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Critique de berni_29


Comme son nom l'indique, l'histoire de L'Auberge de la Jamaïque se situe bien en... Cornouaille anglaise.
Nous sommes au début du XIXème siècle, vers 1815. Perdue sur la lande pluvieuse où le vent souffle sans trêve dans les bruyères, se dresse l'Auberge de la Jamaïque.
La jeune Mary Yellan, vingt-trois ans, vient de perdre sa mère. Désormais orpheline et pauvre, elle accomplit la promesse faite à sa mère avant que celle-ci ne meurt, celle de quitter la ferme familiale, le pays de son enfance et de partir rejoindre sa tante Patience mariée à un aubergiste, sur la côte désolée de l'Atlantique, aux confins de la Cornouaille...
De sa tante Patience, elle se souvient d'une jeune femme belle et enjouée. Lorsqu'elle arrive à l'Auberge de la Jamaïque c'est une tout autre vérité qu'elle découvre. La tante est une femme vieillie avant l'âge, amaigrie, malheureuse, terrorisée par Joss Merlyn son époux alcoolique et violent.
Quant au lieu, celui-ci n'a d'auberge que le nom. C'est un endroit désolé, qui semble avoir mauvaise réputation auprès de la population locale, planté dans un décor inquiétant pétri de landes et de marécages, étreint par les brouillards, battu par les tempêtes. Autrefois, l'Auberge de la Jamaïque était un ancien relais de poste sur la grand-route qui mène de Truro à Penzance. Désormais, les cochers craignent le lieu comme la peste et si par malheur un voyageur a la mauvaise idée d'y faire escale comme la jeune Mary Yellan, on le dépose sur la route pour le laisser terminer à pied son chemin vers le bâtiment en retrait... Même les chevaux semblent craindre l'endroit...
Autant vous dire qu'ici le paysage est un personnage à part entière du roman. Il n'est pas sans m'évoquer celui déjà rencontré dans Les Hauts de Hurle-Vent d'Emily Brontë, ou bien encore l'Ensorcelée de Jules Barbey d'Aurevilly.
Mais qu'en est-il de l'histoire et de ses protagonistes ?
Dès les premières pages, j'ai été happé par un récit prenant, envoûtant, pour ne pas dire addictif... Incontestablement, Daphné du Maurier sait nous raconter une histoire, poser une ambiance. le roman tient beaucoup du ressort narratif d'un thriller.
Dès son arrivée à l'Auberge de la Jamaïque, Mary Yellan soupçonne de terrifiants mystères. D'emblée le ton est donné par l'aubergiste à Mary, le conseil tient davantage de la menace, celui de ne pas poser de questions sur les visiteurs de l'auberge. Auberge dans laquelle, d'ailleurs, aucun vrai voyageur ne s'est arrêté depuis longtemps... Mais qui sont donc ces étranges personnes qui fréquentent parfois l'endroit la nuit ? Des contrebandiers douteux ? Chut... Je ne vous en dis pas plus...
Mais c'est sans compter sur l'esprit rebelle de la jeune femme qui a le courage de tenir tête à l'horrible homme.
Et tout violent, tout alcoolique qu'est Joss Merlyn, il n'en est pas pour autant idiot et décèle rapidement l'intelligence dans le regard de sa nièce par alliance.
Car par-delà les marécages et les pierres acérées, il y autre chose dans le décor, il y a dans l'air un défi vorace qui aiguillonne Mary vers l'aventure, vers son destin, tandis qu'au loin dans l'océan bouleversé, des navires se fracassent et que les cris des naufragés continuent de résonner dans la mémoire de ceux qui ont le malheur de les entendre.
Ici saluons l'inspiration de Daphné du Maurier dans la manière de dessiner le personnage principal du roman, cette jeune femme campée avec beaucoup de caractères et de défi dans l'âme, avec cette touche de féminisme dans l'encre de sa plume et qui renverse les codes du genre de l'époque.
On imagine des personnages qui ressemblent au paysage dévasté par les éléments, à leurs regards tordus comme les touffes de genêts, à leurs silhouettes ployées par la bourrasque qui ne cesse jamais de souffler, à leur esprit détourné, à leurs pensées peut-être devenues mauvaises à force de vivre entourés de marécages et de granit... On imagine cela aisément à travers les pages broyées par les vents et c'est la puissance d'évocation de Daphné du Maurier qui nous restitue cette sensation captivante comme dans une vision cinématographique.
Roman essentiellement d'atmosphère dans la description âpre du paysage qui façonne les protagonistes de l'histoire, son intrigue pourrait paraître un tantinet convenue et prévisible mais il y a ce personnage haut en couleurs de Mary qui porte le récit et que je soupçonne d'incarner une forme d'alter-ego de l'autrice.
Tiens ! Je vous entends déjà me demander de manière pertinente : « Mais pourquoi la Jamaïque ? » Très bonne question les amis, je vous remercie de me l'avoir posée...
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