte le jour de ses noces, le prêtre ayant officié étant lui-même décédé et le jeune époux ayant été rendu fou. Et parmi les invités, un inconnu, un Anglais, dont la seule présence a suscité l'épouvante de tous ! Sornettes superstitieuses de catholiques pour le brave Stanton mais il ne peut s'empêcher de faire le lien avec cet homme et son rire sardonique devant le piteux spectacle des amants foudroyés. Une funeste curiosité le pousse à vouloir rencontrer celui que tous appellent Melmoth. Un voeu qui finira par le mener à un asile d'aliénés, où Melmoth lui apparaîtra enfin, attiré par le désespoir de Stanton. Il lui proposera un pacte si odieux que le pauvre infortuné en sera si épouvanté qu'il la rejettera, préférant finir ces jours parmi les fous.

Le récit, incomplet à plusieurs endroits, se termine brutalement. le jeune Melmoth, loin de trouver les réponses recherchées, se retrouve avec de multiples autres questions. Son effroi n'a fait que s'accroître, tout comme la curiosité du lecteur, attisée par les phrases et passages manquants. Car Maturin sait ménager le suspens de son récit et introduit lentement mais sûrement une ambiance lourde et angoissante, où l'on frôle le surnaturel avec la présence inquiétante de cet homme que l'on devine volontiers maléfique.

Très honnêtement, je ne vais pas proposer un résumé plus détaillé de Melmoth puisque le roman est une succession de récits enchâssés. Toutes les histoires seront centrées sur les hommes ou les femmes que Melmoth essayera de corrompre. le roman reprend les motifs classiques du roman gothique : ruines imposantes, présence hostile de la nuit, tempêtes et orages déchaînés, emprisonnement dans des geôles sordides, tortures et pacte infernal, recherche d'un certain exotisme puisque les récits se situent entre l'Inde et l'Espagne, pays qui servira à introduire un discours contre la religion catholique avec une critique acerbe de la vie monastique et de l'hypocrisie des prêtres, plus préoccupés par leur pouvoir que par leur ministère (thème qui rappelle au choix La Religieuse de Diderot ou le Moine de Lewis), histoire d'amour ténébreuse entre l'innocente Immalie et le diabolique Melmoth, toujours prêt à utiliser la séduction pour entraîner la chute des hommes. Cette dernière illustrera parfaitement un discours sur la corruption des hommes par la société, car Immalie est une âme pure qui vit sur une île déserte et qui tombe sincèrement amoureuse de l'Irlandais, ignorant ce qu'est le Mal.
Finale

Comme vous vous en êtes certainement aperçu, Melmoth est un roman particulièrement dense, presque tentaculaire, aux nombreuses descriptions psychologiques et aux considérations religieuses omniprésentes. Pour un lecteur moderne, c'est parfois un peu lourd et redondant, voire même dépassé. Mais jamais vous ne lâcherez ce livre, car le suspens est réel, et le personnage de Melmoth, ce tentateur de l'humanité, est plus fin qu'il n'y paraît. Il n'est pas une figure monolithique du mal, on peut même penser à plusieurs reprises qu'il a envie d'échouer dans ses oeuvres. N'apparaissant qu'aux plus désespérés, il ne provoque jamais directement leur malheur, le plus souvent, les hommes sont victimes d'eux-mêmes et de leurs désirs, à l'instar de Melmoth qui paye chèrement sa curiosité et sa volonté d'avoir voulu accéder à des connaissances qui doivent échapper à l'homme.
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