Il est clair que ce roman entremêle très habilement trois sujets: une famille (les Landauer), un pays dans l'Histoire (la Tchécoslovaquie pendant une grande partie du XXème siècle) et, last but not least, la "Palais de Verre", une vaste maison bâtie à la fin des années '20 près de la ville tchèque de Mesto. Cette magnifique demeure a été construite dans un style radicalement nouveau et abrite la famille Landauer.
On s'intéresse d'abord à la vie de Viktor, un grand industriel juif (germanophone), très intelligent et impénétrable, et de son épouse Liesel, avec leurs deux enfants. Ils font partie de l'élite riche et cultivée; ils ont de nombreux amis, notamment une femme remarquable, Hana, amie intime de Liesel. Un jour, Viktor fait connaissance d'une femme "facile" qui vit à Vienne, Kata; il en devient de plus en plus amoureux mais cache son jeu. Par un hasard peu plausible, Kata arrivera à Mesto et deviendra la bonne d'enfants des enfants de Viktor. Les remous de l'histoire, d'abord presque insensibles, deviennent de plus en plus violents quand Hitler dévoile son antisémitisme et sa volonté de dominer toute l'Europe. Viktor est vite conscient du danger, mais Il faudra que la Tchécoslovaquie soit envahie pour que la famille s'enfuie en Suisse; cet exil se poursuivra à Cuba et, plus tard, aux USA. Pendant ce temps,
le Palais de Verre ne bouge évidemment pas et le romancier s'intéresse à lui, délaissant longuement le destin des Landauer. On décrit les effets désastreux de l'occupation nazie, puis la libération de Mesto par l'armée soviétique, enfin l'emprise du socialisme sur le pays sous l'égide de l'URSS. Dans les dernières pages du roman, à la fin des années '60, le lecteur retrouve la famille Landauer revenant en visite à Mesto, invités à l'occasion de la transformation en musée de leur ancienne propriété.
Ce gros livre se lit facilement, l'intrigue romanesque est assez captivante, le lecteur est sensibilisé au devenir de ce pays vulnérable qu'est la Tchécoslovaquie, et l'unité du roman est assurée par le "Palais de Verre". Les personnages sont tous intéressants, sans être exceptionnels - sauf Hana qui apparait particulièrement attachante en raison de son intrépidité et de son anticonformisme. Pour moi, il s'agit d'un très bon livre sortant un peu de l'ordinaire.