Captivée par la violence du tonnerre, "la colère de Dieu" comme l'appelait sa mère, elle ne voulait rien en manquer. Elle puiserait dans les éclairs, la pluie et les rafales la force dont elle avait besoin. Aussi loin que remontaient ses souvenirs, il en avait toujours été ainsi. Combien de fois, au grand dam des adultes, n'était-elle pas sortie de la maison, en plein orage, pour sentir la pluie ruisseler sur sa peau et se nourrir de cette formidable énergie qui irradiait du ciel ?
après déception de ce livre, j'ai adoré la suite "le vent de la colère" à lire absolument!
Quittant son siège, elle prit un léger recul et apprécia ce qu'elle venait de peindre. Si les nuances de couleur lui paraissaient satisfaisantes, le tout manquait d'animation. Elle ne retrouvait pas sur la toile la tension des ouvriers et des bêtes, qui constituait la beauté unique, quasi magique de cet instant. Elle n'avait pas su traduire cette violence - c'en était une, de son point de vue - qui opposait la terre et les hommes, ces derniers devant quasiment lui arracher leur subsistance.
«Emma rejoignit Émile, son grand-père, qui conduisait la moissonneuse. Elle l'observa un moment, admirative. Malgré ses soixante ans, l'homme portait encore beau. Pas très grand, musclé,
les épaules larges, bien campé sur ses jambes, il impressionnait toujours ses interlocuteurs, tant on le sentait enraciné dans sa terre, "sa femelle" comme il la désignait. De mémoire, Emma n'avait jamais vu homme lui tenir tête... Quant aux femmes, elle supposa qu'elles ne devaient pas résister longtemps à son charme...».