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Critique de Christophe_bj


Je retrouve ce petit livre dans mon grenier… Je l'avais lu il y a longtemps et le relis aujourd'hui. La collection « Ecrivains de toujours » au Seuil mettait à l'honneur les plus grands, dont l'oeuvre était souvent bien analysée et permettait de se faire une première idée d'un auteur, même si la méthode critique ressortait un peu trop au Lagarde et Michard. Claude Mauriac (le fils de François, qui a épousé en 1951 Marie-Claude Mante-Proust, la petite-nièce du grand Marcel (et d'Edmond Rostand)) s'empare ici en 1953 de la vie et de l'oeuvre de Proust, alors que celle-ci est en train d'être réévaluée comme une des plus grandes de tous les temps, avec entre autres la première publication par Pierre Clarac et André Ferré de la Recherche dans la Pléiade en 1954. ● Au centre du livre, le traitement de l'homosexualité relève bien des années cinquante, même si l'on voit clairement que Claude Mauriac essaie de s'écarter de la doxa en vigueur par des épanorthoses nombreuses du style « ce vice, ou considéré tel », « cette maladie, s'il faut l'appeler ainsi »… Bien sûr, on trouve aussi trop souvent une confusion malvenue entre la vie et l'oeuvre et une interprétation autobiographique non seulement de la Recherche, mais de Jean Santeuil et des Plaisirs et les Jours. ● Il y a quand même de bonnes choses dans ce petit livre qui fait une (trop ?) large place aux citations (la collection le voulait, comme l'indication « par lui-même » le suggère), et notamment le chapitre « Nous-même par Marcel Proust » (pp. 131-135) qui développe cette idée que la lecture de Proust transforme, voire transfigure le lecteur, avec entre autres la superbe citation de Gide (qui essayait par tous les moyens de se rattraper d'avoir refusé le manuscrit de Proust à la NRF) qui pour l'occasion adopte un style très proustien (note 1 page 132) : « Proust est quelqu'un dont le regard est infiniment plus subtil et plus attentif que le nôtre, et qui nous prête ce regard, tout le temps que nous le lisons. Et comme les choses qu'il regarde (et si spontanément qu'il n'a jamais l'air d'observer) sont les plus naturelles du monde, il nous semble sans cesse, en le lisant, que c'est en nous qu'il nous permet de voir ; par lui tout le confus de notre être sort du chaos, prend conscience ; et comme les sentiments les plus divers existent en chaque homme à l'état larvaire, à son insu le plus souvent, qui n'attendent parfois qu'un exemple ou qu'une désignation, j'allais dire : qu'une dénonciation, pour s'affirmer, nous nous imaginons, grâce à Proust, avoir éprouvé nous-mêmes ce détail, nous le reconnaissons, l'adoptons, et c'est notre propre passé que ce foisonnement vient enrichir. Les livres de Proust agissent à la manière de ces révélateurs puissants sur les plaques photographiques à demi voilées que sont nos souvenirs, où tout à coup viennent réapparaître tel visage, tel sourire oublié, et telles émotions que l'effacement de ceux-ci entraînait avec eux dans l'oubli. » C'est exactement le processus qui se passe en moi quand je lis Proust : j'ai l'impression non seulement de mieux voir le monde, mais de mieux voir en moi. Il y a aussi un autre phénomène parallèle qui se passe : lorsqu'on le lit au long cours, son style s'imprime en nous, on pense avec son style, ce sont des phrases proustiennes qui viennent à la pensée. C'est le seul écrivain qui produise sur moi un tel effet. ● le livre de Claude Mauriac insiste aussi sur le caractère très construit de l'oeuvre, qui avait pu échapper aux premiers lecteurs, avec la métaphore proustienne de la cathédrale ou celle, plus modeste, de la robe (chapitre « Une oeuvre gouvernée » pp. 137-142). Ces métaphores, qui suggèrent le degré de construction de la Recherche, sont maintenant bien connues mais elles ne l'étaient pas à l'époque où Claude Mauriac publiait ce livre.
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