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Critique de Gwen21


Mais quelle déception ! J'en grincerais presque des dents, drôle de façon de démarrer la nouvelle année. Et pourtant... s'il y a un bien un roman dont j'attends avec impatience et depuis des années l'adaptation graphique, c'est bien "Au bonheur des dames" d'Emile Zola. Découvert au collège grâce à un extraordinaire professeur passionné, M. Courtaud - rendons hommage aux profs qui ont compté pour nous, à l'heure où ils peuvent si cruellement perdre la tête - ce roman trône depuis mon adolescence sur la plus haute marche de mon podium littéraire personnel. Lu et relu une dizaine de fois en vingt ans, il représente pour moi la quintessence du souffle romanesque : descriptions à couper de souffle, personnages bien campés et aux relations complexes sous des dehors de simplicité, roman de moeurs, roman sociétal, roman social, roman d'amour, roman de la modernité, roman historique. Bref, je n'en jette pas plus, j'attends toujours avec impatience qu'un réalisateur s'empare de ce chef-d'oeuvre pour en faire un long-métrage digne de ce nom.

Dans cette attente, ce sont les métrages de tissu que je m'attendais à voir déployés avec faste à travers ce roman graphique. Hélas, mon enthousiasme a tourné court à la vue des dessins tout simplement affreux. Autant le dire franchement, je n'ai pas du tout, mais alors pas du tout adhéré au trait d'Agnès Maupré. S'il y a bien un roman qui méritait un dessin soigné et esthétique, quitte à tomber dans un trait classique et académique, c'est "Au bonheur des dames". En effet, on ne peut guère trouver de roman plus visuel que celui-ci, ode à la parure, long poème dans lequel s'exposent non seulement toutes les sortes de tissus possibles et imaginables mais encore la relation proprement charnelle de la Femme avec la mode, et ce que son vêtement représente socialement à une époque où elle n'a pas la possibilité de s'exprimer autrement.

Sous ses dehors de classique du XIXème siècle, "Au bonheur des dames" est un roman extrêmement moderne et terriblement érotique, dans l'acception noble et littéraire du terme. A chaque page, on ressent la volupté des sens exacerbés par l'envie, le désir et le besoin de posséder, de dominer, de séduire et d'aimer. le génie naturaliste de Zola a permis à un homme, Octave Mouret, d'ériger son empire commercial sur la femme, par la femme, pour la femme, puis d'être enferré dans le propre piège qu'il a tendu à ses clientes, ses "victimes", par l'épanouissement de sentiments puissants pour la plus humble des femmes, Denise, petite vendeuse aux confections. Les décors emphatiques de son magasin, Au Bonheur des dames, la magnificence des costumes d'époque et l'atmosphère du Paris du Second Empire méritaient vraiment mieux, graphiquement parlant.

Déçue par le dessin, que me restait-il ? Découvrir le contenu narratif. Agnès Maupré reste plutôt fidèle au roman dans son déroulement mais là encore, elle m'a désagréablement surprise, notamment en passant purement et simplement à côté de la scène centrale du roman, pourtant l'une des plus belles scènes de jalousie de la littérature. Cette scène privée réunissant dans l'intimité trouble d'une chambre d'amants le trio amoureux constitué de Mouret, de Henriette Desforges, sa maîtresse, et de Denise, la femme qu'il aime sans pouvoir le révéler, Agnès Maupré en a tout simplement fait la crise de nerfs d'une femme capricieuse en pleine foire commerciale, dans un espace public et effervescent. Sans parler de l'absence remarquée du vendeur Hutin, un personnage capital du chemin initiatique de Denise. Ce manque de compréhension profonde de l'oeuvre a achevé de me désappointer et c'est sans aucun entrain que je suis allée au bout de ma lecture.

J'attendais donc depuis longtemps cette adaptation, d'où mon niveau d'exigence élevé. Je constate avec regret qu'il me faudra encore attendre sans doute plusieurs années avant de trouver le Graal. J'ajoute que ma déception est d'autant plus cuisante que j'ai découvert la même semaine l'excellente adaptation de "Pot-Bouille" - le roman qui précède "Au bonheur des dames" dans la série des Rougon-Macquart - par Cédric Simon et Eric Stalner.


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