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Robert Mauzi (Éditeur scientifique)
EAN : 9782070360574
378 pages
Gallimard (16/03/1972)
3.88/5   1269 notes
Résumé :
Publié sans nom d'auteur, interdit il y a quelques années au cinéma, La Religieuse fait toujours scandale ; or, ce livre, disait Montherlant, « est à peine licencieux et n'est pas du tout frivole mais au contraire très grave ».

Inspiré par une histoire vécue, Diderot imagine que la religieuse Suzanne Simonin raconte ses mésaventures en 1760. Spoliée de sa dot, elle séjourne dans trois couvents successifs. La première supérieure est cupide, la deuxièm... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (120) Voir plus Ajouter une critique
3,88

sur 1269 notes
Enfin un philosophe qui sait être passionnant : c'est un superbe roman, lisez-le !
Suzanne a été conçue en dehors du mariage. Ses deux demi-soeurs sont bien dotées pour le mariage, pas elle. Sa mère l'oblige à payer sa propre "faute" en étant religieuse toute sa vie, elle qui voulait être libre. Au moment de faire ses voeux, sa mère lui fait du chantage, et en plus Suzanne a une mère supérieure sadique qui ne lui demande même pas son avis. Cette femme, par la suite, la harcèle de brimades et de lesbianisme...
.
En plus d'être un thriller digne de ceux de John Grisham (en réchappera-t-elle ? ), ce livre est un violent pamphlet contre la religion catholique. Une mère supérieure a t-elle le droit d'être méchante, alors que "Dieu est amour" ? Peut-on forcer quelqu'un à rentrer dans les ordres ? Denis Diderot connait bien le "milieu", lui qui a failli devenir prêtre. Sur la fin de sa vie, en 1780, après avoir collaboré à l'Encyclopédie, il écrit ce livre violent, en se rappelant sans doute sa jeunesse et la vie de sa petite soeur Angélique, morte folle au couvent. Mais il s'est méfié des institutions religieuses, encore très puissantes au XVIIIè siècle, et a laissé cet écrit sans le diffuser. La publication sera posthume.
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Le "Siècle des Lumières" et des philosophes est une ouverture de la pensée. Ces philosophes, Diderot, Voltaire, D Alembert, Rousseau, etc.. semblent envoyer un message au peuple :
"Arrêtez d'être aveuglés par la liturgie sombre, qui sanctionne et fait chanter sous peine d'aller en enfer. Ouvrez vous à la Connaissance (c'est une co-naissance, une deuxième naissance ), et à une autre vision de Dieu et de Jésus.
"Jésus a-t-il institué les ordres de moines et de religieuses ?" questionne Diderot. Non, les hommes ont inventé, ont créé artificiellement les ordres et la liturgie, pour soumettre le peuple à leur volonté. Les "hommes de Dieu" sont aussi pourris que les autres".
.
La mort affreuse de la supérieure semble être une sanction de Dieu.
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Voltaire et Diderot sont déistes. Moi aussi. Normal, entre Denis ! ... : )
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Bien-sûr, ce récit est une fiction, puisque le témoignage de Soeur Ste Suzanne, alias, Suzanne Simonin, est destiné à être lu par un certain marquis de Croismare dans le but de l'attendrir et le faire revenir de Normandie afin d'égayer la bonne société parisienne.
Toutefois, comme le signale l'auteur de la préface, Robert Mauzi, « que de patrimoines furent sauvés par une vocation opportune ; et que d'enfants naturels refoulés dans le néant des cloîtres ! » Cette pauvre Suzanne Simonin rassemble à elle seule, les deux conditions, enfant naturel devant expier les fautes de sa mère, et bien gênante pour la succession. En lisant les horreurs perpétrées par les soeurs de Longchamps, j'ai été tentée de me dire qu'il ne s'agit que d'une fiction, et que Diderot ajoute du sensationnel au témoignage de Suzanne, mais en fouillant un peu, on apprend que ce récit est inspiré de l'histoire de Marguerite Delamarre, religieuse qui alimenta les conversations vers 1750, et que Diderot a pu s'inspirer de sa propre soeur, entrée au couvent et devenue folle.
Si je m'en tiens au roman sans trop me poser de question, je peux affirmer que cette lecture m'a fait passer par des sentiments de pitié, de révolte, de colère, de tristesse. La mère supérieure de Longchamp est un monstre. certes, au XVIIIème siècle, on ne parle pas de psychologie, toutefois on était capable d'empathie et de compassion. Rien n'excuse donc le comportement de tels tortionnaires. le tort de Suzanne, ce fut de ne pas se sentir appelée au affaires religieuses pour son plus grand malheur, car quel être humain est capable de résister aux souffrances physiques et morales qu'elle se voit infliger ? de ce point de vue, ce roman est marquant et ne peut laisser indemne.


Faut-il y voir des prémices de rébellion contre la religion ? La révolution française approche, les philosophes remettent en question le fait religieux et s'élèvent contre l'oppression générée par l'Eglise. Oppression plus qu'évidente dans le roman de Diderot, le couvent y devient un microcosme de l'Eglise, avec sa hiérarchie, les croyances quelle insinue, le contrôle des pensées des individus, l'austérité, l'abus de pouvoir lié à cette hiérarchie.


le personnage de Suzanne est très intéressant, Jeune femme cultivée, intelligente, certaine de son « non engagement », résolue à défendre ses idées contre vents et marée, argumentant finement pour le plus grand plaisir du lecteur, résistante et parfois ingénue, elle constitue à elle seule toute la trame du roman.


Ce récit, s'il peut parfois heurter la sensibilité d'un lecteur, n'en demeure pas moins un roman incontournable bien qu'il ne soit pas toujours de lecture facile, certaines tournures de phrases pouvant sembler ambiguës au gens du XXIème siècle que nous sommes, et le vocabulaire propre au cloître et à la pratique religieuse difficile à assimiler.


Je ne regrette pas ce moment de lecture édifiant renfermant d'intéressantes notions de philosophie ainsi que des dialogues très riches et intéressants.

Challenge multi-défis

Lien : https://1001ptitgateau.blogs..
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Je ressors de cette lecture toute agitée. Tellement de sentiments se bousculent dans mon coeur. La Religieuse m'a complètement retournée. J'ai lu ce livre d'une traite, je n'arrivais pas à le lâcher tant l'histoire était intéressante et captivante. La jeune Suzanne devient religieuse contre son gré car elle est le fruit d'une passion adultère. Elle sait que ce n'est pas une voie qui lui est destinée alors elle décide de révoquer ses voeux dans l'espoir de sortir au plus vite du couvent. Ce récit est extrêmement moderne, Diderot a eu l'audace de publier un livre alors qu'il savait que sa sortie provoquerait la censure et la violence. J'aime le cynisme de Diderot, il ne mâche pas ses mots et fait une satire directe des couvents mais aussi de la condamnation des enfants illégitimes. L'engagement de l'auteur n'est pas contestable, il évoque un destin terrible et malheureux. J'avais l'impression d'être M. le marquis de Croismare, je recevais cette demande à l'aide de Suzanne et je ressentais une forte empathie pour elle. L'étude des moeurs religieuses est très bien menée dans ce livre, la vie au couvent est peinte avec beaucoup de réalisme, on s'y croirait presque. L'histoire est formidable, merveilleusement bien écrite et sans pathos. On est révolté tout au long du récit pour cette innocente qui a été condamnée à un destin funeste suite au péché de sa mère. Ce livre est un classique que je recommande chaudement et que je relirai dans quelques années.
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Je me suis jeté avec dévotion et gourmandise vers La Religieuse que voici, en tout bien tout honneur bien entendu. Étant agnostique, c'est avec une distance vis-à-vis du fait religieux que je suis venu vers ce roman dont j'entendais parler depuis des lustres, avec néanmoins une curiosité sans entrave.
Traînant dans les brocantes et les vide-greniers, j'ai découvert il y a quelques mois une très belle édition, un très bel objet au sens physique. L'édition du roman que je viens de lire n'est pas si ancienne que cela, - elle date de 1974, comportant notamment de magnifiques et éloquentes gravures, un exemplaire édité chez Jean de Bonnot. Je vous assure ne pas m'y être trop attarder, plus que de raison...
Et quel ne fut pas tout d'abord mon étonnement de découvrir la langue, l'écriture de Denis Diderot, que je connaissais vaguement. Sur les bancs de l'école, en culotte courte, j'avais déjà étudié Jacques le Fataliste. La langue française est tout d'abord ici de toute beauté, j'y ai senti une écriture enlevée, moderne, fluide, légère, pas étouffe-chrétien pour deux missels...
Mais il y a aussi la justesse du propos et des sentiments.
Ici le personnage principal s'appelle Suzanne, - petite pensée émue au passage pour ma regrettée et dévote maman qui s'appelait Suzanne avec laquelle ce sujet était source de petites joutes verbales mais toujours respectueuses l'un pour l'autre, et j'ai une seconde raison d'aimer ce prénom car un de mes chanteurs préférés s'appelle Léonard Cohen... Mais voilà déjà que je digresse...
Or donc, nous sommes au XVIIIème siècle, une jeune fille du nom de Suzanne Simonin est contrainte par ses parents de prononcer ses voeux au terme de son noviciat. En effet, pour des raisons de dots qui pénaliseraient ses deux soeurs, ceux-ci ont préféré enfermer leur fille au couvent. En réalité, Suzanne est une enfant illégitime et sa mère espère, en l'écartant, expier sa faute de jeunesse... C'est dans une première communauté qu'elle va rencontrer et se lier d'amitié avec une supérieure mystique, qui décèdera peu de temps après. La période de bonheur et de plénitude s'achève pour l'héroïne avec l'arrivée d'une nouvelle supérieure. Au courant que Suzanne désire rompre ses voeux et que pour ce faire, elle a intenté un procès contre la communauté religieuse qui l'accueille, la supérieure opère un harcèlement moral et physique sur Suzanne. L'infortunée subit de l'ensemble de la communauté, à l'instigation de la supérieure, une multitude d'humiliations physiques et morales. En perdant son procès, Suzanne est condamnée à rester au couvent. Cependant son avocat, Maître Manouri, touché par sa détresse, obtient son transfert au couvent Saint-Eutrope... Cette troisième étape est l'épisode le plus long et le plus fameux du récit. On y découvre l'entreprise de séduction de la supérieure à son égard... Voilà pour la trame et le début du roman, ce roman est une longue lettre, une forme de confidence où le personnage de Suzanne raconte ses malheurs, auprès d'un marquis, le marquis de Croismare, censé plaider sa cause, évoquant notamment la persécution des jeunes filles dans les couvents.
Depuis toujours, il a traîné autour des institutions religieuses féminines une réputation libertine et sulfureuse que certains blagues potaches ont longtemps moqué avec ironie.
Le saint cierge était ainsi considéré comme un objet aux multiples fonctions, même Georges Brassens en a fait état dans sa célèbre chanson, Mélanie... Et le caractère communautaire de ces institutions pouvaient transformer le plaisir solitaire en rite de partage. Ici la gaudriole n'est pas le style choisi par Denis Diderot. Les caresses ne sont pas toujours des gestes affectueux, loin s'en faut, même si le bienveillant philosophe effleure quelques vertiges sensuels ; mais l'enfermement, l'aliénation, la domination, la prédation, le malheur qui en ruisselle, sont plutôt ici le propos de l'auteur...
Je vais vous faire une confession : j'ai adoré La Religieuse. Conte grivois pour les uns, satire de la pratique religieuse en communauté pour les autres, j'y ai vu une histoire douloureuse, un beau récit bien charpenté, au-delà du libertinage et du conte satirique, on peut y voir aussi une réflexion presque intemporelle, qui nous invite à faire un pas de côté sur le temps d'aujourd'hui et le regarder avec la pensée, les yeux et les mots de Denis Diderot. La Religieuse est aussi et surtout une chaleureuse apologie de la liberté individuelle. Et ce thème, bien sûr, est totalement intemporel.
Denis Diderot était anticlérical et cette oeuvre l'est aussi par excellence, mais le respect qu'il porte au personnage de Suzanne dans ses croyances est magistral. Denis Diderot, chantre des Lumières, ne pouvait pas avoir d'autres positions que celle-ci : anticlérical dénonçant les méfaits de la communauté religieuse au sens du lieu physique qu'est un couvent et des institutions qui régissent le pouvoir politique qui leur était confiée notamment au XVIIIème siècle, mais se faisant aussi apôtre de la liberté individuelle, car La Religieuse est une ode à cette liberté de choisir son destin, celle aussi de croire ou de ne pas croire en Dieu. L'aliénation religieuse créée par l'univers conventuel y est dénoncée de manière polémique. Diderot prête sa voix et ses idées à Suzanne, qui, contrairement à l'auteur, est une croyante convaincue.
Certes Suzanne est croyante, mais elle se bat et se débat dans un milieu qui devrait être en harmonie avec sa croyance et qui se relève en définitive hostile. Il égratigne la pratique, il ne touche pas celle qui croit. Grand respect !
Ce que j'aime dans ce texte, c'est la révolte justement, la révolte d'une jeune fille. Suzanne, c'est celle qui dit non, qui désire rompre ses voeux, qui se lève au sein de cette communauté, quel merveilleux personnage féminin plein de courage en une période où le pouvoir était religieux et tenait les gens par la calotte !
Suzanne a intenté un procès à la communauté, dénonçant par son acte le bien-fondé des cloîtres et de l'univers conventuel, ce n'est pas rien, c'est délicieusement subversif... Il y a ici aussi cet avocat touché par la détresse de la jeune femme et qui va l'aider, malgré les difficultés, les forces contraires, les rebuffades, l'échec de ce procès, l'effroyable retournement collectif qu'une supérieure est capable de manipuler à l'encontre d'une seule personne. Quelle modernité dans le propos de ce récit, mes amis, et qui nous renvoie à des choses qui font écho aujourd'hui à d'autres faits sociétaux !
Le texte de Diderot se révèle ici grave et actuel.
La soeur Angélique de Diderot est morte folle à l'âge de vingt-huit ans au couvent des Ursulines à Langres. Et si Diderot n'était pas plutôt cet avocat, Maître Manouri, défendeur d'une cause presque perdue à l'époque...? Presque...

Suzanne takes you down to her place near the river
You can hear the boats go by, you can spend the night beside her
And you know that she's half-crazy but that's why you want to be there
And she feeds you tea and oranges that come all the way from China
And just when you mean to tell her that you have no love to give her
Then she gets you on her wavelength
And she lets the river answer that you've always been her lover
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La Religieuse est un ouvrage qui m'a toujours émerveillé car en effet ,comment tant de libre pensée , de liberté d'écrire et de réflexion de manière publique? La publication fut possible alors que l'église était souveraine et que le pouvoir était absolutiste .
Offrir des portraits vitriolés et nuancés de Mères supérieures à la sensualité débordante et entrainante, ou bien tellement ascétique que au-delà de toute humanité ou encore cupide vénale et jalouse . Ces motifs sont emblématiques mais les personnalités sont beaucoup plus globales et baignent dans un questionnement très fin à plusieurs niveaux. Les études des personnages sont portées par beaucoup de finesse. Par ailleurs je précise que les films qui furent tirée de ces pages remarquables , interdiction ou non, sont des oeuvres hautement recommandables.
Sur ce texte il faut dire ce qu'il n'est pas , d'abord et avant tout . Il n'est pas un brulot endiablé contre l'institution monastique. le personnage principal , la religieuse n'a rien d'hystérique ou de vindicatif mais s'enracine dans l'expérience . La force du raisonnement de l'auteur vient de son questionnement et de ses arguments. Dans ce cadre herméneutique très net personne n'est diabolisé ou encore victimisé . Les défauts de moralité et le statut de victime n'ont pas besoin de pathos pour être éloquents et pour enrichir la réflexion autour de l'institution monastique. Pour réfléchir aussi sur la nature humaine quand elle se dévoue à la persécution ou quand les comportements comme les environnements créent des victimes malgré l'indéniable intégrité de certains ecclésiastiques .
Je préfère discuter des racines qui permettent ce climat autorisé de critique ouverte de l'univers monastique , car le texte de la Religieuse est déjà commenté ailleurs. Quelles sont donc les racines de la liberté de penser qui est la nôtre ? Il ne faut pas être naïf et s'imaginer qu'un jour un courageux quidam lève l'étendard de la liberté. Fondamentalement même quand c'est interdit , si l'étendard se lève ,c'est que la société l'autorise ou bien l'a rendu possible.
Le christ dit à Pilate : « Mon royaume n'est pas de ce monde » dès le début l'espace laïc est posé en chrétienté . Lorsque le pouvoir chrétien fait son apparition le princeps (roi , empereur … ) tire sa légitimité de Dieux par le sacre et si le pouvoir politique a la responsabilité de protéger l'Eglise et que l'église a en charge les âmes .Tous le monde doit néanmoins se conformer aux obligations coutumières ou législatives laïques. Et de fait à la sensibilité du Siècle. Aux obligations qui concernent donc, ce qu'on appelle le Siècle. L'âme du fait de sa nature individuelle est dotée (en chrétienté) par le protestantisme du libre arbitre . La contradiction de ce postulat (par la contre-réforme catholique) repends bon gré mal gré l'idée que l'âme comprend dans sa nature une liberté ontologique à choisir et une capacité à connaitre (et donc a être responsable) .La notion de justice est d'origine aristotélicienne , elle repose sur l'idée que le comportement juste et la finalité de la justice , reviennent à s'assurer que tous les êtres reçoivent justement ce qui leur revient du fait de leur nature. dont découle de fait leur statut de justiciable et le fondement de leur droits et nullement une égalité des âmes . Cependant alors que l'âme s'étoffe, ses droits s'étoffent en proportion et la justice (sa nature conceptuelle) s'élargit également en proportion, bien au-delà des nécessitées morales minimales inspirées au départ par la religion et la philosophie aristotélicienne.
Le pouvoir politique très décentralisé dans les faits sous l'ancien régime, doit nécessairement tenir compte des émotions populaires qui sont dictées par des nécessités qui ne sont pas seulement alimentaires ou matérielles , mais aussi qui relèvent de l'idée que l'obligation du Bien Gouverner autorise les justiciables à s'emparer de la quête de justice en cas de défaillances ou de détournement du politique. Enfin et historiquement , toute institution ecclésiastique est Inspirée par nature , mais la société et le pouvoir politique ,ont en charge avec la hiérarchie ecclésiale, de s'assurer que ces institutions chrétiennes soient conformes aux exigences morales qui sont façonnées par les principes théologiques mais par le Siècle aussi . C'est ainsi que nait un concept de Sens commun et de liberté ontologique qui autorise les concepts directeurs qui portent le juste et la vie en collectivité. Les Fabriques villageoises , anciennement légitimes ,traditionnelles en milieux rural incitent originellement la liberté à se formuler et à s'exprimer dans la vie politique locale sur des problématiques assez circonstanciées concernant la viabilité des terroirs et territoires. Ces problématiques assez vastes néanmoins encouragent aussi au file de l'histoire, l'idée de la nécessité de respecter une égalité proche du sens où nous l'entendons aujourd'hui . C'est ainsi que nait en partie de la pratique séculaire du monde rural , le concept d'un droit naturel individuel et le droit de l'exprimer, de l'exiger et de le réfléchir par le débat et le consensus. Les origines de la liberté de Diderot se nichent en partie dans ces fabriques rurales et elle finira de plus en plus étendue à un large public .
Je m'arrête ici en espérant avoir contribué à favoriser la compréhension sur le contexte et dans quelles dynamiques sociales et historiques s'enracinent le cri du coeur, très raisonné , même si grandement émotionnel de Diderot et sur les circonstances qui l'autorise à être libre.
En effet émotionnel car le texte s'inspire du parcourt notoire d'une none qui a existé véritablement et l'auteur a vu une de ses soeurs perdre sa raison en milieu monastique. Les réflexions de l'auteur ne portent pas seulement sur l'éthique et la morale, mais aussi la question tour autour des logiques institutionnelles et de leurs effets qui découlent des aspects structurels des institutions conventuelles.
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On accourt à ses cris, on l'emporte ; et je ne saurais vous dire comment cette aventure fut travestie ; on en fit l'histoire la plus criminelle : on dit que le démon de l'impureté s'était emparé de moi ; on me supposa des desseins, des actions que je n'ose nommer, et des désirs bizarres auxquels on attribua le désordre évident dans lequel la jeune religieuse s'était trouvée. En vérité, je ne suis pas un homme, et je ne sais ce qu'on peut imaginer d'une femme et d'une autre femme, et moins encore d'une femme seule ; cependant comme mon lit était sans rideaux, et qu'on entrait dans ma chambre à toute heure, que vous dirai-je monsieur ? Il faut qu'avec toute leur retenue extérieure, la modestie de leurs regards, la chasteté de leur expression, ces femmes aient le cœur bien corrompu : elles savent du moins qu'on commet seul des actions déshonnêtes, et moi je ne le sais pas ; aussi n'ai-je jamais bien compris ce dont elles m'accusaient : et elles s'exprimaient en des termes aussi obscurs, que je n'ai jamais su ce qu'il y avait à leur répondre.
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– Madame, lui disaient-elles, ne les lui demandez plus, vous êtes trop bonne ; vous ne la connaissez pas ; c’est une âme indocile, dont on ne peut venir à bout que par des moyens extrêmes : c’est elle qui vous y porte ; tant pis pour elle.
– Ma chère mère, lui disais-je, je n’ai rien fait qui puisse offenser ni Dieu, ni les hommes, je vous le jure.
– Ce n’est pas là le serment que je veux.
– Elle aura écrit contre vous, contre nous, quelque mémoire au grand vicaire, à l’archevêque ; Dieu sait comme elle aura peint l’intérieur de la maison ; on croit aisément le mal. Madame, il faut disposer de cette créature, si vous ne voulez pas qu’elle dispose de nous. »
La supérieure ajouta : « Sœur Suzanne,voyez... »
1Je me levai brusquement, et je lui dis : « Madame, j’ai tout vu ; je sens que je me perds ; mais un moment plus tôt ou plus tard ne vaut pas la peine d’y penser. Faites de moi ce qu’il vous plaira ; écoutez leur fureur, consommez votre injustice... »
Et à l’instant je leur tendis les bras. Ses compagnes s’en saisirent. On m’arracha mon voile ; on me dépouilla sans pudeur. On trouva sur mon sein un petit portrait de mon ancienne supérieure ; on s’en saisit ; je suppliai qu’on me permît de le baiser encore une fois ; on me refusa. On me jeta une chemise, on m’ôta mes bas, on me couvrit d’un sac, et l’on me
conduisit, la tête et les pieds nus, à travers les corridors. Je criais, j’appelais à mon secours ; mais on avait sonné la cloche pour avertir que personne ne parût. J’invoquais le ciel, j’étais à terre, et l’on me traînait. Quand j’arrivai au bas des escaliers, j’avais les pieds ensanglantés et les jambes meurtries ; j’étais dans un état à toucher des âmes de bronze. Cependant l’on ouvrit avec de grosses clefs la porte d’un petit lieu souterrain, obscur, où l’on me jeta sur une natte que l’humidité avait à demi pourrie. Là, je trouvai un morceau de pain noir et une cruche d’eau avec quelques vaisseaux nécessaires et grossiers.
La natte roulée par un bout formait un oreiller ; il y avait, sur un bloc de pierre, une tête de mort, avec un crucifix de bois. Mon premier mouvement fut de me détruire ; je portai mes mains à ma gorge ; je déchirai mon vêtement avec mes dents ; je poussai des cris affreux ; je hurlai comme une bête féroce ; je me frappai la tête contre les murs ; je me mis toute en sang ; je cherchai à me détruire jusqu’à ce que les forces me manquassent, ce qui ne tarda pas. C’est là que j’ai passé trois jours ; je m’y croyais pour toute ma vie. Tous les matins une de mes exécutrices venait, et me disait : « Obéissez à notre supérieure, et vous sortirez d’ici.
– Je n’ai rien fait, je ne sais ce qu’on me demande. Ah ! sœur Saint-Clément, il est un Dieu... » Le troisième jour, sur les neuf heures du soir, on ouvrit la porte ; c’étaient les mêmes religieuses qui m’avaient conduite. Après l’éloge des bontés de notre supérieure, elles m’annoncèrent qu’elle me faisait grâce, et qu’on allait me mettre en liberté. « Il est trop tard, leur dis-je, laissez-moi ici, je veux y mourir. »
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Faire vœu de pauvreté, c'est s'engager par serment à être paresseux et voleur ; faire vœu de chasteté, c'est promettre à Dieu l'infraction constante de la plus sage et de la plus importante de ses lois ; faire vœu d'obéissance, c'est renoncer à la prérogative inaliénable de l'homme, la liberté. Si l'on observe ces vœux, on est criminel ; si on ne les observe pas, on est parjure. La vie claustrale est d'un fanatique ou d'un hypocrite.
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Quelle mort, monsieur le marquis ! Je l'ai vue, la terrible image du désespoir et du crime à sa dernière heure ; elle se croyait entourée d'esprits infernaux ; ils attendaient son âme pour s'en saisir ; elle disait d'une voix étouffée : " Les voilà ! Les voilà !..." et leur opposant de droite et de gauche un christ qu'elle tenait à la main ; elle hurlait, elle criait : "Mon Dieu !... Mon Dieu ! "

NDL : vous savez que je crois à ce phénomène. Je l'ai lu dans d'autres livres, et j'ai vécu une mort de démence sénile ( c'est le terme actuel ), une perverse narcissique comme cette mère supérieure, qui voyait aussi des "démons" partout.
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– Eh bien ! maman, lui dis-je, rendez-moi vos bontés ; rendez-moi votre présence ; rendez-moi la tendresse de celui qui se croit mon père. Ma fille, car vous l’êtes malgré moi, vos sœurs ont obtenu des lois un nom que vous tenez du crime, n’affligez pas une mère qui expire ; laissez-la descendre paisiblement au tombeau : qu’elle puisse se dire à elle-même, lorsqu’elle sera sur le point de paraître devant le grand juge, qu’elle a réparé sa faute autant qu’il était en elle, qu’elle puisse se flatter qu’après sa mort vous ne porterez point le trouble dans la maison, et que vous ne revendiquerez pas des droits que vous n’avez point.











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Vidéo de Denis Diderot
Rencontre avec Christian Grataloup autour de Géohistoire. Une autre histoire des humains sur la Terre paru aux éditions des Arènes, et de L'Atlas historique de la terre (Les Arènes).
Christian Grataloup, né en 1951 à Lyon, agrégé et docteur en géographie, successivement enseignant du secondaire, professeur de classes prépas, formateur d'instituteurs puis de PEGC, maître de conférences à l'université de Reims et finalement professeur à l'université Paris Diderot. Les recherches et les publications de Christian Grataloup se sont toujours situées à la charnière de la géographie et de l'histoire. Une grande partie de ses travaux concernent la didactique, en particulier par la mise au point de «jeux» pédagogiques. Il a notamment publié: Atlas historique de la France (Les Arènes, 2020), L'invention des continents et des océans. Comment l'Europe a découpé le Monde (Larousse, 2020), Cabinet de curiosité de l'histoire du Monde (Armand Colin, 2020), Atlas historique mondial (Les Arènes, 2019), Vision(s) du Monde (Armand Colin, 2018), le Monde dans nos tasses. Trois siècles de petit-déjeuner (Armand Colin, 2017), Introduction à la géohistoire (Armand Colin, 2015).
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