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Critique de Ys


Quelque part sur une côte d'Irlande est une crique, protégée des tempêtes par une petite île où siège une garnison. Sur cette rive, un château, dominé par une montagne où un lac est venu lover ses eaux froides. Un paysage au premier abord parfaitement paisible - mais de paix, peut-il être question dans ce pays où couvent tant de haines ?
Dans les entrailles du Mont-Brûlé, on vient de trouver du cuivre - superbe opportunité offerte par la nature au progrès, à l'enrichissement, aux yeux de John Brodrick, le propriétaire de lieux, un homme d'affaire ambitieux, un esprit rationnel, implacable et froid. Mais d'autres, par ici, considèrent que les trésors enfouis par la nature n'ont pas à être profanés pas les hommes - ou préfèrent simplement l'indolence aux grandes l'ambitions. Et puis... bien qu'installés ici depuis trois générations, les Brodrick viennent de l'autre côté de l'eau - d'Angleterre en somme - et les terres qu'ils exploitent ont été confisquées aux Irlandais. Des Irlandais qui n'oublient rien, qui sont toujours là, tapis dans un coin du village, la malédiction à la bouche, tout prêts à jouer le rôle du mauvais ange pour faire chuter l'usurpateur. Peu importe que celui-ci soit sincère dans son désir d'améliorer le sort du pays, peut importe l'attachement qu'il en est venu à porter à cette terre...
La mine, dès son ouverture, est hautement impopulaire, tout comme les ouvriers qualifiés anglais amenés là pour engager son exploitation. Impopulaire, mais nécessaire bientôt. Détestée, mais intégrée peu à peu dans la vie quotidienne et la nature du paysage. Les Brodrick eux-mêmes, dont les générations se succèdent au fil des ans, ne la voient pas sans une certaine ambivalence, cette entreprise qui défigure, exploite, enrichit, divise et unit tour à tour. Assurément, elle fera leur fortune - mais leur bonheur, beaucoup moins. Et au bout de cent ans, lorsqu'éclate la guerre pour l'indépendance, que restera-t-il donc des grandes ambitions de Copper John ?

Inspiré par l'histoire de la famille Puxley - dont le manoir abandonné se dresse toujours au-dessus de sa crique, et dont les mines se profilent encore par derrière le petit village d'Allihies, sur la péninsule de Beara - le Mont-Brûlé est une belle chronique familiale peuplée de personnages intéressants, ambigus, très justes. Chez les Brodrick, la dureté le dispute au charme, la veulerie à la générosité, la nonchalance à l'exaltation. Presque aucun n'est exclusivement sympathique mais presque tous sont attachants, le restent ou le deviennent, dans l'équilibre bancal de leurs désirs et de leurs faiblesses, dans les malheurs qu'ils se créent eux-mêmes avec un talent consommé. Comme si le mauvais sort ne suffisait pas ! Quelques beaux personnages rapportés, aussi, dont la flamboyante Fanny-Rosa, exquise, exaspérante, admirable et pathétique, sans doute la plus marquante du roman.
Là derrière, un intéressant tableau de l'Irlande du XIXe siècle et de ses déchirures irrémédiables, qui refuse de tomber dans le manichéisme facile de l'opprimé et de l'oppresseur. le colon est sans doute moins antipathique, ici, que celui qu'il a spolié - mais l'attitude de ce dernier se justifie par sa situation même. Entre les deux, le dialogue et la compréhension sont impossibles, et c'est là tout le drame qui sous-tend le roman, dont les plus désireux de paix seront les premières victimes.
Lien : https://ys-melmoth.livejourn..
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