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Critique de karmax211


Je connaissais très, très bien ( je l'aime beaucoup ) le film de Ken Hughes - L'ange pervers - tiré du roman de Somerset Maugham, adapté très librement, avec comme acteurs principaux Laurence Harvey et la sublime Kim Novak. Mais je n'avais pas lu ce roman-fleuve de 700 pages, roman d'apprentissage ou initiatique ( Bildungsroman, genre littéraire romanesque né en Allemagne au XVIIIème siècle ), dont le thème est " le cheminement d'un héros, souvent jeune, qui atteint progressivement l'idéal de l'Homme accompli et cultivé en faisant l'expérience des grands événements de l'existence : la mort, l'amour, la haine, l'altérité, etc. Il va ainsi se forger progressivement sa conception de la vie."
- Servitude humaine - est la parfaite illustration de ce genre, l'une de ses quintessences les plus abouties et les plus illustres.
Précisons avant d'en faire un bref résumé que beaucoup des éléments de cette histoire ont pour origine quelques-uns de ceux de la vie de l'auteur.
Philip, jeune enfant âgé d'à peine neuf ans perd sa mère qui meurt en donnant naissance à un enfant mort-né ( Maughan avait huit ans lorsque sa mère mourut en couches de la tuberculose ), et son père chirurgien dans la foulée.
Philip est alors confié à la garde du frère de sa mère, un pasteur anglican austère, rapiat, sans démonstration(s) affective(s) pour le jeune orphelin, et à sa petite femme, Tante Maria, qui vit dans l'ombre de " l'omnipotent prélat".
Il joue seul dans la cuisine jusqu'au jour où il découvre la bibliothèque de son oncle, riche de plusieurs milliers de livres, tous achetés "au rabais", dans lesquels il s'immerge avec passion et émerveillement.
Intelligent, curieux, sensible, instable, cette passion de la lecture associée à celle de l'Art, deviendra l'une des grandes affaires de sa vie.
Outre le fait d'être orphelin, Philip souffre d'une infirmité... un pied bot, lequel jusqu'à la mort de sa mère n'avait handicapé ni son esprit ni sa vie, mais va devenir ( comme le bégaiement sévère de Maugham )après la disparition de celle-ci, son point faible, son abcès de fixation.
Jusqu'alors protégé par la présence rassurante de sa mère, puis par les murs du presbytère, le collège va le livrer à la pâture de ses jeunes "camarades".
Élève brillant, encouragé par le directeur de l'établissement qui lui prédit un bel avenir universitaire, une bourse, et une vocation pastorale, Philip mu par sa quête initiatrice va refuser ses lauriers desséchés et leur préférer l'étude des langues pendant une année à Heidelberg.
Puis ce sera l'appel de Paris et sa vie de bohème... le jeune homme a un joli coup de crayon... avant de réaliser que son talent n'est que médiocre.
Retour en Angleterre où son pasteur d'oncle ne sait plus où donner de la tête.
Il tente de devenir expert comptable puis se tourne presque par défaut vers la médecine... qui va devenir, à son corps défendant ( pas de jeu de mots ), sa vocation.
C'est là que surgit une jeune serveuse d'un tearoom, Mildred... " l'ange pervers", dont il va devenir fou amoureux et laquelle va lui faire visiter toutes les strates des Enfers.
Philip va connaître l'humiliation, la souffrance, la pauvreté.
Il devra, pour survivre, travailler pendant deux ans comme employé subalterne dans un grand magasin ( référence à Zola ), aidé en cela par l'amitié authentique et indéfectible d'une famille.
La mort de son oncle et un petit héritage lui permettront de terminer ses études de médecin, de commencer à exercer chez un vieux praticien ronchon qui... à sa grande surprise, lui proposera au terme d'un remplacement d'un mois, une association et un rachat de clientèle.
Mais Philip, comme Marius, rêve en contemplant la mer, d'horizons lointains et de pays exotiques.
Mais c'est un autre voyage qui l'attend, une Fanny anglaise prénommée Sally...
Après bien des pérégrinations chaotiques et tumultueuses, après avoir essuyé tant de tempêtes, Philip va s'installer dans "une vie que les vents vont ramener fourbu mais conscient de la part que lui réserve le destin commun à la glu du rivage."
C'est dense, riche, vivant, intelligent, captivant, émouvant, brillant.
C'est très bien écrit, éminemment bien pensé ; la structure narrative ne souffre d'aucun défaut, les personnages ont de la gueule.
C'est un chef d'oeuvre.
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