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Critique de Biblioroz


Trop petit, les joues creuses, de vilaines dents, un nez rougeaud, long et pointu, un front prématurément ridé puisqu'il va seulement sur ses vingt-trois ans ; c'est le premier portrait de Jean Péloueyre qui attaque cette première page. L'accent est donc immédiatement porté sur sa laideur puisque c'est celle-ci qui sera au coeur du sinistre et âpre destin qui attend ce pauvre Landais. L'auteur va même jusqu'à le qualifier de cloporte ou de grillon, insistant sur le caractère hideux de son personnage, renforçant ainsi l'image d'un homme perclus dans sa laideur.
Orphelin de mère, il se plie amèrement à l'absolu silence exigé par son père maladif durant les longs après-midi de siestes sacrées.

François Mauriac, d'une phrase, plante l'atmosphère, le décor. S'en échappe, sans aucune insistance, la sensation d'étouffement de cette maison lugubre où la maladie du père, puis plus tard celle du fils, appesantissent l'atmosphère. On ressent parfaitement cet engourdissement qui règne entre ces quatre murs. L'extérieur nous sera subtilement suggéré par le chant d'un coq, les plaintes d'un porcelet, les cloches sonnant un glas ou l'angélus.

La vie de Jean se résume à chasser les pies, soliloquer avec force gestes, ce qui lui attire les moqueries du bourg, se raccrocher à la foi pour tenter de combler tout ce que sa laideur lui a refusé depuis l'enfance. Il se surprend à haïr ceux aux physiques avantageux dont les portes sont ouvertes vers tout ce qui lui est refusé. D'ailleurs, sa tante et son fils, guignant la fortune du vieux Jérôme Péloueyre ne se privent pas de lui coller l'étiquette de « non mariable ». Leur anticléricalisme amènera le curé, refusant vivement que la fortune et la notoriété des Péloueyre aillent à ces mécréants, à arranger rapidement le mariage de Jean avec la belle Noémi.
L'auteur donnera à Noémi l'image d'une fleur bien jeune mais brutalement coupée par ce mariage imposé. Un refus n'est pas envisageable, elle se doit d'obéir à M. le curé et une telle chance de fortune ne se refuse pas.

Cette sordide histoire prend ses racines dans l'obéissance à des conventions morales, catholiques, sociales et financières du début du XXe siècle.
Dans ce couple horriblement mal assorti, la présence de Jean flétrira la jeunesse de Noémi dont le dégoût de ce mari se bataillera avec ses remords de ne pouvoir l'aimer. Celui-ci s'évertuera à rentrer le plus tard possible, tristement conscient de la répugnance de son épouse. Ce couple sera rongé de part et d'autre alors que le père se sentira partiellement revivre sous les bons soins de sa bru, jouant avec cet héritage qui continuera à plomber le devenir de la jeune fille.

L'écriture très concise de François Mauriac nous offre ici des combinaisons syntaxiques d'un très bel effet. À plusieurs reprises, il montre également une capacité étonnante à nous servir en une seule phrase des faits cruciaux dans l'avancée de ce drame conjugal.

Entre le vieux Jérôme se traînant dans sa robe de chambre « souillée de remèdes », l'aversion de Noémi rongée par le besoin d'amour et le poids de la vertu, la détresse macabre de Jean, ce roman est profondément et impitoyablement dramatique.
La possession de ces terres landaises, soufflant leurs effluves de résineux, mènera à de misérables destins.
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